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III. — Savoie.
ОглавлениеComme la Haute-Savoie, la Savoie a tous les climats, depuis ceux des coteaux où croît la vigne jusqu’aux frimas éternels des cimes couronnées de neige. Son point le plus bas, le confluent du Rhône et du Guiers, n’est qu’à 212 mètres d’altitude, tandis que l’aiguille de la Vanoise porte ses plus hautes neiges à 3.861 mètres. Cela fait donc une différence de niveau de 3.649 mètres.
La capitale de la Savoie, Chambéry a un climat doux et généralement sec, avec un ciel épargné par les brouillards. A sa porte, elle a un lac ravissant qu’un poëte a chanté en strophes immortelles: le lac du Bourget. A cinq kilomètres de Chambéry, dans la belle vallée qui sépare le Grésivaudan du lac du Bourget, au pied de hautes et pittoresques montagnes qui l’abritent contre les vents du nord, le petit village de Challes, où l’on respire un air tiède, peu humide, possède une eau riche en iode et en brome, qui, facile à digérer, améliore l’appétit et la digestion, excite le système circulatoire. On la recommande spécialement aux scrofuleux, aux lympathiques, aux syphilitiques, à tous ceux en un mot dont les muqueuses respiratoires ou génitales suppurent, aux catarrheux et aux mollardeurs, aux femmes que souille l’abominable leucorrhée.
Mais, d’autres sources, bien autrement célèbres, coulent à l’est du lac du Bourget. Ce sont les sources d’eaux hydrosulfurées calciques chaudes d’Aix-les-Bains ou d’Aix en Savoie, la ville d’eau la plus fréquentée de toutes les Alpes françaises. Située à deux kilomètres de la rive droite du lac du Bourget, au milieu d’une nature montagneuse et pittoresque, la petite ville a un climat sédatif et doux, agréable surtout de juin à septembre, époque à laquelle accourent, attirés par la vertu des eaux, les rhumatisants, les goutteux, les arthritiques, tous ceux dont le sang ou la peau ne sont pas propres, et qui ont un excès d’urée ou d’acide urique à éliminer.
Au nord-est, la Tarantaise, formée par la vallée de la haute Isère, ne compte guère que deux grosses bourgades: Albertville où l’été est raffraîchi chaque soir par les brises qui se sont refroidies sur les épaules du Mont-Blanc, et Moutiers qui possède des sources salines jusqu’ici peu utilisées en thérapeutique.
Malheureusement la Tarentaise est pleine de goitreux et de crétins, particulièrement dans les districts de Bozel et Villard-Goitreux. «Les derniers des humains, dit O. Reclus, comme par une ironie du sort, vivent dans les vallons les plus beaux sur terre; mais ces vallons-là sont froids dans un air peu courant, peu vivant; et, par l’ombre excessive des hautes montagnes, le soleil, père des hommes, n’y regarde pas assez ses enfants. En 1866, ils formaient en France une lamentable armée de près de 59.000 hommes et femmes, à divers degrés d’innocence ou de méchanceté bestiales; et de ces 59.000 crétins, les deux départements de la Savoie en renfermaient 11.372, c’est-à-dire près du cinquième. » Par suite d’une meilleure hygiène et d’une meilleure entente de la vie, le nombre de ces malheureux diminue d’une façon très sensible et on peut espérer que, dans un avenir prochain, ils auront à peu près complètement disparu.
La Maurienne qui s’allonge dans la vallée de l’Arc, le grand affluent de l’Isère, est une âpre contrée, au ciel glacé, qui ne permet pas aux céréales de mûrir. Dans la basse Maurienne, le climat est un peu moins barbare, mais les fièvres paludéennes empoisonnent les rives de l’Arc. Aussi, «le manque d’air pur, dit E. Reclus, le froid de l’interminable hiver, l’ombre immense qui pèse sur les vallées contribuent sans aucun doute à faire d’un si grand nombre de villageois des crétins et des goitreux». Le Dr Grange évalue les goitreux de la Maurienne à 30 pour 100 de la population totale. Pour lui, la cause principale du fléau serait la roche magnésifère de ces contrées.
Saint-Jean de Maurienne n’est qu’une morne bourgade où l’on peut à peine séjourner en été. Les eaux voisines de l’Echaillon sont chlorurées, sodiques magnésiennes, et légèrement purgatives. Quelques voyageurs en boivent en passant dans une modeste buvette récemment installée.