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LES LEVIERS

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Voici un cheval qui traîne au pas une lourde charrette. Proposez-lui de prendre le galop, il vous répondra: «Volontiers, mais donnez-moi une voiture plus légère».

En voici un autre qui emporte au galop un tilbury. Proposez-lui de l’échanger contre une charrette, il répondra: «Comme vous voudrez, mais j’irai au pas».

Les réponses de ces chevaux ont été entendues par M. Jean Macé, qui les a transcrites dans le livre charmant intitulé : Histoire d’une bouchée de pain, et elles m’ont paru si sensées, que je n’ai pu me tenir de les reproduire à mon tour, et d’ajouter, toujours avec M. Macé :

Comme vous le voyez, avec la même force, on a le choix:

Ou bien triompher d’une résistance plus grande, en allant doucement;

Ou bien aller vite, mais triompher d’une résistance moins grande.

Vous avez, ma chère enfant, rencontré cent fois, peut-être sans le remarquer, l’application du principe que résument si bien les réponses des chevaux philosophes.

Cette petite scie à découper, que votre frère manœuvre avec une pédale, n’a à vaincre que la faible résistance de bois extrêmement minces. Aussi voyez, elle marche avec une telle vitesse, qu’on ne la voit pas passer, pendant que la grand scie des scieurs de long, qui débite en planches de gros troncs d’arbres, n’avance que majestueusement et à pas comptés.

Voyez la roue de ce gagne-petit. Tant qu’elle tourne à vide, les mouvements du pied, qui peuvent servir à compter les tours de roue, sont précipités. Mais ils se ralentissent dès que le gagne-petit, appuyant sur la roue le couteau qu’il aiguise, augmente la résistance.

Et la couturière, combien ne va-t-elle pas plus vite, quand elle coud des mouchoirs de batiste que lorsqu’il faut que son aiguille traverse de la grosse toile à sac!

Oui, combien? Ma foi, ma chère petite, je vous le dirais si je savais combien de fois la résistance de la toile à sac vaut la résistance de la batiste. Car enfin, nous ne pouvons pas toujours nous laisser faire la leçon par les chevaux, si philosophes qu’ils soient, et il est temps de leur prouver que si leurs réponses ne laissent rien à désirer au point de vue du bon sens, nous pouvons leur en remontrer pour la précision.

Ainsi vous, monsieur le premier cheval, qui offrez de galoper si l’on vous donne une voiture moins lourde, je vais vous dire: si l’on vous donne une voiture deux fois moins lourde, vous irez juste deux fois plus vite. Et vous, monsieur le second cheval, qui n’acceptez de traîner une charrette qu’à condition d’aller au pas, souvenez-vous qu’il y a pas et pas, et que si la charrette qu’on substitue à votre tilbury pèse trois fois plus que lui, eh bien, vous ferez avec la charrette juste trois fois moins de chemin dans le même temps qu’avec le tilbury.

Et maintenant, chère enfant, que nous avons remis ces bêtes à leur place, que je vous dise enfin pourquoi je vous ai promenée à travers les tilburys et les scieries, les gagne-petit et les lingères, et quel rapport a cette promenade avec celle que nous faisons autour d’un laboratoire.

Avez-vous remarqué ces barres de fer avec lesquelles les maçons soulèvent et déplacent des pierres vingt fois plus lourdes qu’eux-mêmes? Ils les appellent des pinces; mais leur vrai nom est levier. Tenez, en voici justement un qui s’apprête à soulever cet énorme bloc; regardons-le faire.

Auprès de la pierre il a posé une petite cale en bois. — Sur cette cale il appuie son levier (fig. 6) — Il en glisse sous la pierre un bout qui a été aminci tout exprès pour pouvoir la pincer (d’où le nom de pince). Il se porte lui-même à l’autre extrémité, juste au bout de la barre; il presse de toute sa puissance sur cette extrémité. Ah! voilà la pierre qui monte assez pour que Je camarade du maçon puisse, dessous, glisser un câble. Elle devait cependant offrir une bien grande résistance. Comment à lui seul le maçon a-t-il eu la puissance d’en triompher?

Fig. 6.


Et comment le léger cheval de cabriolet a-t-il pu triompher de la résistance de la lourde charrette? Il vous l’a dit lui-même: en allant au pas.

