Читать книгу Les chasseurs de girafes - Thomas Mayne Reid - Страница 11
ОглавлениеDÉLIVRÉ
Le soleil se coucha, la lune monta au-dessus des sommets des arbres environnants, et le borelé semblait toujours dans les mêmes dispositions vindicatives.
Au bout de plusieurs heures, le jeune chasseur espéra que son ennemi quitterait le siège pour aller aux provisions. Chaque fois qu’il faisait un mouvement, l’ennemi l’imitait.
Ne pouvant recharger le rifle à balle, il imagina d’aveugler le borelé par une charge de poudre, ou de l’étonner par la détonation, de manière à lui faire prendre la fuite.
Cette combinaison était si simple que, lorsqu’il l’eut trouvée, Arend s’étonna de n’y avoir pas songé auparavant.
Il réussit sans difficulté à empiler une double charge de poudre dans le canon de son arme, et, afin de la garder ainsi jusqu’à ce que l’occasion d’un bon coup se présentât, il introduisit dans la bouche de l’arme un peu de gazon sec.
L’occasion attendue ne tarda pas: visant un des yeux du borelé, la bouche du fusil n’étant pas à plus de deux pieds de la tête de l’animal, Arend pressa la détente.
Le rhinocéros s’élança vers lui avec un cri de rage et de douleur en faisant des efforts pour atteindre le baobab.
«Encore un coup à l’autre œil, pensa Arend, et je serai libre.»
Il procéda immédiatement à verser une seconde dose de poudre dans le fusil, mais, tandis qu’il était ainsi occupé, un autre danger vint le menacer.
Le gazon sec chassé par le fusil s’était enflammé et avait mis le feu aux feuilles sèches qui jonchaient partout la terre.
En un instant la flamme s’éleva de tous côtés.
Le tronc du baobab ne pouvait plus protéger Arend. Une minute encore et il allait être enveloppé par le feu. Il n’y avait qu’une ressource, se confier à ses jambes pour sauver sa vie.
Sortant de dessous l’arbre, il se leva vivement et se mit à courir de toutes ses forces. Mais la fortune semblait décidément contre lui. A peine avait-il fait vingt pas, que le rhinocéros, guidé par un de ses yeux ou par l’ouïe, bondit derrière lui d’une allure si rapide, que si sa poursuite eût longtemps continué il l’eut certainement atteint.
Le jeune chasseur commençait à désespérer. Encore quelques secondes et il devait être empalé sur la terrible corne. Sans cet instinctif amour de la vie qui nous guide tous, il aurait abandonné la lutte; il était cependant sur le point de tomber de fatigue, quand ses oreilles furent agréablement frappées de sons connus: «Regardez là-bas, disait-on, baas Willem, il y a quelqu’un là-bas!»
Deux secondes après Arend était en sûreté. Le limier Spoor’em dansait autour de la tête du borelé, et, par ses furieux aboiements, détournait son attention.
Groot Willem et Hendrick eux-mêmes arrivaient, et le monstre, frappé d’un double coup de fusil, tombait mort.
Willem et Hendrick sautèrent à bas de leurs chevaux et secouèrent les mains d’Arend avec autant de cordialité que s’ils se rencontraient après des années d’absence.
«Qu’est-ce que cela signifie, Arend? demanda gaiement Hendrick. Cet animal vous a-t-il donc poursuivi depuis douze heures?
— Oui.
— Et combien de temps encore pensez-vous que la chasse aurait pu continuer?
— Environ deux secondes, répliqua Arend d’un ton très-positif.
— Très-bien, dit Hendrick, si heureux de la délivrance de son ami, qu’il éprouvait le besoin de faire de l’esprit. Alors, nous savons combien de temps vous pourrez tenir tête à la course contre un rhinocéros. Vous êtes bon pour douze heures et deux secondes!»
Les regards rayonnants de Groot Willem témoignaient de sa satisfaction. Il ne prononça pas une parole jusqu’à ce qu’ils fussent retournés à la place où le lion avait été tué.
Là ils firent halte, dans le but de recouvrer la selle et la bride du cheval.
Groot Willem proposa de rester en cet endroit jusqu’au lendemain matin; sa raison était qu’en retournant à travers la voie étroite qui menait à la plaine découverte, ils seraient en danger de rencontrer des buffles, des rhinocéros, des éléphants, et d’être attaqués sans pouvoir se défendre dans l’obscurité.
«C’est vrai, répliqua Arend, il serait peut-être mieux de rester ici jusqu’à l’aube, sans deux raisons: la première est que je meurs de faim et que je serais bien aise de manger un rôti de la cuisse de cette antilope que j’ai tuée ce matin.
— Et moi aussi, dit Hendrick, mais les chacals nous ont épargné la peine de manger notre gibier. »
On mit alors Arend au fait des événements arrivés en son absence, et il fut grandement amusé au récit des infortunes de Swartboy et de Congo que lui fit Hendrick.
«Voilà un assez beau début dans la carrière des aventures, dit-il, après avoir raconté ce qui lui était arrivé à lui-même. Mais jusqu’à présent, notre expédition ne nous a guère été profitable.
— Il nous faudra encore descendre la rivière, dit Willem, nous n’avons vu jusqu’ici aucune apparence d’hippopotames ou de girafes.
— Mais quelle est votre seconde raison pour rentrer au camp? demanda Hendrick en s’adressant à Arend.
— Comment! supposez-vous donc que notre ami Hans n’aurait aucune inquiétude à notre sujet? demanda ce dernier.
— Oh! c’est pour cela? Hans est bien distrait. S’il a trouvé des herbes rares, il ne pense guère à nous.
— Vous calomniez la science et le savant. Certainement Hans est à cette heure dans la plus vive anxiété.»
Tous s’accordèrent à dire qu’il valait mieux retourner au camp, et, après avoir transporté la selle et la bride du cheval mort sur les épaules de Congo, ils continuèrent leur marche. Ils arrivèrent au camp très-tard et y trouvèrent Hans fort tourmenté, comme l’avait supposé Arend. Il faut dire que la chasse aux herbes n’avait pas été bonne non plus.