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XI

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C’est ainsi, c’est à force de loyauté, on peut le dire, que Victor-Emmanuel a conquis les sympathies ardentes de l’Italie entière, qu’il l’a personnifiée en lui.

La forte et originale physionomie dont nous venons d’esquisser quelques traits, a des caractères particuliers qui la distinguent profondément. C’est sur ces caractères que nous voudrions plus vivement insister, car en peignant l’homme, ils permettent d’entrevoir les destinées du pays sur lequel il exercera dans l’avenir une influence plus directe et plus considérable encore que celle qu’il a exercée jusqu’ici sur le Piémont.

Victor-Emmanuel n’est pas seulement la plus haute représentation de l’Italie moderne, il en est le résumé vivant. Son individualité n’est autre chose que l’individualité italienne; ses aspirations, ses qualités, et jusqu’à ses défauts, tout en lui traduit les aspirations, les qualités et les défauts de sa bien-aimée patrie. Jamais homme n’incarna un peuple en lui plus complètement et plus parfaitement.

Comme l’Italie, Victor-Emmanuel aspire à la plus complète indépendance, et à la plus grande puissance possible;comme elle, il ne se rend pas exactement compte des moyens par lesquels cette indépendance sera réalisée, cette puissance sera conquise, mais il a confiance en Dieu d’abord et en son épée; comme son peuple il est superstitieux, il attend son astre, et cet astre a exercé déjà sur ses destinées et sur celles de sa patrie une si heureuse influence qu’il a quelque raison d’avoir foi ep lui. Cet astre, c’est celui qui a affranchi la France de l’ancien régime et de toutes les servitudes qui pesaient sur elle; c’est celui qui a affranchi l’Amérique, la Belgique, la Grèce, les duchés de Parme, de Modène et de Toscane, les Romagnes, les Deux-Siciles, C’est donc une superstition très-excusable que celle-là !

Il n’est pas jusqu’aux vieilles traditions féodales dont le souvenir vit encore dans les cités italiennes, qui ne se retrouvent dans le caractère de Victor-Emmanuel. Son cœur est le cœur de l’Italie et c’est ce qui explique l’empressement enthousiaste avec lequel son nom est acclamé au Midi comme au Nord, à Naples comme à Palerme. Cette complète analogie entre le peuple et le souverain est sans contredit le plus précieux et le plus puissant élément de l’unité vers laquelle le souverain et le peuple tendent d’un commun accord.

A l’heure où nous écrivons ces lignes, des événements considérables, destinés à exercer sur la Maison de Savoie une influence décisive, s’accomplissent de l’autre côté des Alpes. L’armée piémontaise, à la suite d’une très belle et très éloquente proclamation de son souverain, a franchi la frontière des États Pontificaux pour délivrer les malheureuses provinces des Marches et de l’Ombrie de l’oppression que faisaient peser sur elles les bandes étrangères enrôlées sous les ordres du général Lamoricière. Après un engagement où, de part et d’autre, on s’est vaillamment conduit, M. de Lamoricière a abandonné le champ de bataille et a pu, à la tête de quelques cavaliers seulement, pénétrer dans les murs d’Ancône. La place a résisté quelques jours, puis s’est rendue.

De toutes les parties de l’Italie Méridionale, de Palerme, du fond des Calabres, de Naples, des députations accourent vers le Grand Italien, pour le prier de venir prendre possession des Deux-Siciles. Victor-Emmanuel peut-il ne pas céder? Le jour où, pour sauver quelques provinces de l’oppression qui pesait sur elle, le Roi s’est décidé à franchir la frontière des États Pontificaux, n’a-t-il pas pris vis-à-vis de ses compatriotes sans exception l’engagement de venir a leur secours, de les délivrer, dans la mesure de ses forces? Que peut faire la diplomatie contre le vœu si nettement formulé des populations, elle qui a respecté le vœu populaire dans l’annexion des duchés et des Romaines au Piémont, et dans celle de la Savoie et du comté de Nice à la France?

Victor-Emmanuel est dans la vérité de sa mission; il fait ce qu’il doit faire. En vain dira-t-on qu’il envahit les États du roi de Naples. Nous ne connaissons pas d’États appartenant au roi de Naples. Il existe des populations Italiennes qui se distinguent entre elles par des noms de localités, qui se disent Napolitaines, Calabraises, Siciliennes, mais leur caractère, leur type distinctif, c’est d’être Italiennes. Or, si ces populations repoussent la domination de la dynastie Bourbonnienne et acclament la souveraineté de Victor-Emmanuel, quelle force, et nous dirons plus, quel droit peut s’opposer à l’accomplissement de leur vœu?

Victor-Emmanuel est à Naples à l’heure où nous écrivons ces lignes.

Et maintenant, que va-t-il advenir? La France protège à Rome la personne du Pape. Tant qu’une baïonnette française sera à Rome, nul n’y pénétrera, sans doute; mais une telle situation ne peut se prolonger, et la question des États-Romains une fois résolue, restera la question non moins grave et non moins embarrassante de la Vénétie. Il est bien évident que Victor-Emmanuel ne peut laisser cette noble et héroïque population de Venise courbée sous le joug autrichien. Quo ce soit par la guerre, que ce soit par une transaction, Venise doit appartenir en fait comme elle appartient en droit à la famille Italienne, à la nation qui travaille si courageusement à l’œuvre de son indépendance et de son unité.

Il suffit d’envisager les éventualités très prochaines d’un conflit entre l’Italie et l’Autriche pour comprendre la grandeur du rôle réservé à Victor-Emmanuel. Jamais, ce nous semble, une responsabilité plus lourde n’a pesé sur la tète d’un homme; de même qu’il résume dans son individualité l’individualité de la patrie, il porte en lui ses destinées.

Quoiqu’il en soit, une crise prochaine est inévitable. Qu’adviendra-t-il? Pour nous, la réponse n’est pas douteuse. Les hommes qui servent l’idée de l’indépendance et de l’unité italiennes peuvent commettre, puisqu’ils sont hommes, des fautes qui ajournent le triomphe de celle idée. Mais le triomphe est inévitable. Le drapeau Italien flottera sur le Quirinal et Victor-Emmanuel sera proclamé, à Rome, Roi d’Italie. Quand? Si les sages combinaisons du Roi et celles de l’homme d’État éminent qui le seconde ne sont point contrariées par des incidents que l’on peut prévoir et par des passions inopportunément surexcitées, ce sera bientôt. Mais que ce soit tôt, que ce soit tard, cela doit être, cela sera.

L. J.


Les célébrités du jour : 1860-61

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