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II.

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Le Pape mourut et le conclave s’assembla le dimanche 14 juin 1846. Le Cardinal Mastaï quitta son diocèse pour s’y rendre. En traversant Fossombrone une colombe vint s’abattre sur sa voiture; on la chasse, elle revient. Pour des paysans romains, c’était presqu’un miracle; un érudit de l’endroit fait remarquer que, dans une circonstance analogue, on a vu une colombe se percher aussi sur la voiture de nous ne savons quel cardinal et que ce cardinal fut élu par le conclave. Et le peuple aussitôt entoura Mastaï en criant à tue-tête: Evviva! Evviva! Ecco il Papa!

Ce fut sous ces auspices que le cardinal arriva à Rome et alla s’enfermer avec ses collègues au nombre de 54. Nous nous éloignerions de notre sujet, si nous racontions ici quelles intrigues politiques et cléricales précèdent l’élection d’un Pape. Le Saint-Esprit n’y est certainement pour rien. Hâtons-nous de dire que la candidature de Mastaï fut proposée par le cardinal-prince Alfieri et que, dès le premier tour de scrutin, elle rallia plus de voix qu’aucune autre; au second tour il fut élu à la majorité de 36 voix contre 18. Lui-même, en qualité de scrutateur, avait dépouillé le vote et lu un à un les bulletins qui l’appelaient au suprême pontificat. Qu’on juge de son émotion!

Le cardinal Macchi, sous-doyen du Sacré-Collége, s’approcha respectueusement alors de l’élu et lui demanda s’il acceptait la tiare: «Je me soumets avec amour à la volonté de Dieu, répondit Mastaï, et je prends le nom de Pie IX.» La colombe ne s’était pas trompée.

Le préfet des cérémonies, monseigneur de Ligne, remplissant les fonctions de notaire du Siège apostolique, passa l’acte authentique de l’élection et de l’acceptation. Les cardinaux Riario-Sforza et Bernetti accompagnèrent le nouveau Pape dans la sacristie où il revêtit les habits pontificaux; ils le conduisirent ensuite à la chapelle du Quirinal où il reçut la première obédience des cardinaux et passa à son doigt l’anneau du Pêcheur.

Le lendemain Rome était dans l’allégresse, les cloches sonnaient à toute volée, les pacifiques canons du fort Saint-Ange tonnaient de leur mieux, et du haut du Quirinal le cardinal Riario-Sforza annonça au peuple l’élection du Pape dans la formule habituelle: «Annuntio robis gaudium magnum: Papam habemus Emmentissimum ac Reverendissimum Dominum Joannem-Mariam-MASTAÏ-FERBETTI, presbyterum cardinalem qui sibi nomen imposuit Pius Nonus.

Le peuple était loin de s’attendre à cette élection; il n’avait entendu parler que de la candidature du cardinal Lambruschini dont les tendances réactionnaires ou, pour mieux dire, autrichiennes, étaient bien connues, et de celle du cardinal Gizzi qui avait manifesté à une certaine époque des velléités libérales. L’élection de l’archevêque d’Imola, exact observateur de la résidence épiscopale et qu’on n’avait plus vu à Rome depuis que ses fonctions l’en avaient éloigné, causa une vive et agréable surprise. Pie IX parut au balcon et bénit le peuple en pleurant. Il fut couronné dans la basilique de Saint-Pierre le 21 juin 1840.

Les premiers actes du nouveau Pape furent significatifs. Il autorisa le professeur Orioli, ministre de l’instruction publique sous le gouvernement révolutionnaire de 1831, à rentrer dans les États pontificaux; il renvoya sa garde suisse; il accorda une amnistie partielle, et enfin il se rendit à pied à l’église des Nonnes-Salisiannes, ce qui n’était point arrivé depuis le pape Ganganelli et ce qui charma le peuple. Décidément, dit-on, le Pape est libéral.

Pie IX ne s’en tint pas là ; il fit établir près de son palais une boîte aux lettres dont il avait seul la clé, afin de connaître les plaintes et les réclamations de ceux qui ne pouvaient l’aborder.

L’ambassadeur du Piémont près la Cour de Rome, le comte Broglia, passait pour un réactionnaire et un ami de l’Autriche; le pape, cédant à l’opinion, demanda et obtint le rappel de l’ambassadeur. Pie IX s’attaque aux vieux abus; un des plus criants consistait à donner à certains prélats dits del fiocchetto (du nœud) le privilége de ne pouvoir être révoqués de leurs fonctions sans être promus au cardinalat: ainsi de hauts dignitaires, tels que le trésorier général, le majordome du palais, le gouverneur de Rome, etc., étaient prélats del fiocchetto, et quels que fussent leurs désordres ils ne pouvaient êtres destitués de leurs fonctions qu’en recevant le chapeau de cardinal en échange. Pie IX remit en vigueur une bulle de Martin IV qui abolissait le monstrueux privilége du fiocchetto. Mais ce ne fut là qu’une de ces bonnes intentions dont l’enfer est, dit-on, pavé, car le gouverneur de Rome, Marini, qui avait été directeur général de la police sous Grégoire XVI et qui avait excité contre lui les haines les plus vives, fut parfaitement promu au cardinalat, en quittant son poste de gouverneur. Toutefois ce ne fut là qu’une ombre au tableau.

Pie IX donnait des audiences publiques; il distribuait, tant sur sa liste civile que sur sa fortune privée, d’abondantes aumônes. Le cardinal Gizzi était aimé du peuple parce qu’étant cardinal et légat de Forli il s’était énergiquement opposé à rétablissement d’une commission militaire pour le jugement des délits politiques. Pie IX choisit ce cardinal pour son premier ministre.

Peu de temps après, le journal officiel annonça la nomination de trois commissions, composées de prélats et de laïcs, chargées d’étudier et de préparer: 1° la réforme de la procédure criminelle et civile; 2° l’amélioration du régime municipal; 3° la répression du vagabondage.

Un édit relatif à l’établissement de chemins de fer fut promulgué et le Pape renvoya du palais le chevalier Gaëtano Moroni, barbier de Grégoire XVI, auquel l’opinion publique reprochait sévèrement ses intrigues et la funeste influence qu’il avait exercée sous le dernier pontificat.

L’enthousiasme des Romains, surexcité par cet ensemble de mesures, s’exalta alors en manifestations bruyantes. Il n’y avait plus à en douter: le Pape était libéral.

Les célébrités du jour : 1860-61

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