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II

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Nous sommes à la fin de 1838, on voit déjà s’amonceler à l’horizon les nuages de cette crise industrielle qui doit durer pendant trois années consécutives, et soumettre l’Angleterre à la plus terrible épreuve qu’un gouvernement et un peuple puissent traverser. Nous n’essayerons pas de tracer le tableau de la misère publique, et des excès auxquels elle donna lieu: incendies, épidémies, meurtres, malheureux mourant de faim sur les trottoirs des villes et dans les fossés des grands chemins, tous ces détails soulèvent le cœur d’horreur et en même temps d’indignation contre cette législation inique de prohibition imposée à l’Angleterre dans cette année 1815, qui vit partout les droits les plus sacrés des peuples foulés aux pieds et immolés aux priviléges de l’aristocratie. Après avoir soutenu contre la France tant de guerres où ses intérêts seuls étaient en jeu, l’aristocratie anglaise trouva bon de se faire indemniser de ses pertes par le peuple lui-même, et de prélever par an un milliard de francs sur les pauvres.

La taxe sur les céréales, véritable loi de famine, ainsi que la nomme un économiste distingué, aggravait encore la crise industrielle en maintenant la cherté du pain. C’était cette taxe qu’il fallait d’abord briser: Manchester, Birmingham, Wolverhampton, Coventry, Leicester, Nottingham, Derby organisent des meetings; la chambre de commerce de Manchester se réunit pour délibérer sur une pétition au Parlement, que Cobden est chargé de rédiger, et dans laquelle il demande l’abolition immédiate et entière de la loi sur les grains (corn laws). Ouvrir une souscription, fonder un journal, nommer des délégués, tout cela ne fut pas long dans un pays où l’on aime à passer vite de l’idée au fait, et de la théorie à la pratique.: «Formons, s’écria Cobden, formons une ligue destinée à renverser les iniquités de notre aristocratie féodale, et que les châteaux écroulés du Rhin et de l’Elbe soient pour nos adversaires une révélation du sort qui les attend s’ils persistent dans leur lutte contre le peuple.»

L’assemblée éclate en applaudissements, et la fameuse ligue est formée.

Si l’on peut rapporter à Cobden l’honneur de l’avoir fondée, il est juste de dire qu’avant lui des coups terribles avaient été portés à la législation sur les céréales, notamment par le lieutenant-colonel Thompson, auquel Cobden a rendu maintes fois justice dans les meetings, et dont les ouvrages furent comme un arsenal où les ligueurs puisèrent leurs plus solides arguments. Au sein d’une nation comme l’Angleterre, où toutes les classes sont si éclairées sur leurs intérêts politiques, une loi semblable à celle des céréales n’avait pu être établie ni durer sans exciter la plus vive opposition. Il fallut, pendant qu’on la votait, entourer d’un cercle de baïonnettes la chambre des Communes, que le peuple voulait envahir; les députés eurent beaucoup de peines à se dégager des mains de la foule, et l’on vit le moment où le feu allait être mis au palais Saint-James. Cinq ans plus tard, à Manchester, près de cent mille citoyens, musique en tête, des fleurs à leur chapeau, des branches vertes à la main, se rendaient processionnellement au pacifique meeting où le fougeux et éloquent Hunt les avait convoqués pour signer une pétition demandant à la fois la réforme électorale et le rappel des corn laws. Au moment où la foule prête l’oreille la plus attentive à son orateur favori, des cavaliers, furieux de vin et de colère, se jettent sur les auditeurs, foulent aux pieds les femmes et les enfants, et dispersent l’immense meeting à coups de sabre. Les auteurs de cette lâche et sauvage agression étaient les brillants cavaliers de la leomanry, les gentilshommes de la contrée.

Vingt ans plus tard, sur ce sol ensanglanté, s’élevait le palais des ligueurs, Free trade Hall, dont la construction, qui revenait à près d’un million, avait été payée au moyen d’une souscription nationale.

Les célébrités du jour : 1860-61

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