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Je suis plus tourmentée que devant. J’attendais avec la plus extrême impatience de retourner chez Mme de Coulanges, à seule fin de lui pouvoir restituer discrètement le portrait du Marquis.

Je reviens, présentement, de faire cette visite. Précisément, comme nous arrivions, Mme de Coulanges se lamentait sur la disparition de ce portrait.

— Je ne sais comme il se peut faire, disait-elle; vous vous souvenez que je l’ai fait admirer à la ronde. Le lendemain, je prends la petite boîte qui devait contenir le portrait pour la donner au joaillier qui devait monter la miniature en bracelet: la boîte était vide. Il faut que ce portrait ait glissé sous un meuble, pourtant mes gens ont cherché et n’ont rien trouvé.

Et chacun de s’étonner, et moi de perdre contenance. Comme pour accroître ma confusion, M. de Coulanges dit en riant:

— M’est avis que, plutôt que sous un meuble, ce ravissant portrait aura trouvé un refuge dans la cassette aux doux secrets d’une des belles dames à qui vous l’aviez fait admirer.

— Un enlèvement alors! fait Mme de Vins. Le fait est que le jeune scélérat est assez bien tourné de sa personne; on fera des folies pour ce garçon-là.

— Oui, reprend Mme de Sévigné, mais il n’est pas selon le bel usage de voir Paris enlevé par Hélène.

— Aussi, fait M. de Coulanges, n’osant s’attaquer à l’original, la moderne Hélène s’est-elle contentée d’enlever un simple portrait.

Ces plaisanteries me mettaient dans un embarras qui ne connaissait plus de bornes lorsque la Maréchale de Villeroy s’écria:

— Mais au fait, il est là le beau Paris. Venez çà, jeune Matou, et me confiez le nom de la belle coupable de ce doux larcin.

J’aperçois alors le Marquis causant dans un groupe de jeunes seigneurs et de demoiselles. De glisser la miniature sur une console, comme j’en avais d’abord l’intention, il ne pouvait plus être question: on aurait pu s’en apercevoir et je serais sûrement morte de confusion.

Mlle de Grignan, me voyant seule de mon âge auprès des dames, me vint obligeamment entretenir; mais je lui ai su moins de gré de son amabilité que je n’ai eu de dépit de voir que, pour s’occuper de moi, elle laissait le Marquis et Claude d’Oraison s’isoler dans un tête-à-tête qui les paraissait ravir tous deux.

Le Marquis était si absorbé par cet entretien qu’il n’a pas tourné une seule fois les yeux vers moi. Cela m’a permis de l’examiner à la dérobée, et de juger que son portrait est très ressemblant, à cela près que l’animation d’une joyeuse causerie ajoute un charme infini à son visage.

Mme de Grignan, à la veille de son départ pour la Provence, n’était pas là, dont j’ai été bien aise. Je suis dans le tremblement devant elle, tant elle me paraît imposante; je ne connais personne ayant une telle hauteur et un esprit plus enclin à saisir les ridicules d’un chacun.

Avant de se retirer avec ses petits-enfants, Mme de Sévigné m’a fort gracieusée et m’a dit que sa fille, qui s’y connaissait, avait beaucoup de goût pour moi, ce qui n’a pas laissé de me surprendre, car, à la façon dont elle en a usé avec moi dans la précédente visite, il est aisé de voir que je ne suis à ses yeux qu’un pur néant.

Le Marquis m’a fait, en se retirant, un salut distrait que j’ai eu la confusion de recevoir en rougissant, de telle sorte que je me réjouis qu’il n’ait pas même daigné lever les yeux sur mon visage.

Après son départ, Claude est venue vers moi. Elle m’a dit qu’elle voyait souvent le Marquis, qu’il était avec elle du dernier galant:

— Vous savez que nous devons danser ensemble le passe-pied au bal de la Maréchale de Villeroy. Il est fâcheux que vous ne puissiez être invitée à cette fête qui sera, dit-on, fort brillante.

— Je n’ai point de goût pour le monde et ses plaisirs, ai-je répondu dans toute la sincérité de mon cœur.

— Vraiment! Moi, je les adore. Et prenant son air le plus railleur: Mais, si je n’étais point priée, je dirais comme vous, car ainsi que le répète si souvent M. de Coulanges:

Quand on n’a pas ce que l’on veut,

Il faut aimer ce que l’on peut.

Et, sur cette impertinence, elle a pris congé de moi.

Quoi qu’en puisse penser Claude, même si j’étais priée au bal de la Maréchale, je ne me soucierais point d’y assister.

Le Marquis y fera merveilles dans le passe-pied. C’est, parait-il, un des plus brillants danseurs de la Cour. Claude aussi danse bien. Notre maître à danser, M. Pirouet, louait fort sa danse noble et aisée: elle aura sans doute beaucoup de succès.

Mais qu’importe tout cela!... Ah! je voudrais que les grilles du cloître se fussent déjà refermées sur moi. C’est là, là seulement, je le sens bien, que je retrouverai la paix. Je parlerai à mon père dès qu’il sera de retour.

Mais cette miniature, qu’en vais-je faire? La détruire?... Oh! ce serait si dommage!... Je ne la puis point garder, pourtant. Je me résignerai donc à la détruire. Mais après tout, rien ne presse; il suffit que ce soit avant mon entrée au couvent.

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