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IV

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Maîtresse du sol, du gouvernement, de l’armée, l’aristocratie ne répond d’abord aux attaques de Cobden que par le sarcasme et le dédain; mais peu à peu l’agitation grandit, le fonds de souscription de la ligue s’élève à 200,000 francs en 1841, à 600,000 francs en 1842, et à 1 million l’année suivante; en 1844 elle atteint le chiffre de 2 millions. En une seule journée la liste ouverte à Manchester dépasse un total de 400,000 francs. L’aristocratie se décide à entrer sérieusement en lice. Aux misères et aux souffrances du pauvre qu’elle daigne reconnaître, elle ne trouve, comme toujours, qu’un unique remède, l’aumône: «Tu meurs de faim chez toi, dit-elle à l’ouvrier, eh bien, émigre; voici l’argent nécessaire, va-t-en! Ton enfant succombe à la fatigue, je limiterai les heures de son travail.» L’exil et un règlement administratif, voilà tous les soulagements que l’aristocratie offre au peuple. Nous ne parlons pas des bains, des chauffoirs publics, des lieux de recréation, des écoles. L’aristocratie est riche, elle peut-dépenser de l’argent en établissements de ce genre, mais il ne s’agit plus de vains palliatifs; la philanthropie a fait son temps; ce qu’on demande c’est la justice. Soulager la misère du peuple ne suffit pas, il faut en supprimer la cause qui est tout entière dans le monopole, et dans la mauvaise répartition de la fortune publique.

A partir de 1841 la lutte des partis cesse d’être politique, pour devenir entièrement économique; Robert Peel remplace lord Melbourne. Pendant que le nouveau chef du cabinet prépare l’étonnante évolution qui, du chef du parti protectionniste doit faire l’agent le plus direct et le plus efficace de la Réforme commerciale, la ligue acquiert de nouvelles forces, ses doctrines font de nouveaux progrès, et Cobden peut s’écrier en s’adressant à la phalange serrée des protectionnistes de la Chambre: «Vous êtes forts, vous avez les élections, dites-vous, mais combien de temps resterez-vous au pouvoir quand ce piédestal qui vous supporte aura été renversé ?»

En 1840 Cobden avait reçu le mandat électoral de la ville de Stockport; dans la Chambre on comptait quelques libres-échangistes, mais ils n’y formaient point un parti: Cobden résolut de tourner tous les efforts de la ligue de ce côté, et d’intervenir d’une façon puissante dans les élections. Il fallait s’y préparer par un immense travail d’épuration des listes électorales, entraînant après lui une suite interminable de procès. Ces préliminaires terminés, il s’agissait de trouver un point favorable pour faire brèche à la majorité électorale. En examinant avec soin la situation, Cobden découvrit un endroit faible par où il espéra pénétrer dans la place. Il y a deux sortes de députés en Angleterre: ceux des bourgs et ceux des comtés. Une propriété produisant quarante shillings, soit cinquante francs de rente, confère les droits d’électeur de comté en vertu d’une des clauses les plus anciennes de la loi électorale anglaise, car elle date, dit-on, de six cents ans, et connue sous le nom de Clause Chandos. Décider les ouvriers à consacrer leurs économies à l’acquisition de ces propriétés, dont le prix ne dépassait pas mille francs, c’était créer autant d’électeurs au profit du libre-échange. Les élections devaient avoir lieu dans quelques mois; il n’y avait pas un instant à perdre pour populariser cette idée, et en faire comprendre les avantages. On vit alors Cobden passer d’un comté à un autre, prêcher de ville en ville l’achat des free-holder, infatigable au travail, inépuisable en arguments, variant sa thèse selon les personnes et les lieux, agitant si bien, qu’au bout de trois mois, dans trois comtés seulement, plus de cinq mille votes nouveaux étaient acquis aux candidats du libre-échange.

Les élections arrivent, le parti protectionniste est vaincu à Londres dans la personne de Baring que la Cité abandonne pour Patisson.

La souscription annuelle de la ligne s’élève à six millions et demi.

L’exposition de Covent-Garden produit plus de six cent mille francs.

Le Times n’hésite plus, et jette les corn laws à l’eau, tombe sur la protection, sur les protectionnistes, sur le landlordisme, et crie à tue-tête: vive Cobden!

Une défection bien plus importante ne devait pas tarder à porter le dernier coup à l’aristocratie territoriale.

C’est vers cette époque que Cobden et Brigth soutinrent contre O’Brien et Regus O’Connor, les deux chefs du parti chartiste, une grande discussion en présence de plus de dix mille individus, financiers, négociants, manufacturiers et ouvriers. Les débats terminés, le meeting eut à se prononcer sur deux propositions: la première de Cobden ainsi conçue: «Le système protecteur est injuste et doit être abrogé sans délai;» la seconde d’O’Connor:» Toute réforme commerciale doit-être abrogée jusqu’à ce que la charte du peuple ait remplacé la vieille constitution.» La proposition de Cobden fut adoptée. Quelque temps auparavant Cobden avait reçu des travailleurs de Leicester une adresse de félicitation; fort de l’appui et de de la sympathie de plus en plus marqués des classes ouvrières, Cobden reprit avec plus d’ardeur et de courage sa lutte contre les classes privilégiées.» J’ai combattu les landlords, s’écriait-il fièrement à Londres dans un meeting, jusque dans leurs places fortes, dans les comtés de Norfolk, de Hertford, de Sommerset; la semaine prochaine j’irai dans le Buckinghamshire; la semaine d’après à Dorchester, et le samedi suivant dans le Lincoln. Je dis publiquement aux landlords où je vais, et ils n’osent pas venir m’y regarder en face.»

Les célébrités du jour : 1860-61

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