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LES MURAILLES

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SIMPLE village de pêcheurs, établi sur la partie la plus élevée de notre littoral, pour fuir les tempêtes de l’Océan et les marécages de la côte; un petit groupe de pauvres cabanes, au lieu dit: de Cougnes, devait être le berceau de La Rochelle.

La ville naissante fut restée absolument inconnue jusqu’au XIIe siècle, si son nom n’avait figuré, en 961, dans une charte de Guillaume Tête d’Etoupe, duc d’Aquitaine, comportant droit de péage sur son port, au profit de l’abbaye de Saint-Michel, en Vendée; encore conteste-t-on l’authenticité de ce titre.

Donc, point de légende pour poétiser l’origine de la ville; point de tradition qui donne libre champ à l’imagination populaire; rien non plus pouvant la rattacher à l’époque Gallo-romaine.

Le modeste estuaire, qui servait de port, était formé par le cours d’eau qui descend du faubourg de Lafond à la mer, et qu’on appelait alors le chenal de Parthenay, dont le nom rappelait le souvenir des barons de Châtelaillon et des Mauléon, gouverneurs du pays d’Aunis. Les frêles embarcations, qui constituaient la navigation de cette époque, remontaient jusqu’à la partie ouest du terrain occupé aujourd’hui par la place d’Armes.

Pour mettre à l’abri des attaques du dehors ce port naturel et primitif, les sires de Mauléon élevèrent une tour sur un point où La Roche émergeait d’un milieu marécageux. Ce fut là, dit-on, l’origine du nom que devait porter dorénavant La Rochelle.

LE CHATEAU


Il est impossible de préciser l’endroit où se dressait cette première construction, mais ce ne fut pas moins le point initial de cette ceinture de murailles qui devait, à diverses époques, faire de La Rochelle une ville considérée longtemps comme imprenable.

On sait les événements qui firent passer La Rochelle des mains des Mauléon dans celles d’Henri Plantagenet, époux d’Aliénor d’Aquitaine.

Pour s’assurer l’attachement de ses nouveaux sujets et, peut-être, pour avoir plus facilement l’assurance de leur soumission, Henri fit élever les premières fortifications de la ville. C’est à lui qu’on doit la construction, en 1185, du château de Vaucler, servant de défense au premier port.

On possède sur cette forteresse des indications, d’après les vieux plans de la ville, qui permettent d’en préciser la forme et l’emplacement; sa restitution, que nous avons reproduite déjà, basée sur des documents certains, nous permet de rétablir de nouveau la physionomie de ce manoir féodal.

Le château de Vaucler avait la forme d’un quadrilatère flanqué de quatre tours à chaque angle, les deux plus importantes, tournées vers l’ouest et assurant plus particulièrement la défense du port. L’entrée, à l’est, donnait sur un vaste espace, qui prit le nom de «place du Château».

Ce n’était pas seulement une forteresse destinée à loger la garnison. Il devait y avoir des logements habitables pour les personnes de distinction. Henri III, roi d’Angleterre, écrivait le 9 août 1220, au maire de La Rochelle, de vouloir bien recevoir dans le château sa sœur Jehanne et ses gardes. Au départ de la princesse, il fut remboursé cinquante marcs et demi «pour les dépenses faites pendant son séjour, à la commune de La Rochelle».

Nous aurons souvent l’occasion de parler de ce vieil édifice aux formes massives, qui joua un rôle important dans l’histoire de la ville, jusqu’à sa démolition, en 1373.

Aux flancs de cet énorme donjon vint se souder la première enceinte de la ville. Guillaume X, comte de Poitou, établit, en 1130, une muraille formant une sorte de quadrilatère partant du château, se dirigeant vers le nord et tournant brusquement de l’ouest à l’est, suivant une ligne à peu près parallèle à la rue du Minage actuelle. Elle rejoignait la porte Mallevault ou du Gros-Seing, dont il est question ci-après, puis descendait du nord au sud jusqu’au canal Maubec, pour prendre ensuite une direction difficile à préciser, englobant une partie des paroisses Saint-Sauveur et Saint-Barthélemy. Enfin ce mur d’enceinte longeait le cours d’eau de Lafond pour rejoindre le château, laissant ainsi en dehors des murs, les faubourgs de Cougnes, Saint-Nicolas et du Perrot.

Dans la guerre que soutint l’Angleterre contre Philippe-Auguste, les Rochelais, bénéficiant des privilèges concédés par Aliénor, Henri II et Jean sans Terre, restèrent fidèles à la cause de la Grande-Bretagne.

Louis VIII continua la guerre engagée par son père Philippe-Auguste, et après avoir pris Niort et Saint-Jean-d’Angély, arriva sous les murs de La Rochelle le 15 juillet 1224. Il trouva, comme nous venons de l’indiquer, la ville enclose de fortes murailles et résolue à se bien défendre.

SIÈGE DE LA VILLE PAR LOUIS VIII


La lutte des Rochelais contre l’armée du roi fut acharnée. Louis avait fait élever de grandes plates-formes pour dominer les remparts et projeter, à l’aide de balistes, de lourdes pierres qui effondraient les toitures des maisons.

