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1283 A 1323

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Réunion de la Bresse. — Amédée, qui fut surnommé le Grand, était le second fils de Thomas. Les puînés de ce dernier, morts sans postérité, n’avaient d’héritière que cette lignée. Elle se divisait en trois branches: Thomas troisième du nom, Amédée, Louis. Mais Thomas était mort; sans doute la loi de non-représentation, observée dans l’âge précédent, empêcha son fils Philippe de succéder. Il garda le Piémont en apanage, tandis que Louis, troisième frère, eut la baronnie de Vaud. Turin et Chillon devinrent sous ces princes des centres particuliers de la puissance Savoyarde, tandis qu’Amédée conduisait de Chambéry les intérêts de la dynastie.

Il avait épousé Sibylle de Baugé, héritière de ce comté et de la Bresse, que disputèrent d’abord le Dauphin Humbert, le comte de Genève, le baron de Gex; mais une expédition du prince lui en assura la possession.

Politique d’Amédée à Genève. — L’évêque de Genève était alors en guerre avec les bourgeois de sa ville, qui réclamaient leurs libertés. Comme le pouvoir des évêques de Genève surpassait au temporel celui des comtes, les précautions que la Savoie prenait contre Genève, devaient surtout s’exercer contre lui.

En 1285, Amédée profite d’une querelle soulevée par les bourgeois. Appuyé sur le châtelain que nos comtes entretenaient au Bourg-du-Four, il mène les troupes de Savoie dans la ville, assiège le château de l’Ile, qui était à l’évêque, se saisit des revenus de ce dernier, établit la commune et reçoit son serment. Mais après le départ du Comte, cette constitution fut annulée. Amédée rentre dans Genève en 1288, triomphe des résistances et s’en proclame vidame.

La querelle, portée devant le concile de Vienne, reçut un premier règlement, que sanctionna le traité d’Asti en 1290. Le vidomnat fut accordé ; cette fonction, dont l’influence du Comte avait fait régler les attributions, faisait de lui l’arbitre perpétuel entre les citoyens et l’évêque.

Passant ensuite au delà du Rhône, le comte de Savoie poursuit de ce côté l’agrandissement de ses Etats, et moissonne les fruits du traité de Payerne. Les fiefs que Béatrice de Faucigny, dite la grande Dauphine, conserve depuis Seyssel jusqu’à Fribourg, le reconnaissent pour suzerain; le baron de Vaud, son frère, obligé à des échanges, Nyon conquise, d’autres opérations encore, ramassent en un faisceau compact les domaines que le Comte possède au nord du Lac.

L’amitié des grandes puissances. — Ces opérations s’assuraient sur l’amitié des grandes puissances.

A l’empereur Rodolphe de Habsbourg en Allemagne, avait succédé Adolphe de Nassau, lequel après six ans de règne (1293) fut renversé et tué par une ligue des Electeurs. Amédée, en faveur sous ce prince et qui reçut de lui Payerne et Morat, se voit reprendre l’une et l’autre par Albert, fils de Rodolphe, tige de la maison d’Autriche, que ces événements firent empereur.

Il rechercha alors l’amitié du roi de France, Philippe le Bel, dans les armées duquel on le voit combattre de 1302 à 1301. On croit qu’il fut aux batailles de Courtray et de Mons-en-Puelle, l’une perdue, l’autre gagnée contre les Flamands.

Edouard, son fils, vécut à la cour de France. Le Comte lui-même séjournait au château de Bicêtre près Paris, qu’il avait fait décorer par des artistes de son pays. A Chambéry même et au château du Bourget, un émule de Giotto, Georges de Florence, exerçait son art pour le même prince.

Suite des événements de Genève. — Cependant des alliances se nouaient contre lui sur le théâtre de ses récents succès. La dame de Gex porta son aide au Dauphin, pour l’affaiblir.

Le Comte aussitôt recherche l’alliance du comte d’Orange; il s’annonce partout comme le défenseur du commerce et des bourgeoisies. Hugues, fils d’Humbert Dauphin, baron de Faucigny, s’unit avec l’évêque et le comte de Genève, en 1307; mais les syndics de la commune en armes vengent le parti de Savoie, pendant qu’Amédée triomphe en Dauphiné, de Jean II, nouveau Dauphin, fils d’Humbert et frère de Hugues.

Jamais la vaillance du prince n’éclata plus que dans cette guerre. Au combat de la Côte Saint-André en Viennois, «furent donnés, dit un chroniqueur, de tels coups qu’onques on ne vit gens si acharnés.»

Ces événements forcèrent la coalition à faire la paix à Montmeillan (1308). Cette paix consacrait l’existence de la commune de Genève; elle défendait au comte de Genève de contracter alliance sans la permission de la Savoie. Le baron de Faucigny prenait pour femme Marie, fille d’Amédée, et la grande Dauphine, renonçant aux affaires, se retirait au château de Monfort en Grésivaudan, où elle mourut en 1310.

Expédition de l’Empereur en Italie. — En 1308 périt assassiné l’empereur Albert. La maison de Luxembourg, qui succéda dans la personne de Henri VII, reprit à l’égard de l’Italie les desseins que l’Empire avait abandonnés depuis un demi-siècle. Dans le même temps (1309), les Papes quittèrent la résidence de Rome pour s’établir en Avignon.

