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Passons rapidement, sur le siège de Rome; il y a là un malentendu funeste et des souvenirs douloureux qu’il ne faut pas réveiller. Nous profiterons cependant de l’armistice conclu dans les premiers jours de mai entre les deux armées pour suivre Garibaldi marchant contre le roi de Naples, qui s’est avancé à la tête de quinze mille hommes jusqu’à Palestrina. Garibaldi peut à peine opposer le tiers de ces forces à son royal adversaire, pourtant il le bat le 9 mai, et le force à se retirer précipitamment sur Velletri. La position était très-forte, et Ferdinand II, soutenu par une nombreuse artillerie, pouvait s’y défendre d’autant plus longtemps que son adversaire ne possédait pas un seul canon, mais la baïonnette est une arme terrible, et les Napolitains en firent l’expérience à leurs dépens; délogés de toutes leurs positions, poursuivis l’épée dans les reins pendant plusieurs lieues, et presque sur leur propre territoire, ils laissèrent entre les mains de l’ennemi un grand nombre de prisonniers; le roi lui-même serait tombé en son pouvoir s’il n’avait eu la précaution de prendre la fuite une heure avant ses soldats.

Garibaldi campait sur le territoire napolitain; les habitants de Rocca d’Arce l’avaient accueilli avec enthousiasme; il voulait marcher en avant et tenter la grande entreprise qu’il vient de terminer aujourd’hui; un ordre très pressant du triumvirat le rappela à Rome. Il obéit.

Assiégée le 29 avril 1849, Rome tint jusqu’au 2 juillet de la même année. Il ne restait plus à Garibaldi qu’à gagner Venise et à se renfermer dans cette dernière forteresse de l’indépendance nationale. Il songeait à s’y rendre, lorsqu’on lui dit que la Toscane, prête à se soulever, n’attendait plus qu’un homme pour se mettre à sa tête. Venise comptait plus d’un défenseur dévoué et intrépide, Garibaldi crut qu’il pourrait être plus utile ailleurs, et le jour même où la capitulation de Rome fut signée, les soldats de Garibaldi lurent l’ordre du jour suivant signé par leur chef:

«Soldats,

«Voici ce qui vous attend: la chaleur et la soif pendant le jour, le froid et la

» faim pendant la nuit; point de solde, point de repos, point d’abri; mais en

» revanche, une misère extrême, des alertes et des marches continuelles, des

» combats à chaque pas; que ceux qui aiment l’Italie me suivent!»

Le corps expéditionnaire, partagé en deux légions, formait un effectif de quatre mille fantassins et d’environ huit cents cavaliers. A sa tète s’avançait Garibaldi entre le père Bassi et Ange Brunetti, si connu sous le surnom de Cicerovacchio, dont les deux fils marchaient dans les rangs des volontaires.

Neuf jours après son départ de Rome, la petite armée républicaine, renforcée de neuf cents soldats que lui amenait le colonel Forbes, quitta Terni pour entrer en Toscane par la route de Todi. Les volontaires étaient pleins d’entrain et d’espérance. A chaque pas ils s’attendaient à voir se lever la population.

Trois corps d’armée occupaient le territoire romain; il s’agissait pour eux de poursuivre Garibaldi et de lui fermer la route. Autrichiens, Espagnols, Français se mirent donc en mouvement. Passer au milieu de ces trois années n’était point chose facile: Garibaldi y parvint cependant et sa retraite peut être considérée comme un vrai tour de force dans l’art militaire. Cette retraite commença à Lodi, où l’armée des patriotes italiens était parvenue, ainsi que nous l’avons dit, le 11 juillet. Dans cette partie de l’Italie les communes sont pauvres et les couvents très-riches; c’est chez les moines que Garibaldi logeait ses troupes afin d’éviter toute charge aux habitants. Quoique entourés de toute l’abondance imaginable, les soldats, maintenus dans une discipline sévère et qu’ils avaient à cœur d’observer, ne demandaient aux couvents que ce qui était absolument nécessaire à leur existence. Seuls les Camaldules d’Orvieto furent imposés par le général à une amende de cent soixante écus. Non contents de refuser du pain à sa troupe affamée, ils s’étaient donné le plaisir de lancer leurs chiens contre un officier qui venait leur demander l’hospitalité.

