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Un triste mais puissant auxiliaire vint en aide aux réformateurs; la crainte de la disette. Très-peu de blé en Angleterre, point de pommes de terre en Irlande. Entre les souffrances du peuple et les priviléges de l’aristocratie, il fallait prendre un parti décisif. Robert Peel n’hésita pas, et proposa le plan financier qui ruinait les dernières espérances du parti protectionniste.

Dans cette session de 1845, une des plus mémorables sans contredit de l’histoire parlementaire de la Grande-Bretagne, l’aristocratie vaincue n’eut plus recours aux arguments: il ne lui restait plus qu’une arme, le sarcasme, et M. Disraéli s’en servit non point contre Cobden mais contre l’homme d’État dont le crime était de n’être pas assez aveugle pour aller jusqu’au bout du fossé, et pour préférer une retraite honorable à une culbute dans la révolution. Ces sarcasmes n’accusaient que mieux l’impuissance du parti conservateur, car s’il est toujours bon d’avoir de l’esprit, il est des cas où il faut aussi avoir autre chose. Robert Peel supporta fièrement ces railleries; il dut cependant lui en coûter de rompre avec les idées et les hommes de sa jeunesse, pour défendre des idées nouvelles, et pour s’allier à des hommes nouveaux; aussi ce ne fut pas sans un certain frémissement dans la Chambre et sans une émotion visible dans sa voix, qu’on l’entendit accoler ces mots: «Mon honorable ami» au nom de Cobden qu’il s’était contenté jusqu’alors d’appeler d’un ton froid: «l’honorable député de Stockport» ; l’alliance était donc cimentée entre la ligue et le ministère; il restait au parti tory une revanche à prendre de sa défaite: il la prit en renversant Robert Peel, quoiqu’il sût parfaitement d’avance qu’il ne parviendrait pas à le remplacer. Lord John Russell tenta de former un cabinet, et il s’aperçut bientôt qu’il ferait sagement de renoncer à cette tâche. Robert Peel reprit donc sa démission, et dans la séance du 22 janvier il développa le fameux plan de réforme qui donnait raison à toutes les idées, et satisfaction à tous les vœux de Cobden et de ses amis.

Ce jour-là, nous devons le dire, ce ne fut pas seulement une réforme qui s’opéra en Angleterre, mais une révolution. C’est de ce moment que date l’avènement des classes moyennes au gouvernement, que l’aristocratie a reçu un coup dont elle ne se relèvera pas, et que les mots de wighs et de torys n’ont plus rappelé que des souvenirs historiques. Il s’est formé en Angleterre un parti ancien et nouveau à la fois qui ne fait encore qu’exercer son influence sur les affaires, mais qui ne tardera pas à en avoir la direction; ce parti s’est réjoui de l’indépendance de l’Amérique, et s’est opposé en 1792 à la guerre avec la France; par le renversement des torys il a rompu la coalition qu’ils essayaient de former contre nous. Dans le présent, il a obtenu la réforme électorale, l’émancipation des catholiques, l’abolition des corn laws, dans l’avenir, il obtiendra l’abolition des substitutions et détruira le dernier privilége de l’aristocratie. C’est avec ce parti, de jour en jour plus nombreux et plus puissant, que la démocratie française est appelée à contracter une alliance intime qui sera le salut et la force de la civilisation, non-seulement en Europe, mais dans l’univers entier. Héritière directe des traditions politiques de l’aristocratie romaine, l’aristocratie britannique n’a fondé sa grandeur que sur l’injustice et l’oppression. Ecraser pour gouverner, telle était sa devise. Souffrir une puissance égale à la sienne dans le monde, lui semblait déchoir. Cette grandeur factice, la nation a refusé de la payer plus longtemps au prix de son sang, de ses misères, de ses privations. Le peuple anglais a rompu avec son aristocratie, et c’est surtout pour avoir réclamé et fait prononcer ce divorce que le nom de Cobden restera grand dans l’histoire.

Au moment de quitter le pouvoir, et cette fois pour ne plus le reprendre, Robert Peel déclara solennellement devant la chambre des Communes qu’à Cobden revenait la plus grande part d’honneur dans le grand combat qu’on venait de livrer au monopole. C’est un éloge auquel Cobden se montra sensible, et qu’il méritait. Cobden. depuis huit ans, était sur la brèche; il était temps pour lui de se reposer un peu sur ses lauriers. Dans un dernier meeting les résolutions suivantes furent proposées et adoptées:

1° Un acte du parlement ayant aboli la loi des céréales, à partir de Février 1839, les opérations de l’anti-corn law-league sont suspendues. Le conseil exécutif de Manchester est prié de clore les affaires de cette ligue.

2° Après le premier versement, les souscripteurs du fonds de 250,000 livres (six millions) seront dégagés de toute obligation ultérieure.

3° Dans le cas où le parti protectionniste demanderait le rappel de cette loi, les membres du conseil exécutif sont chargés de convoquer cette ligue.

Une telle demande n’était guère à craindre, et Cobden put avec vérité s’écrier au milieu de l’enthousiasme général: «Je crois que notre cause ne court plus aucun danger, et qu’il serait désarmais plus facile d’abolir la grande charte, de supprimer l’institution du jury, de déchirer le bill de réforme, que d’inscrire de nouveau les droits prohibitifs sur les codes de la nation.»

Les célébrités du jour : 1860-61

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