La résistance fut héroïque; mais, mystifiés par les Anglais qui ne leur envoyèrent que du sable et de la ferraille, au lieu de subsides et de munitions; abandonnés par Mauléon, leur défenseur, qui s’enfuit en Angleterre, les Rochelais ouvrirent leurs portes aux armées du roi de France.

«... LA RÉSISTANCE FUT HÉROÏQUE...»


Tout le pays d’Aunis dut subir les déprédations résultant des effroyables luttes auxquelles se livraient la France et l’Angleterre.

Après la défaite et la capture du roi Jean à la bataille de Poitiers, La Rochelle fut comprise dans le traité de Brétigny (1360), qui la livrait aux Anglais, afin de conserver la liberté du roi de France. De nouveau soumis à la domination anglaise, les Rochelais n’en conservèrent pas moins leurs privilèges. Ils recherchèrent, néanmoins, toutes occasions pouvant les soustraire au joug de cet éternel ennemi, auquel ils avaient prêté serment des lèvres, restant français par le cœur.

Afin de reconquérir cette partie du territoire arrachée à la France, Charles V demanda l’assistance du roi de Castille. Celui-ci arma une flotte, qui vint dans les eaux de La Rochelle et, après deux journées de combat, détruisit la marine anglaise le 22 juin 1372.

Malgré cette victoire, la ville restait toujours aux mains de l’étranger. Les Espagnols reparurent encore devant La Rochelle au mois d’août suivant, comptant délivrer la ville par mer, tandis que Duguesclin opérerait du côté de terre. L’amiral espagnol demanda aide aux Rochelais, mais ceux-ci ne purent que répondre qu’ils ne se pouvoyent tourner françois tant que le castel fust en la possession des Anglais.

Ce fut alors que Jehan Chaudrier usa d’un subterfuge, peut-être plus habile qu’honnête. Il demanda au gouverneur du château, sur une prétendue missive du roi d’Angleterre, de faire le dénombrement des gens armés de la ville et de passer la revue des troupes d’occupation. Quand la garnison anglaise fut hors du château, douze cents Rochelais, bien armés, s’emparèrent de la forteresse et délivrèrent la ville.

Après soumission au roi de France, il fut stipulé, entre autres conditions, afin de faire disparaître, à tout jamais, ce château derrière lequel les Anglais se retranchaient pour s’assurer, à leur profit, l’occupation du pays, que: «Le château de Vauclerc serait rasé,

«et que ses démolitions seraient employées à l’achèvement et à la défense du nouveau

«port.».La vieille forteresse subit le sort que les Rochelais avaient exigé du roi, à l’exception des quatre tours d’angle, que Charles V se réserva pour servir de «prisons royales.»

Passons rapidement sur une série d’événements concernant l’histoire rochelaise, pour ne parler que de ce vieux donjon, objet de terreur pour les habitants qui voulaient, à tout prix, faire disparaître ce dernier vestige de l’oppression étrangère.

Lorsque François Ier crut devoir venir à La Rochelle, pour châtier les habitants de leur refus de payer les droits excessifs dont ils étaient frappés — notamment l’impôt de la gabelle — les Rochelais, au paroxysme du désespoir, sous l’administration tyrannique du baron de Jarnac, firent bon accueil au roi. Le Corps de Ville et les Bourgeois vinrent au-devant de lui pour implorer sa clémence.

«On vit, dit le chroniqueur, arriver les pauvres prisonniers des isles, liez, enserrés,

«tous montez sur chevaulx et conduitz par les archers du Roy, au chasteau de la Ville,

«auquel il y a deux grosses tours ordonnées à mettre les prisonniers et le reste dudit

«chasteau tout ruyné et desmoly».

Un an après le siège que La Rochelle eut à soutenir, en 1573, contre le duc d’Anjou, les deux grosses tours du château, qui subsistaient encore et qui avaient eu beaucoup à souffrir des boulets des assiégeants, s’effondrèrent tout à coup et il ne resta plus rien du château de Vauclerc.

La ville prenait de jour en jour une extension nouvelle; pour assurer sa sécurité, il fallut reculer l’enceinte des fortifications de Guillaume X.

Le premier agrandissement engloba une partie du faubourg de Cougnes, au nord de la ville. Ce faubourg, beaucoup trop peuplé, ne put être compris en entier dans le nouveau périmètre. Une partie fut laissée en dehors des murs, d’où vint la dénomination de «Cougnes-hors-les-Murs», et plus tard, simplement: «Cognebors», qui resta une commune distincte de celle de La Rochelle et qui n’y fut rattachée qu’en août 1858. Puis, successivement, furent compris dans l’enceinte de la ville: l’îlot du quartier de Saint-Jean-du-Perrot; ensuite, le faubourg Saint-Nicolas; enfin, la Petite-Rive, limitée par le mur de Saint-Nicolas, le port actuel et la fortification, appelée depuis: «le Gabut..»

