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Scène III, 4

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Polydore

S’être ainsi marié sans qu’on en ait su rien!

Puisse cette action se terminer à bien!

Je ne sais qu’en attendre, et je crains fort du père

Et la grande richesse et la juste colère.

Mais je l’aperçois seul.

Albert

Dieu! Polydore vient!

Polydore

Je tremble à l’aborder.

Albert

La crainte me retient.

Polydore

Par où lui débuter?

Albert

Quel sera mon langage?

Polydore

Son âme est toute émue.

Albert

Il change de visage.

Polydore

Je vois, seigneur Albert, au trouble de vos yeux,

Que vous savez déjà qui m’amène en ces lieux.

Albert

Hélas! Oui.

Polydore

La nouvelle a droit de vous surprendre,

Et je n’eusse pas cru ce que je viens d’apprendre.

Albert

J’en dois rougir de honte et de confusion.

Polydore

Je treuve condamnable une telle action,

Et je ne prétends point excuser le coupable

Albert

Dieu fait miséricorde au pécheur misérable.

Polydore

C’est ce qui doit par vous être considéré.

Albert

Il faut être chrétien.

Polydore

Il est très-assuré.

Albert

Grâce au nom de Dieu, grâce, ô seigneur Polydore!

Polydore

Eh! C’est moi qui de vous présentement l’implore.

Albert

Afin de l’obtenir je me jette à genoux.

Polydore

Je dois en cet état être plutôt que vous.

Albert

Prenez quelque pitié de ma triste aventure.

Polydore

Je suis le suppliant dans une telle injure.

Albert

Vous me fendez le coeur avec cette bonté.

Polydore

Vous me rendez confus de tant d’humilité.

Albert

Pardon, encore un coup.

Polydore

Hélas! Pardon vous-même.

Albert

J’ai de cette action une douleur extrême.

Polydore

Et moi, j’en suis touché de même au dernier point.

Albert

J’ose vous convier qu’elle n’éclate point.

Polydore

Hélas! Seigneur Albert, je ne veux autre chose.

Albert

Conservons mon honneur.

Polydore

Hé! Oui, je m’y dispose.

Albert

Quant au bien qu’il faudra, vous-même en résoudrez.

Polydore

Je ne veux de vos biens que ce que vous voudrez:

De tous ces intérêts je vous ferai le maître;

Et je suis trop content si vous le pouvez être.

Albert

Hé! Quel homme de Dieu! Quel excès de douceur!

Polydore

Quelle douceur, vous-même: après un tel malheur!

Albert

Que puissiez-vous avoir toutes choses prospères!

Polydore

Le bon Dieu vous maintienne!

Albert

Embrassons-nous en frères.

Polydore

J’y consens de grand coeur, et me réjouis fort

Que tout soit terminé par un heureux accord.

Albert

J’en rends grâces au ciel.

Polydore

Il ne vous faut rien feindre:

Votre ressentiment me donnoit lieu de craindre;

Et Lucile tombée en faute avec mon fils,

Comme on vous voit puissant et de biens et d’amis…

Albert

Heu! Que parlez-vous là de faute et de Lucile?

Polydore

Soit, ne commençons point un discours inutile.

Je veux bien que mon fils y trempe grandement;

Même, si cela fait à votre allégement,

J’avouerai qu’à lui seul en est toute la faute;

Que votre fille avoit une vertu trop haute

Pour avoir jamais fait ce pas contre l’honneur,

Sans l’incitation d’un méchant suborneur;

Que le traître a séduit sa pudeur innocente,

Et de votre conduite ainsi détruit l’attente.

Puisque la chose est faite, et que selon mes voeux

Un esprit de douceur nous met d’accord tous deux,

Ne ramentevons rien, et réparons l’offense

Par la solennité d’une heureuse alliance.

Albert

Oh! Dieu! Quelle méprise! Et qu’est-ce qu’il m’apprend?

Je rentre ici d’un trouble en un autre aussi grand.

Dans ces divers transports je ne sais que répondre;

Et si je dis un mot, j’ai peur de me confondre.

Polydore

À quoi pensez-vous là, seigneur Albert?

Albert

À rien.

Remettons, je vous prie, à tantôt l’entretien:

Un mal subit me prend, qui veut que je vous laisse.

Les Oeuvres Complètes de Molière (33 pièces en ordre chronologique)

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