A partir de Spolète la désertion s’était mise dans les rangs des patriotes; en quittant Lodi ils se trouvaient réduits à trois mille hommes environ, divisés en plusieurs détachements commandés par des officiers de choix, avec l’ordre de s’avancer par des chemins différents. L’ennemi cherchait à les envelopper, il fallait le tromper; une fausse démonstration faite dans ce but sur Foligno par un escadron de cavalerie réussit parfaitement. Le 15 juillet le général partit de Lodi, et après avoir devancé d’une demi-heure seulement la cavalerie du général Morris lancée à sa poursuite, il atteignit le bourg de Cetona en Toscane, où devait avoir lieu la jonction des divers détachements de son armée. La moitié de ces détachements se trouvait au rendez-vous; l’autre moitié, obligée de faire de longs détours, n’arriva que plusieurs jours après. Le 20 juillet toutes les troupes réunies se rémirent en marche, et le lendemain elles atteignirent Montepulciano après avoir passé par des chemins à peine praticables pour des chasseurs et pour des contrebandiers.

Le bourg de Cetona, quoique entouré de murailles et occupé par deux compagnies d’infanterie toscane, s’était rendu sans coup férir. Les Autrichiens, au nombre de quatre mille hommes commandés par l’Archiduc Ernest, venaient à la rencontre de Garibaldi, pendant qu’un autre corps plus nombreux, placé sous les ordres du général Stadion, occupait Sienne dans le but de s’opposer à une tentative d’embarquement des Garibaldiens qu’on croyait devoir s’opérer dans le port de San-Stefano.

L’Archiduc Ernest ayant opéré, sa jonction avec le général Stadion, Garibaldi dut songer à se retirer devant un ennemi dont les forces étaient six fois plus nombreuses que les siennes. Il prit donc le chemin des Romagnes, occupa les hauteurs de Citerna, avant derrière lui, à une étape de marche, les Autrichiens qui l’atteignirent enfin près du bourg de Monterchi. L’ennemi paraissait cette fois résolu à tenter les chances d’une bataille que la force des choses commandait à Garibaldi d’éviter. L’Apennin lui offrait un dernier refuge, mais comment le gagner en présence des Autrichiens qui surveillent tous les mouvements d’une troupe qu’ils croyaient déjà prisonnière? C’est dans de pareilles occasions qu’éclate dans sa merveilleuse fécondité le génie militaire de Garibaldi; grâce à l’habileté de ses manœuvres, ses soldats purent franchir l’Apennin et descendre, par des chemins bordés de précipices, dans les Romaines où l’ennemi ne tarda pas à les rejoindre. Il fallut de nouveau tromper les Autrichiens. Garibaldi y parvint à l’aide d’une fausse attaque qui lui permit de se retirer dans la montagne, dont la compagnie de tirailleurs du colonel Forbes parvint à interdire l’approche aux régiments de l’Archiduc.

Mais ces marches et ces contre-marches dans les montagnes, ces escarmouches perpétuelles, avaient porté au plus haut point la lassitude dans l’année patriote. Elle était réduite de plus de moitié, lorsqu’elle franchit les frontières de la petite république de Saint-Marin, où Garibaldi, à peine arrivé, publia cet ordre du jour:

«Soldats!

» Vous voilà en pays libre et sûr. Sachons mériter par notre irréprochable

» conduite envers nos hôtes la sympathie et le respect dus au malheur.

» A partir de ce moment, je vous délie de tout devoir d’obéissance à mon

» égard, en vous laissant libres de rentrer dans vos foyers. Je vous rappellerai

» seulement que l’Italie ne doit pas rester dans l’opprobre, et que la mort est

» mille fois préférable au joug de l’étranger.»

Les célébrités du jour : 1860-61

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