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VIII

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Dix ans se sont écoulés depuis cette époque; de meilleurs jours semblent luire pour l’Italie. Garibaldi a repris les armes, l’élite de la jeunesse s’est groupée autour de lui; il commande une année divisée en trois corps; le premier est placé sous les ordres du colonel Medici; le second sous les ordres du colonel Cozens; le colonel Arduino est à la tête du troisième. Officier d’artillerie dans l’armée napolitaine, Cozens prit une part active à la défense de Venise. Le chef d’état-major Clément Corti a longtemps vécu en Angleterre. Les deux aides de camp de Garibaldi sont d’anciens compagnons de ses guerres d’Amérique, et ne l’ont jamais quitté.

Tous les soldats adorent leur chef quoiqu’il se communique peu, et qu’il parle assez rarement. Dès qu’ils l’aperçoivent, ils regardent sa casquette: si elle est posée en arrière, c’est un signe qu’il est content; si au contraire elle cache son front, et si la visière est ramenée sur son nez, la situation est grave; les soldats s’attendent à quelque chose de sérieux et apprêtent leurs armes. Les deux signes ne manquent jamais leur effet. Le jour où il fit son entrée à Bergame, la casquette de Garibaldi était plus en arrière que jamais. On venait d’apprendre par dépêche électrique l’arrivée d’un corps de quinze cents impériaux qu’on dirigeait sur Bergame, où l’état-major autrichien ignorait que les Garibaldiens fussent entrés. Quel magnifique coup de filet! Les soldats s’embusquent autour de l’embarcadère; l’électricité annonce que l’ennemi n’est plus qu’à l’avant-dernière station; le cœur bat à chacun d’impatience et de joie; les minutes succèdent aux minutes; une heure s’écoule, rien ne parait. Les Autrichiens étaient revenus sur leurs pas à toute vapeur, avertis sans doute par quelques traînards qu’on trouva le lendemain dans les blés où ils se cachaient. Changement subit de position de la casquette de Garibaldi. Les soldats restèrent au moins vingt-quatre heures sans apercevoir le bout de son nez.

Garibaldi exerce un tel prestige qu’on la vu, pendant un combat, envoyer au feu des bourgeois auxquels il remettait le fusil de ses soldats blessés, et qui, sous les yeux du général, s’en servaient courageusement. Toujours entre les deux lignes de tirailleurs, c’est merveille qu’il n’ait pas été atteint. Il y a des gens qui le croient à l’épreuve de la balle; ce qui est certain, c’est que sa présence suffit pour enflammer le soldat et lui faire oublier tout danger. On n’en finirait pas si on voulait raconter tous les traits d’héroïsme de cette valeureuse et petite armée que Garibaldi commande, ses marches fabuleuses, ses surprises, ses combats. A Laveno, par exemple, les Garibaldiens arrachèrent aux soldats Autrichiens leurs armes à travers les meurtrières des remparts. A son entrée en campagne, Garibaldi désirait beaucoup avoir des canons; comme le ministère de la guerre lui faisait attendre ceux qu’il lui avait promis, il en prit quatre aux Autrichiens; quelque temps après, il demandait à les échanger contre des carabines Minié. Les quatre canons, pendant la moitié de la guerre, restèrent aux bagages. Aux yeux de Garibaldi et de ses soldats, la meilleure de toutes les armes, c’est la baïonnette. Les tirailleurs de l’armée étaient, pour la plupart, très-fins tireurs; parmi eux on remarquait un Anglais d’une cinquantaine d’années qui, armé d’une carabine Lancastre d’une admirable précision et d’une lorgnette excellente, semblait faire la chasse aux Autrichiens; homme visé, homme abattu. On demandait un jour à cet amateur si c’était pour fonder l’indépendance italienne ou pour chasser qu’il s’était joint aux volontaires: «J’aime infiniment l’indépendance italienne, répon» dit-il avec sang-froid, mais je ne déteste pas non plus la chasse.»

Les célébrités du jour : 1860-61

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