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II. — Haute-Savoie.
ОглавлениеLe département de la Haute-Savoie, en particulier, voit s’étager tous les climats, depuis la zône des mousses élémentaires, des nobles edelweiss et des rhododendrons jusqu’à celle où croissent les fruits et les vins généreux. Le mont Blanc qui domine toute la région a son front dans l’éternel hiver. La crinière éblouissante de glaçons qu’il porte sur ses épaules rafraîchit toute la région environnante. Si, à Chamonix, les hivers sont. d’une rigueur excessive, les étés y sont d’une fraîcheur délicieuse.
Tout à l’extrémité nord du département, Thonon, située sur une terrasse verdoyante, élevée de 60 mètres environ au-dessus du niveau de l’eau, commande un vaste horizon qui embrasse le lac de Genève, le Jura et les montagnes de la Suisse. Par sa situation au bord du Léman, Thonon a une température relativement constante malgré son altitude. L’été les grandes chaleurs sont tempérées par les brises du lac, et les froids de l’hiver, subissant eux aussi l’heureuse influence lacustre, ont une durée et une intensité moindres. Il y pleut moins que dans les ports du grand lac. Enfin l’air y est pur. C’est donc une situation climatologique de premier ordre. On y a amené et emprisonné dans un établissement hydrothérapique des eaux faiblement minéralisées, mais contenant des substances organiques et résineuses peut-être empruntées à des résines fossiles.
Tout à l’Est est la vallée de la Drance, puis une plaine d’alluvions, couverte de peupliers et de saules. En deça de cette plaine, se montre le village d’Amphion, au climat tempéré, rafraîchi en été par les brises venues du Léman et où une source verse une eau ferrugineuse froide qu’on conseille aux dyspeptiques et aux lymphatiques. Tout près, étagée sur les pentes escarpées de la rive méridionale du lac Léman, à l’ombre des chataîgniers et des noyers, qui y portent des chevelures aussi vastes et aussi touffues qu’à Interlaken, la petite ville d’Evian se peuple en été de nombreux étrangers attirés par la vertu de ses sources gazeuses et la beauté de ses ombrages. Non loin du lac, au pied d’une moraine glaciaire, plusieurs sources versent une eau froide, limpide, agréable à boire, très légèrement minéralisée (un peu de bicarbonate de soude, de chaux et de magnésie) et qui jouit d’un pouvoir diurétique incontestable. Evian est en outre un séjour d’été ravissant, rafraîchi par le voisinage du Léman. On n’a pas à y redouter la rosée et les refroidissements brusques du soir. A quelques kilomètres sont les rochers de la Meillerie qu’ont chanté et illustré les poëtes.
Descendons maintenant la grande vallée de l’Arve, qui traverse le département dans toute sa longueur, du sud-est au nord-ouest, nous ne trouvons guère de grande ville. Mais, au pied du géant des Alpes, du «pâtre blanc des monts tumultueux» que l’immensité baise et prend pour amant, est le bourg de Chamonix qui, lorsqu’il sera pourvu d’un chemin de fer, sera, selon M. Regnard, la première station du monde entier. Le climat y est doux, chaud à midi et en plein été, mais tempéré par les forêts de sapins. Quoique l’altitude soit faible, le voisinage des grands glaciers lui donne un climat de haute montagne, garanti des vents du nord et du sud. Il convient aux nerveux, aux convalescents, aux anémiques, aux candidats à la tuberculose. C’est déjà une ville d’hôtels et, en été, c’est le rendez-vous de tous ceux qui ont soif d’air pur et de spectacles grandioses.
Tout près de Chamonix, à 1.921 mètres d’altitude, se trouve le Montanvert, la seule station de grande altitude existant en France. Je me rappelle y être monté par une claire matinée d’été. La route! se fait d’abord sous bois. On rencontre des petites fraises sauvages parfumées comme des fleurs, des campanules aux clochettes bleues, des rhododendrons aux panaches roses, et parfois une blanche edelweiss dont la corolle duvetée semble frissonner, frileuse sous la rosée du matin. Du sommet le panorama est grandiose, sublime: des coupoles de neige, des aiguilles de granit, la Mer de glace dont Widham disait aux Génevois: «Imaginez votre lac agité par un vent violent et gelé tout d’un coup», et le roi des Alpes dressant majestueusement dans le ciel bleu son front glacé, nimbé de neige. Et quel air pur et sec on respire, vierge de bactéries, à peine imprégné de résine et du parfum discret des bruyères! Du jour où la municipalité de Chamonix comprendra ses intérêts, dit encore M. Regnard, elle fera établir une ligne à crémaillère qui pourra transporter les voyageurs en moins d’une heure de Chamonix à cette station. On y construira des hôtels qu’on exposera au midi et qu’on aura soin de protéger contre les vents du nord. Alors on pourra y envoyer sans crainte les anémiques, les chlorotiques, les convalescents, les neurasthéniques. Mais ce séjour sera interdit aux bronchitiques et aux arthritiques.
Ajoutons qu’il existe au hameau des Mouilles, tout près de Chamonix, une source sulfureuse alcaline, froide. Cette eau, selon le Dr Linarix, est utile dans les maladies de la peau, de l’appareil respiratoire, du tube digestif, et surtout dans le rhumatisme chronique et les plaies osseuses. Malheureusement on n’a pas encore songé à y installer un établissement hydrothérapique sérieux.
Parmi les autres villages situés à la base du colosse, il faut citer Cormayeur et surtout Saint-Gervais dont les quatre sources versent une eau ferrugineuse, à peine sulfureuse, et contenant six milligrammes d’oxyde de fer. Malgré la beauté des sites qui l’environnent, les voyageurs l’avaient un peu déserté après une catastrophe épouvantable dont quelques épaves lamentables attestent encore le souvenir. Mais un nouvel établissement a été reconstruit dans une situation plus favorable et surtout à l’abri des ravages du Torrent. Les eaux de Saint-Gervais s’administrent en boisson, bains, douches, étuves et pulvérisations. On les emploie dans les maladies de la peau, le rhumatisme, les dyspepsies, la scrofule, l’anémie, les maladies utérines, laryngiennes et bronchiques.
Sallanches d’où l’on a une vue incomparable du massif du Mont-Blanc, a un climat sec, chaud pendant le jour, tempéré la nuit. Il est rare que les brouillards troublent la pureté de son ciel, et les orages d’été éclatent haut au-dessus de sa tête, au milieu des montagnes. Le vent du nord vient régulièrement de dix heures du matin à quatres du soir renouveler l’air.
Annecy, la capitale de la Haute-Savoie, se mire dans un lac qui miroite à 446 mètres au-dessus du niveau des mers, et que surveille à l’occident le Semnoz du sommet duquel la vue embrasse toute la chaîne des Alpes aux 1200 glaciers étincelants, et la nappe bleue du Léman. La moyenne annuelle de la température y est de + 9°,25, avec une moyenne de + 0°,70 pour l’hiver, de + 8°,43 pour le printemps, de +17°,98 pour l’été et de + 9°,88 pour l’automne.