Il s’élevait alors en Italie une nouvelle puissance, dans la personne des Visconti, seigneurs de Milan reconnus depuis peu, et qui tirèrent de la richesse de cette ville, de sa position et de ses souvenirs, les éléments d’une rapide fortune. Mathieu Visconti dit le Grand, pourvu du vicariat de l’Empire en Lombardie, fondait tous ses progrès sur le parti Gibelin. Mais la maison de Savoie battait ce parvenu par ses alliances. Amédée V était beau-frère de l’Empereur, par un second mariage contracté avec Marie de Brabant, sœur de l’impératrice. Il se servit de cette parenté pour balancer le pouvoir rival. L’expédition de Henri VII en Italie se fit à travers ses Etats. Au haut du mont Cenis, qu’ils passèrent ensemble, comme l’Empereur priait Dieu de le protéger contre les factions de Guelfes et de Gibelins: «Ne penchez donc, lui dit le Comte, ni à dextre, ni à senestre.»

Mais sa présence toute seule soufflait la guerre civile. A peine couronné roi de Lombardie dans Milan, ses premières rigueurs contre Brescia firent lever contre lui les partisans d’Anjou. Les légats du Saint-Siège le couronnèrent à Rome, mais la Toscane guelfe prit les armes. L’obligation de maintenir les puissances égales commandait au Pape cette conduite favorable à l’égard de l’Empereur. Cependant l’autorité que l’Empereur en retirait, n’empêcha pas que l’Italie ne fût en feu, quand Henri VII mourut, au milieu de la campagne, en 1313.

Une fois de plus dans ce voyage, le comte de Savoie manifestait sa politique modératrice, en se portant contre la maison d’Anjou, aux regards de la Lombardie. La présence de l’Empereur donnait à cet acte un éclat dont le Comte avait tout le profit, comme domicilié sur une terre où l’Empereur ne faisait que passer. Il en bénéficiait sans les haines soulevées par les représailles des Visconti, avec tout l’avantage que valait à sa maison le renom d’arbitre des partis. En récompense de ses services, l’Empire lui renouvela le vicariat dans ses domaines, et toutes ses investitures. Philippe prince de Piémont reçut Quiers et la capitainerie d’Asti, où son pouvoir ne se fit sentir que dans la protection des libertés bourgeoises.

D’anciens historiens ont écrit que sur ces entrefaites Amédée quitta l’Italie pour porter secours aux chevaliers de Rhodes, dont les Turcs assiégeaient l’île (1311). Ayant repoussé les infidèles, il aurait rapporté de cette expédition la croix blanche placée dans ses armes, nommée depuis croix de Savoie, et peut-être aussi la devise FERT, interprétée ainsi: «Fortitudo ejus Rhodum tenuit, son courage a maintenu Rhodes.»

Nouvel engagement contre Genève et le Dauphin. — L’exercice de la vidamie de Genève ne pouvait manquer de faire naître des différends. Le Comte voulait que les fonctions s’en fissent au moyen d’officiers savoyards; l’évêque protesta sans succès, puis proposa le partage réglé de son temporel avec le Comte. Mais la mort du prélat laissa les choses pendantes.

Contre le Dauphin Jean II, la guerre se ralluma en 1313. On ignore le précis des événements de cette guerre, qui ravagea le Grésivaudan. Edouard, fils du Comte, en fut le capitaine. Du traité qui la termina en 1320, nous ne savons d’autre clause que le troisième mariage d’Amédée avec Alix, sœur de Jean. Mais cela même engage à reconnaître dans cette paix le succès d’une politique qui visait à réunir le Dauphiné.

Elle ne devait pas réussir, à cause de l’application que la France devait mettre à l’empêcher. En 1285 une médiation de Philippe le Bel avait soustrait le Dauphiné à l’absorption de la Bourgogne, qui prétendait à succéder à l’exclusion de La Tour du Pin. Il faut considérer dans ces événements l’effort que faisaient les rois de France pour empêcher une reconstitution de l’ancien royaume de Bourgogne, et pour s’en réserver les débris. Par ses traditions et par sa politique, la Savoie contrariait ces efforts; enfin ses progrès mêmes parurent sur le point de les mettre en échec.

Ils s’étendaient jusque dans Lyon, dont Pierre, fils de Thomas de Savoie et neveu d’Amédée, était évêque. Philippe le Bel obligea cet évêque à partager avec le roi de France le gouvernement de la ville, renversant ainsi les espérances du comte de Savoie.

Mort d’Amédée V. — Amédée mourut en 1323, à l’âge de soixante-quatorze ans: la renommée qui lui a valu le nom de grand, fut surtout celle d’un homme de guerre, gagnée aux regards de toute l’Europe. Il avait, dit-on, été présent à vingt-deux sièges. Une grande vigueur physique y était aussi comptée, comme en témoigne cette réponse du Dauphin faite à lui, que «s’il veut se vanter d’être nerveux et robuste», ce Dauphin n’a «taureau qui ne soit plus fort et raide que lui.»

Il avait marié en 1325 Anne; sa fille, à l’empereur Grec Andronic Paléologue, en faveur de qui il sollicitait le pape d’ordonner la Croisade, quand il mourut. Dans la personne de Théodore, issu d’un premier mariage de cet empereur avec Yolande de Monferrat, les Paléologues régnaient sur ce marquisat depuis 1306, en sorte que cette politique ne prenait le chemin de Constantinople, que pour mieux rentrer en Lombardie.

En 1301, Philippe prince de Piémont épousa Isabeau de Villehardouin, héritière d’Achaïe et de Morée, et quoiqu’il eût vendu quelques années plus tard ces principautés à la maison d’Anjou, sa descendance en porta le titre. Ainsi cette branche aînée de la maison de Savoie ne fut plus désignée que sous le nom de princes d’Achaïe.

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