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Il y avait à peu près une heure que la tante Tout c’ était partie, et M. Margueritte surveillait ses ouvriei lorsque le portier vint le prévenir qu’on le demanda

–Qui? Des parents? dit M. Margueritte, qui pensa à la rentrée.

–M. Radou, répondit le portier.

Au premier étage, M. Margueritte ouvrit la porte son appartement où se trouvait en ce moment sa mè et sa fille.

–Hélène! cria-t-il du seuil.

Hélène était avec sa grand’mère dans la chambre ( celle-ci; elle accourut à l’appel de son père.

–Tu as besoin de moi?

–Radou vient d’arriver.

M. Radou, qui attendait dans le salon où d’ordinai on recevait les parents, était un beau jeune homn de vingt-quatre à vingt-cinq ans très soigné dans tenue, peut-être même trop soigné, au moins po un homme du monde: redingote noire non boutonné gilet en cœur laissant voir le plastron de la chemis pantalon gris mastic, gants de chevreau jaunes, ma chettes bien empesées recouvrant la moitié de la mai] Pendant tout le temps qu’il était resté seul, au lieu regarder les livres placés sur la table ou les cadres accrochés aux murs et qui représentaient, les uns, des modèles d’écriture avec entourages d’oiseaux et de feuillages à la plume, les autres des sujets académiques au crayon noir et au fusain, il s’était regardé lui-même dans la glace et, s’étant déganté de la main droite, il avait à plusieurs reprises passé ses doigts dans ses cheveux frisés pour les faire bouffer; puis à plusieurs reprises aussi il avait élevé, droit au-dessus de la tête, sa main dégantée et l’avait agitée vivement pour faire descendre le sang qui la rougissait. Alors, à mesure qu’elle blanchissait, il l’avait complaisamment admirée.

C’était à cela qu’il s’occupait pour la quatrième ou cinquième fois et toujours avec un plaisir nouveau, lorsque la porte du salon s’ouvrit. S’interrompant aussitôt, mais sans se troubler, il vint au-devant de M. Margueritte, sa main droite tendue et la regardant avec un sourire de satisfaction: elle était blanche.

–Comment, vous, mon cher Radou, dit M. Margueritte d’un ton affectueux.

–Vous ne m’attendiez pas de sitôt.

–Il est vrai.

–J’ai voulu avoir le temps de m’organiser avant la rentrée. Je ne vous demande pas de vos nouvelles, car je vois à votre belle mine florissante que vous êtes toujours bien portant; mais mademoiselle Hélène, comment est-elle?

–Très bien; vous allez la voir, car vous dînez avec nous.

–Mais.

–Pas de mais. Vous arrivez, vous ne connaissez que nous à Condé, vous nous appartenez.

–Alors j’obéis pour la discipline. et aussi pour mon plaisir.

Si la phrase était prétentieuse, la manière dont elle fut dite l’était plus encore; mais M. Margueritte ne fit attention, bien évidemment, qu’au sens même de la réponse: son invitation était acceptée, cela lui suffisait et le satisfaisait.

–C’est parfait, dit-il, c’est parfait. Vous savez que je suis de Condé; demandez-moi donc tous les renseignements qui peuvent vous être nécessaires.

–Avant de rien demander, je dois commencer par vous remercier.

–Vous m’avez écrit pour m’envoyer vous remerciements.

–Ce n’est point assez: je dois, je veux vous les réitérer de vive voix.

–S’il vous a été agréable de venir à Condé, moi il m’est agréable de vous avoir, et, de plus, cela m’est utile. Où aurais-je trouvé un professeur de votre valeur? Je veux relever ce collège et n’épargner rien pour que l’enseignement des sciences soit à la hauteur de celui des meilleurs lycées; vous êtes donc mon homme, et vous voyez qu’en vous demandant j’ai eu mon intérêt en vue. Je pourrais m’en tenir là dans ma réponse, mais je ne serais pas complet. A cette raison officielle, s’en joignait une autre personnelle, mon cher Radou.

Disant cela, M. Margueritte tendit la main à son cher Radou, et celui-ci, la lui ayant prise, la serra avec effusion.

–Lorsqu’il y a trois mois, continua M. Margueritte, vous m’avez fait part de vos intentions.

