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Nous voici à la nuit du 5 au 6 mai 1860; la route qui conduit de Gênes au village de Cornegliano est encombrée de voitures dans lesquelles on distingue vaguement à la lueur des reverbères des hommes dont quelques-uns paraissent étrangement équipés. Les piétons regardent, et sans rien dire semblent très-bien savoir ce dont il s’agit. La petite place et les cafés qui l’entourent regorgent de monde. La foule monte en file une ruelle étroite sur laquelle s’ouvre une porte grillée; elle entre dans des allées dont le seul éclairage consiste en des centaines de cigares allumés. Des étincelles courent le long des haies. On se presse, on s’appelle, les uns sont couchés sur l’herbe, les autres debout; des groupes se forment et se dispersent. On entend parler italien, anglais, français, hongrois. Des courants inexplicables s’établissent dans la foule, et vous portent tantôt d’un côté, tantôt de l’autre dans ces vastes jardins au fond desquels on aperçoit vaguement une magnifique habitation entièrement plongée dans l’ombre. Qu’attend-on? on ne voit aucun chef. Des femmes se mêlent aux groupes ou s’écartent par couples. Elles ne pleurent pas et ne cherchent pas à retenir ceux qu’elles aiment. La grille s’ouvre, tous courent vers des feux qui brillent sur la mer. Ce sont des barques qui s’avancent, et qui bientôt touchent à la rive; on s’y précipite pêlemêle de tous côtés, cinquante environ dans chacune, et bientôt elles s’éloignent du bord aux cris mille fois répétés de: Vire l’Unité Italienne! Vire Garibaldi!

Où vont tous ces volontaires? Ils l’ignorent, seulement ils savent que Garibaldi est avec eux, et cela leur suffit. Le navire vogue depuis deux jours; c’est alors seulement qu’ils apprennent leur destination et qu’ils lisent au milieu des cris d’enthousiasme ces mots de leur chef: «La mission de ce corps, sera, comme

» elle le fut déjà, basée sur l’abnégation la plus complète, en vue de la régénération

» de la patrie. Les braves chasseurs servirent et serviront leur pays avec

» la discipline et le dévouement des meilleurs corps militaires, sans autre espérance

» , sans autre prétention que celle d’une conscience sans tache.

» Aucun grade, aucun honneur, aucune récompense n’attirèrent ces braves;

» le danger disparu, ils rentrèrent dans la modestie de la vie privée; mais l’heure

» du combat sonnant, l’Italie les revoit encore en première ligne, allègres, pleins

» de bonne volonté, et prêts à verser leur sang pour elle.....»

Le 11 mai, l’expédition composée de deux navires à vapeur: le Piemonte et le Lombardo se trouvait en face de la Sicile. Il n’entre pas dans notre cadre de raconter dans toutes ses péripéties le miraculeux débarquement de Marsala. La nouvelle s’en répand avec la rapidité de l’éclair dans les environs, et de là dans toute l’île. A peine débarqué Garibaldi se met en marche sur Salemi; les paysans, les pâtres vêtus de peaux de chèvres, les femmes aux grandes robes rouges viennent de tous côtés pour le saluer; les prêtres eux-mêmes se mettent à la tète des populations, et pour remercier le clergé, Garibaldi adresse un manifeste aux bons prêtres: «Quoi qu’il en soit, quoi qu’il advienne des destinées

» de l’Italie, ce clergé qui fait cause commune avec les oppresseurs de tous les

» pays, ce clergé qui achète des soldats étrangers pour combattre ses frères

» italiens, s’est voué lui-même à l’exécration des générations futures.

» C’est une grande consolation pourtant et une promesse que la vraie religion

» du Christ ne sera pas perdue, que de voir en Sicile les prêtres marcher à

» la tête du peuple pour combattre la tyrannie.

» Ugo Bassi! Vérita! Gusmarolli! Blanchi! vous n’êtes pas morts tout entiers.

» Chers martyrs! Champions sacrés de la cause nationale, le jour où votre exemple

» sera suivi, l’étranger aura cessé de fouler notre terre, il aura cessé d’être le

» maître de nos fils, de nos femmes, de notre patrimoine, et de nous-mêmes!

Le 13 mai au matin l’armée libératrice quittait les maisons sarrazines de Salemi pour prendre le chemin de Calatafimi. C’était là qu’on devait rencontrer la première colonne napolitaine commandée par le général Landi, qui s’était fortifie sur des hauteurs très-propres à la défense et garnies d’une nombreuse artillerie. On sait comment ces positions furent enlevées par les volontaires qui se battaient un contre dix. Leur récompense est dans ces remerciements de leur général:

» Avec des compagnons comme vous, je puis tout tenter, et je vous l’ai prouvé

» hier en vous conduisant à une entreprise bien ardue, vu le nombre des ennemis,

» et leurs fortes positions. Je comptais sur vos terribles baïonnettes, et vous

» voyez que je ne me suis pas trompé.

» Déplorant la dure nécessite de combattre des soldats italiens, nous devons

» confesser que nous avons trouvé une résistance digne d’hommes attaches a une

» meilleure cause, et cela prouve ce que nous serons capables de faire, le jour

» où la famille italienne sera tout entière réunie autour de la bannière de la

» rédemption.

» Demain, le continent italien se mettra en fête pour la victoire de ses frères

» libres et de nos braves Siciliens. Le combat nous coûte la vie de frères chéris

» morts aux premiers rangs; ces martyrs de la sainte cause de l’Italie vivront

» dans les fastes de la gloire italienne.

» Je signalerai à votre pays le nom des braves qui ont si valeureusement conduit

» au combat les soldats plus jeunes et inexpérimentés, et qui mèneront

» demain à la victoire, dans un meilleur champ de bataille, les soldats destinés

» à rompre les derniers anneaux des chaînes dans lesquelles fut garrottée notre

» Italie bien-aimée.»

Les célébrités du jour : 1860-61

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