Читать книгу An der Front und Hinter der Front - Au front et à l'arrière - Группа авторов - Страница 12
Le début de la guerre : un remake amélioré de 1870 ?
ОглавлениеÀ première vue, on pourrait le penser. On se situait au début du conflit encore dans la tradition de Frédéric II, Napoléon, Moltke. Pour l’essentiel, un officier de 1870 n’aurait pas été dépaysé. Les points communs des différents plans (celui de Schlieffen, qui reposait sur le modèle oblique de Leuthen, modifié par Moltke le Jeune, qui s’inspirait, lui, de Cannes, c’està-dire de l’enveloppement par les ailes, celui de Joffre, qui reprenait le paradigme d’Austerlitz d’attaque au centre, le plan d’offensive russe en Prusse) étaient nombreux et importants. Tout le monde était d’accord pour donner la priorité à la destruction des armées ennemies par une offensive immédiate. Tout le monde était convaincu de la supériorité du mouvement, seul à même de produire des effets stratégiques décisifs.
Tous les protagonistes avaient préparé minutieusement l’organisation des trois phases successives de l’entrée en guerre : mobilisation, concentration, offensive. Tous étaient à la recherche d’une victoire décisive. Si Moltke l’Ancien, après la conclusion de l’Alliance franco-russe en 1891, avait, dans ses derniers plans, prévu une défensive initiale sur les deux fronts, il n’était plus question de se contenter d’une stratégie aussi prudente.
Mais un certain nombre d’innovations par rapport à 1870 étaient apparues dès l’avant-guerre :
1) Des armées de masse (Millionenheere) : d’où des fronts beaucoup plus étendus.
2) Les armes à tir rapide et l’artillerie lourde mobile.
3) Une mobilisation humaine, matérielle et morale déjà beaucoup plus forte en 1914 qu’en 1870.
4) Un début d’amélioration des communications (voitures automobiles d’état-major, radio) et de la reconnaissance (les avions, qui jouèrent un rôle décisif du côté français lors des batailles de Lorraine et de la Marne).
5) L’utilisation des chemins de fer en courants de rocade pendant les combats et non plus seulement de façon radiale au moment de la concentration initiale (manœuvres ferroviaires in bello, plus seulement ad bellum)1.
Et d’autre part, la leçon de 1870/71 était ambiguë : à la période de la guerre de mouvement décisive aboutissant à Sedan avait succédé la période beaucoup plus lente et complexe pour les Prussiens de la « Défense nationale », le gouvernement provisoire parvenant à lever et équiper de nouvelles armées et à prolonger la lutte. La conviction générale était que la guerre serait courte pour des raisons économiques (Norman Angell avait défendu cette thèse dans un livre fameux, La grande illusion, paru en 1910) et militaires (on prévoyait des offensives stratégiques décisives) ; mais il existait une opinion minoritaire opposée : l’économiste Jean de Bloch avait prédit que l’économie moderne permettrait la prolongation du conflit2, et Joffre déclara peu avant la guerre à Maurice Paléologue, directeur politique au Quai d’Orsay, qu’après la première phase offensive, une fois l’adversaire ramené chez lui (les Allemands repoussés au-delà du Rhin, ou les Français refoulés jusqu’au Morvan), commencerait une phase de « défense nationale », à la durée imprévisible3.