De même le maçon n’a fait monter sa pierre que bien lentement, au petit pas, car voyez, tandis que lui-même abaissait l’extrémité du levier sur laquelle il pèse, de près d’un mètre, la pierre, à l’autre bout, ne montait, dans le même temps, que de 4 ou 5 centimètres; la petite force du maçon galopait; le lourd poids de la pierre marchait au pas.

«Et voilà pourquoi votre fille est muette!» Si j’ai tenté de vous l’expliquer, ce pourquoi, c’est qu’après avoir raconté l’histoire du cheval de tilbury et du cheval de charrette, M. Macé ajoute: Dites à votre papa de vous expliquer le levier.

Il en parle à son aise, M. Macé, et j’ai bien peur que, pour expliquer le levier tout à fait, de manière à ne laisser dans votre esprit aucun doute, il n’y fallût sa plume ingénieuse et alerte, car je sens bien toute l’insuffisance et le vague de ma propre explication. Pourtant je n’y renonce pas, et je vais essayer de la compléter et de la rendre plus claire.

Tout le monde sent, et il est facile de s’en rendre compte, que la force et la vitesse entrent ensemble en ligne de compte dans l’évaluation de tout travail produit!

Deux ouvriers sont employés à monter de la terre au haut d’une terrasse. Si le premier porte, à chaque voyage, une charge double de celle du second, mais s’il fait deux fois moins de voyages, n’est-il pas évident que le soir ils auront fait le même travail?

Et si le premier portait double charge, en faisant le même nombre de voyages?

— Il aurait fait double travail.

— Et s’il portait la même charge en faisant trois fois plus de voyages?

— Il aurait fait triple travail.

— Et si enfin le premier ouvrier, tout en portant une charge double de celui du second, avait fait trois fois plus de voyages?

— Évidemment le premier aurait fait six fois plus de travail que le second.

— Vous l’avez dit vous-même, mon enfant, et vous voyez que le contremaître qui voudra, le soir, payer les ouvriers selon le travail qu’ils auront fait, n’aura qu’à peser la charge portée par chacun d’eux à chaque voyage, et la multiplier par le nombre de voyages qu’il aura fait, ou, ce qui revient au même, par le nombre de mètres qu’il aura montés dans sa journée.

Le nombre de quintaux de terre élevés, voilà en définitive ce qui importe au propriétaire, et, qu’un ouvrier ait cru devoir porter de petites charges en faisant beaucoup de voyages, ou de fortes charges en les faisant moins nombreux, c’est son affaire. Tous ceux pour lesquels, en multipliant la charge portée par le nombre de voyages faits, le contremaître trouvera le même résultat, devront toucher la même paye.

Et maintenant, ma chère enfant, retournons à notre maçon, et nous allons comprendre le mécanisme de son levier.

Quand il presse sur l’extrémité qu’il tient à la main, toutes les parties de sa barre, sauf celle qui touche le point d’appui, se mettent en route, et chacune fait d’autant plus de chemin qu’elle est plus loin du point d’appui. Si, par exemple, la longueur comprise entre la main du maçon et le point d’appui est vingt fois plus longue que celle qui sépare le point d’appui de la pierre, chaque mouvement de la barre fera faire à la main du maçon vingt fois plus de chemin qu’à la pierre.

Il est, par rapport à la pierre, comme un de nos terrassiers de tout à l’heure qui aurait fait vingt fois plus de voyages que son voisin. Pour avoir fait le même travail il faudrait qu’il eût déployé à chaque voyage vingt fois moins de force.

Et voilà pourquoi notre maçon soulève, grâce à son levier, une pierre dont le poids est vingt fois plus grand que la pression qu’il exerce lui-même au bout de sa barre.

Avez-vous compris? Je l’espère, et alors vous ne traiterez pas de forfanterie le mot qu’on prête à Archimède: «Donnez-moi un point d’appui, et je soulèverai le monde.» Car vous comprendrez que la puissance du levier n’a pas de limite.

Pas de limite théorique, s’entend; car, en pratique, il est évident qu’elle est limitée par la solidité du point d’appui et par celle de la tige.

