Читать книгу Mésalliance - Marcel Dhanys - Страница 12

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Je suis tout éperdue de ce que mon père me vient d’apprendre. Il est arrivé hier et me fait appeler ce matin.

— Or çà, me dit-il, il paraît que vous vous êtes mise en tête d’aller au couvent.

— Oui, mon père, avec votre permission.

— Ah! bah! le couvent! rêveries, ma fille, pures billevesées... Donc c’est une affaire entendue, vous n’irez pas au couvent. Et maintenant, que diriez-vous d’un mari?

— Mais, dis-je avec une respectueuse fermeté, je ne veux point de mari, mon père; je veux aller au couvent.

— Eh! que diable, avant de refuser celui qui vous fait l’honneur de demander votre main, attendez du moins de savoir quel il est.

— Quel qu’il soit, mon père, je ne saurais agréer sa recherche.

— Même s’il est jeune, beau, bien fait de sa personne?

— Même s’il est ce que vous dites, je ne le voudrais point épouser.

— Même s’il est de naissance illustre? même s’il s’appelle le Marquis de Grignan?

Dans l’excès de ma joie et de ma surprise, je ne me pus tenir de m’écrier:

— Le Marquis de Grignan, vous avez dit le Marquis de Grignan!..... Le Marquis de Grignan me fait l’honneur de demander ma main!

— Eh! eh! il paraît que l’on s’humanise; est-ce que ce jeune seigneur aurait déjà su toucher votre cœur?

Je me sentis devenir pourpre.

— Comment cela se pourrait-il? J’ai vu le Marquis deux fois, et lui ne m’a pas même regardée.

— Eh bien, vous aurez le temps de faire plus ample connaissance puisque vous allez être mari et femme.

— Se peut-il que la Comtesse de Grignan ait songé à moi pour son fils? Elle qui pouvait prétendre...

— Ah! ce ne sont pas les prétentions qui lui manquent. Une fille de roi ne lui semblerait pas de trop haut lignage pour son dauphin de fils. Mais à trop faire son quart de Reine en Provence, Mme la Gouvernante, (bien aidée, du reste, en cela par son mari), est en train de mettre quasi sur la paille tous ces illustres Grignans; si bien que lorsque M. Habert de Montmort m’a fait des ouvertures au sujet de ce mariage, je me suis demandé si je n’y répondrais pas par un refus.

— Un refus, vous refuseriez le Marquis!

Mon père éclate de rire.

— Par la mule du Pape! parlez-moi de la solidité des vocations de ces petites filles!... Je le sais bien, du reste, qu’il n’y a couvent qui tienne contre un jeune seigneur de grand nom et de belle mine! C’est donc une affaire faite. On vous le donnera, votre Marquis, puisque vous y tenez. Je puis vous offrir ça, petite.

— Mais la naissance? J’aurais cru qu’elle mettait entre nous un abîme infranchissable.

— Eh! ma fille, apprenez qu’il n’est point d’abîme si profond qui ne se puisse franchir sur un pont d’or. La noblesse, voyez-vous, c’est un grand corps, mais ce corps n’est gonflé que de vent.

Non, quoi qu’en puisse dire mon père, la noblesse est une grande et belle chose. Le respect qu’on rend à la naissance est un devoir de bienséance, c’est un hommage à la mémoire des ancêtres qui ont illustré leur nom. C’est le sang de ses aïeux qui fait le Marquis si incomparablement vaillant et fier..... Se peut-il qu’il consente à m’épouser, à m’élever jusqu’à lui? Ce rêve, que j’aurais tenu à folie d’oser seulement faire, pourrait devenir une réalité..... Ah! j’ai besoin de me recueillir, de rentrer en moi-même. Marquise de Grignan! Moi!... Cela se pourrait-il?

Mésalliance

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