Читать книгу Promenade d'une fillette autour d'un laboratoire - Paul Gouzy - Страница 12
ОглавлениеCOMPOSANTES ET RÉSULTANTES
Composantes et Résultantes. Quels grands mots, ma chère enfant! n’en ayez pas peur, cependant. Vous allez voir que ce que ces grands mots expriment n’est pas aussi rébarbatif que les mots eux-mêmes.
Pendant le voyage que nous avons fait ensemble au pays des étoiles, je vous fis un jour tirer, votre amie Marthe et vous, sur les deux poignées de votre corde à sauter. Pendant que vous vous escrimiez l’une et l’autre: «Est-ce vous, vous demandai-je, qui tirez Marthe? Ou Marthe qui vous tire?» Et je vous dis moi-même: «Un coup de ciseaux au milieu de la corde vous ferait bientôt voir que chacune de vous tire également l’autre.... Car ce n’est pas l’une de vous, mais toutes les deux, qui iriez mesurer la terre .»
Ainsi, ma chère enfant, vous tiriez sur la corde, — et votre traction était une force. — Marthe tirait sur la même corde, et sa traction était une autre force. — Et cependant... la corde ne bougeait pas. Et cependant nous avons dit qu’une force est la cause qui produit le mouvement. Comment expliquer cette immobilité de la corde?
C’est qu’une force n’est pas seulement la cause qui produit, mais encore la cause qui détruit le mouvement. C’est que, ce qu’une force fait, une autre force peut le défaire; c’est que, pendant que votre force tendait à faire mouvoir la corde, de Marthe à vous, la force de Marthe tendait à la faire mouvoir de vous à elle; si bien que, votre force et celle de Marthe se trouvant égales et opposées, ni l’une, ni l’autre n’a pu produire l’effet qu’elle tendait à produire. Elles se sont annulées; mettons détruites, et nous parlerons comme les géomètres, qui disent que deux forces égales et directement opposées se détruisent.
A vrai dire, le bon sens de tout le monde avait trouvé cette loi avant que la science des géomètres l’eût formulée; vous n’avez assurément jamais vu de charretier qui, ayant deux chevaux, en attelle un devant, l’autre derrière sa charrette, se tournant le dos, pour mieux la faire marcher.
En revanche, vous en avez vu beaucoup qui, trouvant leur charrette trop lourde pour un cheval, y en attellent deux l’un devant l’autre, ou l’un à côté de l’autre, et prouvent ainsi qu’ils savent à merveille que les forces des deux chevaux s’ajoutent, se composent, et que, de cette composition, il résulte que la charrette se meut absolument comme si, au lieu de deux chevaux, il en avait attelé un, aussi fort à lui seul que les deux ensemble.
Eh bien! ces forces, qui se réunissent pour que de leurs actions composées résulte le même effet que celui que produirait une seule force égale en puissance à toutes les autres réunies, ce sont celles qu’on nomme les Composantes, et la force unique qui les remplace toutes, c’est la Résultante, et voilà nos expressions rébarbatives devenues moins rébarbatives, depuis qu’elles sont expliquées.
Voici, par exemple, une grande poutre que traînent une bande de garçonnets attelés à des cordes dont chacune s’attache à un crochet planté dans la poutre: Si, en attelant un cheval au bout d’un câble attaché au milieu de la poutre du côté opposé aux petits garçons, le cheval arrête la poutre, mais sans parvenir à la faire reculer, c’est que la force du cheval vaut, à elle seule, les forces réunies des petits garçons. Les forces des garçons sont les composantes: celle du cheval en est la résultante.
Quant à expliquer comment, quand on connaît plusieurs forces, on trouve celle qui pourrait, à elle seule, les remplacer toutes, ou, pour lui donner maintenant son vrai nom, leur résultante, c’est affaire aux géomètres, non aux fillettes. Aussi, ma chère fillette, sans même l’essayer avec vous, je vais passer à une question plus pratique et, je l’espère, plus intéressante.