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Dans un bourg du comté de Sussex, à Midhurst, vivait, dans les premières années de ce siècle, un pauvre fermier «poor farmer» appelé Cobden, propriétaire de quelques arpents dont le produit suffisait à peine pour entretenir sa femme et ses deux enfants. On montre encore dans le pays le sentier bordé de haies «Cobden’s Unie» qui conduisait à la ferme, bien connue de tout le voisinage par l’excellente bière qu’y fabriquait Cobden le faiseur de bière «malster Cobden.» C’était le surnom qu’on avait donné dans le pays au père du fermier dont nous parlons.

Ce fermier avait deux fils; Richard, le plus jeune, celui dont nous avons à nous occuper, était né en 1804. Il aida son père dans ses travaux jusqu’au jour où se sentant en âge de faire son chemin et de soutenir sa famille, il partit pour Londres, où on lui avait fait obtenir une place de commis dans une maison de commerce. Le travail aride du comptoir occupa les premières années de sa jeunesse. Son zèle et son assiduité le firent remarquer. On lui confia quelques capitaux à l’aide desquels il put, associé avec son frère, fonder à Manchester une manufacture d’impressions sur tissus de coton, que les deux fils de Cobden «Cobden’s soons» possédaient encore il n’y a pas longtemps.

L’association prospéra dès le début, et les produits de la maison Cobden’s soons furent bientôt recherchés et préférés à tous les autres, par les femmes des diverses classes de la société. La mode adopta les «Cobden’s prints» avec un empressement qui fait honneur au tact des jeunes manufacturiers déjà si habiles à aller au-devant des goûts du public. En 1834, Richard Cobden, alors âgé de vingt-huit ans, pour étendre les relations commerciales de sa maison, parcourut la Turquie, l’Égypte, la Grèce, l’Amérique du nord et l’Europe. Il vint à Paris en 1837, où il se fit présenter à plusieurs de nos économistes, qui ne virent en lui qu’un négociant instruit, intelligent, quoiqu’un peu paradoxal, comme l’Angleterre en produit tant.

En France, où sur bien des points les mœurs sont encore plus fortes que les lois, après soixante ans d’égalité civile et politique, nous conservons certains préjugés des anciennes castes. Un négociant, un simple fabricant de toiles peintes ne publierait pas ses opinions sur les relations diplomatiques de son pays avec les puissances étrangères, sans affronter un peu le ridicule; nous parquons volontiers chaque individu dans sa spécialité, et nous n’aimons pas qu’il en sorte. Ce sentiment étroit n’existe pas chez nos voisins, aussi l’Anglais qui voyage porte-t-il sur tous les objets qui l’entourent un coup d’œil libre et investigateur, et croit-il qu’il doit à ses concitoyens le résultat de ses investigations.

C’est cette pensée qui donna lieu de la part de Cobden à la publication de deux brochures intitulées: L’Angleterre, l’Irlande et l’Amérique; l’autre: Russie. Dans la première on voit poindre déjà, l’idée de la future association dont Richard Cobden deviendra l’un des chefs. Partisan convaincu du libre échange, il se plaint que cette doctrine ne soit pas suffisamment répandue et développée, et qu’au lieu de tant de sociétés inutiles qu’on voit surgir tous les jours, il ne se fonde pas une société destinée à vulgariser les saines notions de la science sociale, à changer la politique restrictive des gouvernements étrangers, et à soulager la misère du peuple. Cobden voulait qu’on offrît des prix aux auteurs des meilleurs essais sur. la question des céréales, et qu’on confiât à des professeurs (lecturers), la mission d’instruire les agriculteurs et de provoquer la discussion sur cette matière importante.

Cobden, qui professe pour la paix un amour peut-être exagéré, au lieu de suivre le mouvement qui excitait l’opinion publique contre la Russie, cherchait dans sa seconde brochure, Russia, à rassurer ses compatriotes contre les prétendus dangers du slavisme, et à combattre la russophobie propagée par M. Urquhart, l’infatigable agitateur anti-Russe. En attendant que le parti protectionniste reprochât à Cobden de vouloir livrer pieds et poings liés l’Angleterre à la Russie, le fougueux Urquhart accusa le jeune écrivain d’avoir reçu soixante mille roubles de Nicolas. Pour le venger de cette injure, ses concitoyens le nommèrent membre de la chambre de commerce de Manchester.

C’est dans cette assemblée que va commencer son illustration.

Les célébrités du jour : 1860-61

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