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VIII Les deux cousins. — Échange de cartouches. — Mariage. — Mort.

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Prompte à exécuter autant qu’à concevoir, Rosola fait immédiatement des ouvertures et des propositions formelles, que Cesario accepte : le mariage est décidé. Gallocchio ne tarde pas à être informé de ce qui se passe, et demande une entrevue à son cousin.

— Que viens-je d’apprendre de toi? lui dit-il.

— Et qu’est-ce que l’on t’a dit?

— On m’a dit, mais ce ne peut-être qu’un faux bruit, on m’a dit que tu songes à épouser Louise.

— Non seulement j’y songe, c’est une chose décidée.

— Est-ce que tu ne sais pas que cela est impossible, à toi plus qu’à tout autre?

— Pourquoi cela?

— Pour plusieurs raisons, que voici : parce qu’elle est ma fiancée, et ne peut épouser nul autre que moi; parce que nous sommes du même sang, et qu’il serait monstrueux qu’un cousin germain fît pareil outrage à son cousin; parce que ce projet n’a d’autre but que de diviser notre famille, de me faire périr par vos mains, ou de m’obliger à vous tuer tous jusqu’au dernier; parce qu’enfin je ne le veux pas, et te le défends formellement.

— Tu es son fiancé, c’est vrai. Eh bien ! épouse-la, et je me retire; mais, si tu ne veux ou ne peux l’épouser, pourquoi empêcher qu’un autre l’épouse?

— Parce que c’est mon droit, et que j’ai juré à la mère et à la fille qu’il en serait ainsi.

— Et moi, je la regarde comme libre ; je veux l’épouser, et je l’épouserai.

— Réfléchis bien, je t’en conjure.

— Toutes mes réflexions sont faites, et je n’ai pas peur de toi.

— Cela étant, donne-moi trois de tes cartouches; en voilà trois des miennes : tâche d’en faire bon usage.

— J’accepte la lutte. Dès demain, au lever du soleil, nous entrons en guerre, si cela te convient.

Quelque irrité que fût Gallocchio contre son cousin, il ne céda pas au premier mouvement. Avant d’entrer en campagne, il résolut de faire agir près de Cesario une personne influente et sage : il s’adressa dans ce but au maire d’Antisanti, frère de leurs mères et leur oncle commun. Ce maire était un homme de bien, qui s’acquitta de sa mission avec tout le zèle possible ; mais, hélas! inutilement.

— S’il a des bras, dit Cesario, j’en ai aussi; s’il a des cartouches, je n’en manque point. Il est seul, nous sommes sept. Dites-lui que le mariage se fait dans trois jours. S’il veut me servir de témoin, il sera bien reçu.

— Dieu veuille qu’il ne t’entende pas, et ne vienne pas t’apporter un sanglant témoignage !

Cette réponse blessa vivement Gallocchio, et le rejeta dans ses pensées de meurtre et de sang. Pendant ces trois jours, il fit le mort : personne ne le vit, personne ne l’entendit.

Le jour solennel venu, les esprits n’étaient pas sans préoccupations et sans craintes; tout le monde s’attendait à quelque apparition soudaine. Seuls, les Cesario affectaient une assurance et une joie qu’ils n’avaient peut-être pas au fond du cœur. Tout se passa bien de Casavecchia à la mairie, à l’église et pendant le retour. Un splendide festin avait été préparé ; l’on avait invité de nombreux convives, comme pour s’empêcher d’avoir peur.

Cependant la nuit était venue. Le temps étant sombre et la lune absente, Gallocchio s’était rapproché de Casavecchia. A cheval, comme la première fois, sur le séchoir dont nous avons parlé, il se cachait entre les branches des arbres qui le couvraient. De là, il entendait les éclats de rire, les chants joyeux des convives, et la puissante voix de Cesario, qui quelquefois couvrait les autres.

Ces jours-là, la masse des convives restent longtemps à table. A un moment donné, les jeunes mariés se lèvent, disparaissent et gagnent discrètement la chambre nuptiale. S’apercevant que ce moment est venu, Gallocchio jette contre les carreaux de petits cailloux qu’il a dans la poche. Cesario, cédant au premier mouvement, ouvre la fenêtre, reçoit une balle dans le front, et tombe juste à l’endroit où était tombé son beau-père. En même temps le meurtrier apparaît sur la porte, pour tuer, dit-on, Rosola, qu’il accusait de tous ses maux; mais la vue de tant d’hommes armés le retint. On assure que Rosola déchargea sur lui, sans l’atteindre, le fusil de son gendre.

Cet événement donna aux poursuites contre Gallocchio un redoublement d’activité, qui se tourna contre ses auteurs, coûta la vie à plusieurs gendarmes et à deux des frères Cesario.

Voyage en Corse

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