Lorsque Louis VIII d’Angleterre fit cause commune avec la ligue que le pape Jules II avait formée contre Louis XII, les Rochelais, redoutant les attaques de ces ennemis coalisés, se mirent, avec une nouvelle ardeur, à compléter leurs fortifications. La porte de Cougnes fut munie d’un «boulevard», et la porte Neuve, remise en état. Enfin, un ouvrage avancé fut établi devant la porte Saint-Nicolas. «Les contours — dit Masse — entre les tours de la vieille enceinte, estoient revêtus de pierres de taille de six à sept pieds d’épaisseur, ce qui avait fait tomber en proverbe, quand on voulait signifier quelque chose de fort, que l’on disoit communément: fort comme les murs de La Rochelle.»

PLAN DE LA ROCHELLE EN L’ÉTAT QU’ELLE ÉTOIT EN M.D.LXXIV.



Plus tard, en 1556, l’intervention de la royauté dans les travaux de fortification de la ville, inquiéta les Rochelais. Il avait été question, en effet, de faire une immense citadelle de tout le quartier du Perrot, en y comprenant les tours d’entrée du port. «Mais cet audacieux projet — dit Amos Barbot — que les Rochelais envisageaient comme plus nuisible à leur liberté que redoutable aux ennemis du dehors, comprenait la démolition de l’église Saint-Jean, celle des Carmes et ses dépendances.» En présence des supplications des habitants auprès du roi, cette tentative, qui avait eu un commencement d’exécution, fut entravée et de beaux édifices furent ainsi préservés d’une ruine complète.

Déjà la Réforme avait pénétré dans La Rochelle; la plus grande partie de la population avait adhéré à la religion protestante. Ce n’était plus seulement leurs frontières municipales que les Rochelais voulaient sauvegarder, c’était aussi leur foi nouvelle, à laquelle ils ne permettaient pas qu’on portât atteinte et dont le pouvoir royal voulait entraver les progrès. Aussi, prirent-ils la funeste résolution, sous la pression, soit du fanatisme, soit des nécessités de la défense, de détruire toutes les églises, pour en faire servir les matériaux à la consolidation de leurs murailles. Pour compléter les ouvrages avancés de la place, il fallut renverser la superbe tour dépendant de la seigneurie de Faye et l’important monastère de Saint-Jean-Dehors, sur la route de Rompsay, devant le bastion de la porte de Cougnes.

Par suite de ces adjonctions successives, lors du siège de 1572-1573, l’enceinte fortifiée comprenait, au sud, en outre des tours de l’entrée du port, tout le front de mer, depuis la porte Saint-Nicolas jusqu’à la tour de la Lanterne. A l’ouest, en remontant vers le nord, la fortification allait rejoindre la tour du Padé, située tout près du moulin de la Verdière; puis la muraille s’infléchissait vers l’est, prenant la direction qu’occupe aujourd’hui la rue Réaumur et, rejoignant la porte Chef-de-Ville, — à l’endroit où la rue de ce nom coupe la rue Saint-Léonard, — le mur d’enceinte, flanqué d’une série de tours, se dirigeait vers le nord jusqu’au bastion de la porte Neuve ou du Petit-Comte, à l’extrémité de la rue Aufrédy. Il se poursuivait jusqu’aux tours du château et de là, à la tour Sermaise ou de la Brique. Le cours d’eau de Lafond longeait toute cette muraille et formait ainsi une défense naturelle.

La partie nord, n’ayant ni marais ni cours d’eau pour la protéger, avait été l’objet de défenses plus sérieuses. En outre du célèbre bastion de l’Evangile, muni d’une forte contrescarpe, le mur allait de l’ouest à l’est, à peu près dans la direction de la rue Massiou (anciennement rue Bethléem), présentant diverses sinuosités, munies de plates-formes intérieures; celle de l’Epitre était située à peu près à l’entrée actuelle du jardin des Plantes, et celle de la Vieille Fontayne, un peu plus loin; enfin la forte tour d’Aix formait l’angle nord-est de la fortification, à soixante pas de l’église Notre-Dame.

BASTION NOTRE-DAME ET LA TOUR D’AIX


De ce point, la ligne fortifiée rejoignait, à peu de distance, la porte de Cougnes et descendait vers le sud, jusqu’à la plate-forme et cavalier de l’Ecorcherie. A cet endroit, la muraille formait un angle rentrant, allant de l’est à l’ouest, jusqu’à la grande Boucherie, tout près du marché actuel et redescendait vers le sud, dans la direction de la rue des Dames, jusqu’à la tour de Moureilles, près du canal Maubec.

Au-delà du canal, dans le quartier Saint-Nicolas, la fortification formait une ligne cintrée, munie d’une plate-forme et d’un demi-bastion et suivait ensuite la direction de la rue du Duc actuelle, pour aller rejoindre la porte Saint-Nicolas.

Telle était la ceinture de murailles dont La Rochelle était enclose, lorsqu’en 1572 le duc d’Anjou vint y mettre le siège.

La Rochelle disparue

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