.–De mes espérances, de mes rêves plutôt, interrompit Radou.

–Je vous ai répondu, continua M. Margueritte, que plusieurs raisons m’empêchaient de marier ma fille en ce moment: son âge d’abord, car c’est chez moi une convictiôn arrêtée qu’à moins de motifs impérieux il ne faut pas marier une jeune fille trop tôt et qu’il est sage sous tous les rapports qu’elle ait atteint sa vingtième année; ma situation ensuite, qui ne me permettait pas de faire pour son établissement ce que je voulais. Vous avez vous-même reconnu le bien-fondé de ces raisons.

–Je me suis incliné devant votre volonté si formellement exprimée, car, pour moi, ces raisons n’étaient pas déterminantes comme elles l’étaient pour vous, particulièrement celle tirée de votre situation présente.

–Enfin, mon ami, il a été convenu avec vous, n’est-ce pas, que sans repousser votre demande, je ne l’accueillais pas, c’est-à-dire que nous devions attendre? Pendant ce temps vous pourriez apprendre, à mieux connaître ma fille; vous feriez votre examen de conscience et vous verriez quels sentiments vrais elle vous a inspirés, si vous avez été simplement attiré vers elle par sa beauté,–ce qui n’est guère suffisant quand il s’agit d’une femme qu’on veut épouser,–ou bien si vous éprouvez un amour sérieux, une estime raisonnée, qui sont les seules bases solides d’un bon mariage. De son côté, ma fille, qui n’a pour vous que des sentimens de sympathie, apprendrait aussi à vous connaître et puiserait dans cette connaissance cette estime et cette confiance que je veux chez elle comme je les veux chez vous. En un mot, s’il n’y avait pas entre nous ce que les prêtres appellent au prône «promesse de mariage», au moins y avait-il projet de mariage. Mais pour que ce projet pût être mené à bonne fin, il y avait une condition essentielle, qui était que nous pourrions nous voir et vivre dans une certaine intimité Or, si vous restiez dans l’Est ou bien si vous alliez dans le Midi, pendant que nous serions dans l’Ouest, cette intimité était impossible. C’est ce qui m’a fait vous de mander s’il vous convenait d’être nommé à Condé, e c’est aussi pour cela que j’ai travaillé de toutes mes forces à votre nomination, non seulement comme principal de ce collège, mais encore comme père.

–Et c’est au père plus encore qu’au principal que j’adresse mes remerciements.

–Ne parlons plus de cela. Vous voilà à Condé, nous allons pouvoir mener cette vie d’intimité que je voulais Si, après un certain temps d’expérience, vous êtes toujours dans les mêmes idées; d’autre part, si Hélène passe de la sympathie à un sentiment plus tendre et plus sérieux, nous reprendrons nos projets de mariage et nous parlerons affaires. En ce moment nous sommes au même point, c’est-à-dire que nous n’avons rien ni l’un ni l’autre et que, pas plus que moi, vous n’avez d’héritage certain à recueillir.

–J’ai ma position qui va s’améliorant.

–Comme j’ai la mienne qui ira s’améliorant aussi, ce qui me permettra de donner une dot à ma fille. Maintenant que l’essentiel est dit et convenu entre nous, je vais appeler Hélène; elle sera heureuse de vous voir.

Et pendant que M. Margueritte donnait ses ordres à un domestique, le jeune professeur se regardait dans la glace et, après avoir remis en place les mèches de sa chevelure noire, il secouait de nouveau sa main pour la faire pâlir.

Hélène ne tarda pas à arriver, mais si elle fut heureuse de voir celui qui voulait la prendre pour femme, ce fut d’un bonheur discret qui ne se trahit au dehors par rien de bien caractéristique. Elle lui tendit la main en entrant et ce fut avec un aimable sourire qu’elle répondit aux compliments apprêtés qu’il lui adressa; mais ni dans son accent, ni dans son regard, il ne se montra rien qui parlât d’amour.

Tant que se prolongea la visite de Radou, elle garda un calme parfait, s’entretenant avec lui comme elle l’eût fait avec un camarade. Evidemment il y avait loin encore de cette sympathie au sentiment tendre dont son père avait parlé.

Et cependant Radou paraissait enchanté.

Mais était-ce d’Hélène qu’il était content, ou bien était-ce de lui-même?

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