Le levier est l’un des instruments les plus universellement employés. On ne peut, pour ainsi dire, faire un pas sans en trouver un sur son chemin. Non seulement nos usines, mais encore nos maisons et nos ustensiles les plus vulgaires en fourmillent.

Partout où il y a une résistance à vaincre, une puissance pour lutter contre elle, et où l’on peut trouver un point d’appui, on emploie un levier. Mais la puissance et la résistance ne sont pas toujours placées de la même manière par rapport au point d’appui, et de là trois espèces de leviers, ou plutôt trois genres, c’est le mot consacré, que je vais vous faire connaître par quelques exemples familiers.

La pince que nous avons vu employer par le maçon tout à l’heure, avait son point d’appui entre la puissance et la résistance. C’est ce qui distingue les leviers du premier genre. La balance et la romaine, que nous étudierons plus tard, sont des leviers du premier genre. Dans le midi de la France (fig. 7), on emploie à tirer l’eau des puits un instrument fort simple que les paysans fabriquent eux-mêmes, et qu’en patois languedocien ils appellent callebo. Un grand poteau est planté auprès du puits. A la partie supérieure du poteau, que l’on choisit en forme de fourche, une longue barre mobile autour d’une cheville enfoncée dans les deux branches de la fourche, est équilibrée de manière que l’extrémité qui est au-dessus du puits se tienne en l’air. A cette extrémité est suspendue une perche en bois, qui pend au-dessus et à la hauteur de l’ouverture du puits. C’est là que les ménagères accrochent le sceau avec lequel elles veulent puiser de l’eau. En tirant sur la perche, elles font descendre le seau au fond du puits. Quand il est plein, le contrepoids qui bascule autour de la cheville le remonte de lui-même. C’est encore un levier du premier genre.

Fig. 7.


Les tenailles et les pinces, les ciseaux (fig. 8) dont vous taillez les robes de vos poupées, sont autant de leviers du premier genre. Mais si je voulais les citer tous, cet entretien ne finirait pas, et il vaut mieux passer à un autre levier.

Si nous étions restés un peu plus longtemps auprès de notre maçon de tout à l’heure, vous auriez vu qu’après avoir soulevé la pierre avec sa pince, il s’est servi de cette pince d’une façon toute différente pour faire avancer la pierre. Tout à l’heure il avait placé un point d’appui, une cale en bois entre lui et la pierre, et il agissait sur celle-ci en baissant la portion de la barre, le bras de levier, placé de son cote.

Fig. 8.


Maintenant au contraire il appuie à terre la pointe de sa pince, fait porter la pierre sur cette pince, et soulève au lieu de l’abaisser le bras de levier dont il dispose.

Tout à l’heure le point d’appui était entre la puissance et la résistance: nous avions un levier du premier genre. Maintenant la résistance est entre le point d’appui et la puissance: c’est un levier du second genre.

Dans le levier du second, comme dans celui du premier genre, les raisonnements des chevaux de charrette et de tilbury trouvent leur application, et je vous laisse le soin de les refaire vous-même. Mais je veux vous citer quelques leviers du second genre, que vous connaissiez bien longtemps avant de savoir qu’il y eût des leviers au monde, et dont vous pourrez désormais expliquer l’emploi.

Fig. 9.


Voyez-vous ce jeune garçon qui saisit sa brouette (fig. 9) et s’apprête à promener dedans sa petite sœur? L’essieu de la roue est le point d’appui. La puissance est naturellement dans les bras du garçon, et la résistance, c’est le poids de la fillette. La résistance étant entre le point d’appui et la puissance, la brouette est un levier du deuxième genre.

Fig. 10.


L’inventeur de la brouette est Pascal, aussi grand dans les lettres que dans les sciences, et qui écrivait le livre immortel des Lettres provinciales en même temps qu’il faisait sur le baromètre des découvertes dont nous reparlerons plus tard.

Un autre levier du second genre est le casse-noix (fig. 10), car la noix qu’il s’agit de casser est placée entre la charnière, qui est le point d’appui, et la main dont la puissance doit casser la noix, et il suffit de jeter les yeux sur l’instrument, pour reconnaître que les branches que la main rapproche font dans le même temps plus de chemin et par conséquent vont plus vite que les mâchoires entre lesquelles s’exerce la résistance de la noix. Le cheval de cabriolet veut bien traîner une charrette, mais à la condition de n’aller qu’au pas.

