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II

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Nos premiers noms importants appartiennent à l’Eglise, et c’est par eux que je commencerai.

L’esprit religieux a toujours trouvé un puissant auxiliaire dans la nature agreste et solitaire des pays de montagnes. L’homme qui vit sur les sommets grandioses des Alpes sent son intelligence s’élever aussi, et sa première pensée est d’interroger le vide qui l’entoure; il veut sonder l’inconnu, et ne trouvant rien qui lui réponde, une force invincible l’attire et l’attire encore, jusqu’à ce que l’idée du surnaturel s’emparant de lui, le mot de Dieu s’échappe involontairement de ses lèvres.

Aussi n’est-il pas étonnant que la Savoie ait fourni un grand nombre d’hommes d’Eglise, parmi lesquels on compte des noms éclatants.

Je ne citerai pas cette foule de prélats distingués qui occupèrent successivement l’illustre siége épiscopal de Genève, et qui sortirent de presque toutes les familles nobles de la Savoie, comme aussi des rangs inférieurs de nos populations; je ne rappellerai qu’en passant tous ces hommes remarquables à plus d’un titre qui honorèrent les sièges épiscopaux de Maurienne, de Tarentaise, de Chambéry et d’Annecy; mais je choisirai parmi ces noms qui se pressent sous ma plume, ceux dont la renommée s’est le plus étendue, ceux dont les actions ou les écrits ont été le plus remarqués.

En premier lieu, et pour rendre à tout seigneur tout honneur, je constaterai un fait nouveau pour beaucoup de gens, c’est que la Savoie, ce petit coin de terre reculé, a donné le jour à cinq papes! Oui, cinq papes bien comptés et dont voici les noms:

NICOLAS II, soit Gérald de Chevron, né au château de Chevron (Savoie). L’histoire l’appelle Gérald de Bourgogne, parce qu’à l’époque où il naquit la Savoie appartenait à Rodolphe, surnommé le Fainéant, roi de Bourgogne. Uguelli appelle Gérald de natione Burgundio, sive Sabaudiensis. Etant archevêque de Florence, et par l’influence du fameux Hildebrand, il fut élu pape à Sienne, le 28 décembre 1058, comme successeur d’Etienne IX et envers et contre Benoît X, nommé, par une faction de cardinaux. Il fut Un des papes qui firent décréter le célibat des prêtres; il publia des règlements pour éviter les troubles qui marquaient chaque élection pontificale à cette époque; ce fut lui qui confirma à Robert Guiscard, l’un des fils de Tancrède, la possession des duchés de la Pouille et de la Calabre, et à Richard celle de la. principauté de Capoue. Il mourut en 1061.

CÉLESTIN IV, Geoffroi de Châtillon. Quelques auteurs ont prétendu que ce pape appartenait à la famille des Castiglione de Milan; mais Chieza, dans sa Corona reale di Savoia, a prouvé qu’il était fils de Jean de Châtillon, seigneur de Châtillon et de Montluel, et de Cassandre Cribelli, sœur du pape Urbain III.

Il succéda à Grégoire IX le 22 septembre 1241, mais il mourut dix-huit jours après, avant d’avoir pu être couronné. On présuma qu’il avait été empoisonné.

INNOCENT V, Pierre de Champagnon, né à Moûtiers, est le plus remarquable de nos cinq papes. Il se fit recevoir dans l’ordre de Saint-Dominique à Paris, fut nommé docteur, succéda à saint Thomas d’Aquin à la chaire de théologie, et devint provincial de son ordre en France.

Le pape Grégoire X le nomma successivement archevêque de Lyon et cardinal d’Ostie, doyen du sacré collége, et grand pénitencier de l’Eglise romaine . Il fut élu pape à Arezzo, le 21 janvier 1276, et couronné le lendemain à Rome. Il ne régna que cinq mois et cinq jours, après avoir utilisé ce court espace de temps à pacifier l’Italie. Il a publié plusieurs ouvrages savants.

CLÉMENT VII, Robert de Genève, fils d’Amé III comte de Genevois, et de Mathilde de Boulogne, naquit au château d’Annecy en 1342. Appartenant à une illustre famille, il arriva assez vite aux grandes dignités ecclésiastitiques; il fut successivement chanoine de Paris, évêque de Térouane, puis de Cambrai, et enfin cardinal.

Après l’élection d’Urbain VI, les cardinaux français prétendirent n’avoir agi que sous l’influence des troubles qui avaient agité Rome; ils se retirèrent à Fondi et élirent, en 1378, Robert de Genève, alors âgé de trente-six ans, qui prit le nom de Clément VII.

Ainsi commença le schisme le plus long et, suivant l’expression de Moreri, le plus embrouillé de ceux qui ont divisé l’Eglise.

Clément VII, élu sous l’influence de la France qui le soutint toujours, fixa sa résidence à Avignon, où il mourut en 1394, après seize ans de pontificat. En 1389, Charles VI, faisant un voyage en France, vint le visiter et obtint pour lui et les princes la nomination à beaucoup de bénéfices, ce qui mécontenta tout le clergé. Clément VII, dans cette occasion, couronna le jeune roi de Sicile. En 1390, le duc de Berry et les sires de La Rivière et de La Trémoille, grands partisans de notre pape, persuadèrent au roi de faire une descente en Italie pour chasser de Rome Boniface IX qui avait succédé à Urbain VI . Mais ce projet n’eut pas de suite.

FÉLIX V, Amédée VIII, premier duc de Savoie, naquit à Chambéry en 1383. Ayant renoncé à ses Etats en faveur de son fils Louis, il se retira à Ripaille, près de Thonon, pour y faire revivre l’ordre religieux de Saint-Maurice, et il s’entoura de quelques nobles de sa cour qui revêtirent le costume d’ermite. Tous ces illustres moines se croyaient de vrais anachorètes, parce que, dit un auteur ancien, il n’y avait aucune femme avec eux et qu’ils laissaient croître leur barbe. La chronique, cette indiscrète de tous les siècles, rapporte même que les membres de l’ordre de Saint-Maurice n’occupaient pas leurs loisirs seulement à prier, et qu’ils ne négligeaient pas la bonne chère; de sorte que grâce à cette réputation qu’on leur a faite, la langue française s’est enrichie d’un proverbe nouveau: chacun sait ce que faire ripaille veut dire. Cependant tout semble prouver que les nobles pères de Ripaille n’ont pas porté la sensualité aussi loin qu’on a bien voulu le donner à entendre. S’ils n’avaient pas abandonné entièrement leur ancien mode de vivre, il ne s’ensuit pas qu’ils se soient livrés à des débauches.

Quoi qu’il en soit, ce fut au milieu de cette vie douce et tranquille qu’Amédée VIII menait au bord du lac Léman, que des députés du concile de Bâle vinrent le surprendre en 1439, pour lui annoncer sa nomination au pontificat, en opposition à Eugène IV.

Amédée se rendit à Bâle où il fut couronné, et prit le nom de Félix V. C’était un autre schisme, et, chose singulière! c’était encore un prince savoyard qu’on avait choisi pour le déclarer.

Mais Félix V, vraiment religieux, et peut-être destiné à toujours abdiquer, renonça à la tiare, sur la simple prière de Charles VII, lorsque Nicolas V succéda à Eugène IV à Rome; cette abdication fut si admirée, dit Moreri, qu’on chanta partout ce vers à la façon du temps:

Fulsit lux mundo, cessit Felix Nicolao.

Amédée VIII fut créé cardinal, doyen du sacré collège et légat en Allemagne, par Nicolas V. Il mourut à Genève en odeur de sainteté en 1451.

Les Gloires de la Savoie

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