Ainsi, dans les deux genres de levier que je vous ai fait connaître jusqu’à présent, nous avons toujours renmplacé le tilbury par la charrette; je veux dire sacrifié la vitesse pour triompher d’une résistance plus grande.

Le levier du troisième genre fait le contraire, et vous allez bien vite comprendre pourquoi:

Voici une longue échelle que les maçons ont couchée le long du mur. Il s’agit de la relever.

L’un des maçons appuie le pied sur le premier échelon pour empêcher l’échelle de glisser. Il rend fixe ainsi le pied de l’échelle, qui devient le point d’appui du levier.

La résistance, c’est le poids de l’échelle, qu’il faut vaincre, et qui est appliqué au centre de gravité, vers le milieu de la longueur.

Si l’autre maçon pouvait se placer au bout de l’échelle qui doit être relevée contre le mur, nous aurions un levier du second genre, et c’est ce qui arrive quand on peut attacher une corde à cette extrémité de l’échelle et la faire tirer par des ouvriers placés au haut du mur. Mais si ce n’est pas possible, que fera le second maçon? Il se placera non loin de son compagnon, vers le cinquième ou sixième échelon, et, faisant un effort vigoureux, il élèvera cet échelon aussi haut que sa taille le lui permettra.

Ce ne sera pas encore très haut; mais pendant que le cinquième échelon montera ainsi à un mètre cinquante environ, le vingtième montera quatre fois plus haut, ou à six mètres. C’est lui qui fera le rôle de tilbury, et le maçon aura pris celui du cheval de charrette. Il aura fait peu de chemin en soulevant un grand poids; mais grâce à lui le bout de l’échelle arrivera au haut du mur.

Cette fois la puissance, la force du maçon s’est exercée entre le point d’appui et la résistance. C’est ce qui caractérise le levier du troisième genre, et vous voyez qu’on l’emploie quand on dispose de beaucoup de force, mais de peu d’espace.

Vous êtes, ma chère enfant, trop jeune pour avoir connu les portes à loquets de nos pères. Elles avaient bien leur mérite. Comme solidité, la porte était maintenue dans toute sa largeur par le loquet, et comme décoration, le bouton placé au milieu de la porte pouvait être entouré de moulures symétriques que ne permettent pas les boutons actuels.

Enfin elles ont le mérite de m’offrir un remarquable exemple de levier du troisième genre, que vous me permettrez, j’espère, de vous décrire en peu de mots.

Fig. 11.


Une longue tige horizontale (fig. 11), en fer, est montée par une de ses extrémités sur un pivot planté dans le battant de la porte. C’est le point d’appui du levier.

L’autre extrémité, près de laquelle est le centre de gravité, pour que le poids soit appliqué le plus près possible du bout libre, tombe dans un mentonnet, ou crochet, enfoncé dans le cadre de la porte. C’est la résistance.

Enfin, entre le point d’appui et la résistance, mais plus près du point d’appui, une sorte d’S horizontale, qu’on peut tourner de l’autre côté de la porte à l’aide d’un bouton, soulève le levier pour le faire sortir du mentonnet, quand on veut ouvrir la porte, ou l’y laisse retomber, quand on veut la fermer.

C’est là que s’applique la puissance.

Or, cette puissance, même placée désavantageusement, c’est-à-dire très près du point d’appui, est toujours suffisante pour vaincre la résistance, puisque celle-ci n’est que le poids du loquet. Mais il importe que celui à qui l’on dit: Tournez le bouton «et la bobinette cherra», ne soit pas obligé de se tordre le poignet pour faire sortir le loquet de son mentonnet. Il faut donc mettre la puissance près du point d’appui, pour qu’avec un petit chemin de la puissance, la résistance en fasse un grand.

Et voilà comment toutes les mamans et grand’mamans, qui ont aujourd’hui de quarante à soixante ans, se servaient tous les jours, quand elles avaient votre âge, d’un levier du troisième genre, sans avoir jamais soupçonné qu’il y eût trois genres de leviers.

Mais vous-même, je vais bien vous surprendre en vous apprenant, ma chère enfant, que depuis le moment où vous êtes née, vous n’avez pas un seul jour manqué de faire usage de quantité de leviers du troisième genre. Et savez-vous où ils sont?

Si je vous demandais ce que vous faites quand vous portez un bonbon à votre bouche, il est probable que vous me répondriez comme Nicole quand M. Jourdain lui demande: «Qu’est-ce que tu fais, quand tu dis U? — Eh bien, je dis U.»

Vous vous rappelez l’explication savante de M. Jourdain. Je vais tâcher d’être un peu moins embrouillé que lui.

Asseyez-vous devant cette table, le coude appuyé, l’avant-bras allongé sur la table. Je mets entre vos doigts un bonbon que, sans ôter votre coude de sur la table, vous portez à votre bouche. Pendant cette opération, quel mouvement ont exécuté vos membres?

Le bras n’a pas bougé : l’avant-bras, qui était presque dans le prolongement du bras, s’est replié sur lui, comme se replient l’une sur l’autre les deux branches d’un compas; or vous savez qu’il n’y a pas de mouvement sans force. Il y a donc eu quelque part une force, une puissance qui a tiré l’avant-bras pour l’obliger à se replier sur le bras. Il y a d’ailleurs une résistance: le poids du bras et de la main qui est au bout. Il y a enfin un point fixe, un point d’appui: le coude.

Puissance — résistance — point d’appui. — Il y a donc un levier.

De quel genre?

Voyons, vous, mon enfant, si vous aviez eu à choisir; si Garot vous eût emmené avec lui «au conseil de celui que prêche son curé », pour quel genre de levier auriez-vous voté ?

Pour vous faciliter la réponse, il nous faut rechercher ensemble quelles conditions devaient remplir l’avant-bras et la main.

Vous ne l’avez pas oublié : «avec la même force on a le choix:

Ou bien triompher d’une résistance plus grande en allant doucement.

Ou bien aller vite, mais triompher d’une résistance moins grande.»

Des deux alternatives, laquelle choisissez-vous? Ce serait bien agréable de pouvoir, au lieu du bonbon que j’ai mis entre vos doigts, enlever à bras tendu un poids de cent kilos, mais je crois qu’il est encore plus utile, si une mouche vous vole dans l’œil, d’y porter rapidement la main pour l’en écarter; si un chien vous aboie aux jambes, de faire le moulinet avec son bâton pour l’effrayer; si l’on veut jouer sur le violon des triples croches, de mouvoir l’archet assez vite à n’en pas faire des blanches.

Décidément l’avant-bras a encore plus besoin de rapidité que de force.

Et alors?

Et alors Garot décide qu’il y faut un levier du troisième genre.

Bien jugé, car c’est justement un levier du troisième genre, mon enfant, que vous avez, du jour de votre naissance, fait fonctionner sans le savoir entre votre bras et votre avant-bras.

Les muscles qui rapprochent de votre bras immobilisé sur la table votre avant-bras laissé libre, et qu’ils tirent en se contractant, s’insère nt, je veux dire s’attachent sur l’os de votre avant-bras très près de l’articulation, en sorte que la puissance, dont le bras de levier est précisément la distance de cette articulation au point d’insertion, est dans des conditions bien défavorables pour lutter contre la résistance qui a pour bras de levier toute la longueur de l’avant-bras.

Mais, quelle revanche ne prend pas la puissance au point de vue de la rapidité ! Elle n’a que quelques centimètres à parcourir pour obliger la main à une promenade circulaire de près d’un mètre de long, et le point d’application de la puissance peut se prélasser à son aise en regardant le point d’application de la résistance courir la poste.

Décidément les violonistes n’ont rien à redouter des triples croches.

Ni les pianistes non plus, grâce aux leviers du troisième genre qu’ils portent dans leurs doigts.

Et savez-vous aussi pourquoi, mon enfant, quand vous jouez aux barres avec vos petites amies, vous pouvez courir si vite? C’est toujours grâce aux leviers du troisième genre, que vous avez dans les jambes aussi bien que dans les bras.

Mais c’est assez parler de leviers pour aujourd’hui, d’autant que nous les retrouverons sous une autre forme dans le prochain entretien.

Promenade d'une fillette autour d'un laboratoire

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