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CHAPITRE XIII

Table des matières

LE FIDÈLE SMOKE

Les chiens ne semblaient point encore se douter qu’ils fussent poursuivis; ayant vu les buffles s’enfuir, ils ne songeaient qu’à leur donner la chasse, et se précipitèrent sur leurs traces, ne prêtant aucune attention à leur maître qui les rappelait.

Le chasseur fut bientôt autrement occupé.

L’animal cause de la panique générale était un [énorme léopard femelle; et le chasseur comprit tout de suite dans quelles circonstances elle se trouvait. Elle avait sans doute laissé son petit dans sa tanière de la forêt, et s’était mise en route pour la rivière, à la recherche d’eau ou de nourriture. Or, les chiens couraient dans la direction même de sa tanière.

A la vue de Groot Willem, le léopard abandonna la poursuite des chiens, et, s’accroupissant sur la terre, se mit à ramper vers lui avec une incroyable rapidité.

En avançant ainsi, tout le corps du terrible animal était couvert par la tête, et ses yeux, en étant la plus haute partie, se présentaient à la mire du chasseur.

Le léopard n’était plus maintenant qu’à dix yards, et s’approchait toujours. Ce n’était pas l’heure de se croiser les bras. Willem épaula son rifle, et d’une main ferme, d’un œil sûr, stimulé par le danger, il visa le museau de son ennemi et fit feu.

Le léopard tourna sur lui-même deux ou trois fois, comme s’il avait perdu toute conscience de ce qui se passait. Mais ceci ne dura que quelques secondes. Willem, après avoir tiré, courut à environ quinze pas de là et s’occupa de recharger son fusil.

Pendant ce temps, il tenait ses yeux fixés sur l’animal, qui arrivait directement sur lui, non plus avec la prudence qu’il avait précédemment témoignée, mais d’une allure indiquant que l’instinct de la vengeance l’animait tout entier.

Willem n’avait pas encore rechargé son rifle. Il n’y avait pas une minute à perdre.

Saisissant son arme par le canon, il se prépara à se défendre corps à corps s’il le fallait contre son redoutable agresseur.

La bête enragée allait s’élancer sur Willem, quand un secours lui vint d’une manière inespérée.

Un des chiens, un énorme bouledogue, n’avait pas suivi les autres sous le taillis. Il s’appelait «Smoke».

Au moment où le léopard s’accroupissait par terre afin de recueillir ses forces pour son dernier élan, Smoke le saisit par une des jambes de derrière.

Grâce à cette diversion, Willem put recharger son rifle avec la promptitude du soldat le plus exercé, mais quand il eut fini, le pauvre Smoke était étendu sur le gazon.

Déjà la bête avait tourné sur elle-même pour renouveler son attaque; une seconde de plus, et c’en était fait de notre ami.

Willem, avec un sang-froid merveilleux, fit un saut en arrière et pressa la détente de son arme. Un nuage de fumée roula devant ses yeux, et, lorsqu’il eut disparu, il vit le léopard couché par terre à côté du chien, et agitant ses membres dans la dernière convulsion de l’agonie.

Après ce beau coup, Willem regarda autour de lui pour savoir ce qu’étaient devenus ses compagnons; il vit que Macara et ses hommes avaient fait halte à une distance d’environ cinq cents yards et avaient été témoins de sa victoire. Le chef, à pied, et indiquant de la main la vache qui se trouvait errante à un mille de là, essaya de faire comprendre à l’habile tireur que sa singulière monture l’avait emporté loin de son ami, malgré sa volonté.

Le danger passé, les autres accoururent. Le grand chasseur leur montra par signes qu’il désirait conserver la peau du léopard.

Quatre hommes se mirent aussitôt à l’œuvre avec leurs courts assegais, et s’y prirent de manière à lui faire comprendre qu’il n’aurait pas longtemps à attendre le trophée de sa victoire.

Willem tourna alors son attention sur le chien blessé qui continuait à gémir et qui le regardait comme s’il eût voulu lui dire: — Pourquoi ne m’avez-vous pas secouru plus tôt?

Smoke avait sacrifié sa vie pour sauver celle de son maître; il était si grièvement blessé que rien ne pouvait le sauver. Willem en fut vivement affecté.

Se tournant vers Macara, il vit que le chef avait rechargé son rifle.

Willem montra la tête du chien, puis le rifle.

Le chef comprit et leva son arme.

Groot Willem s’éloigna les yeux pleins de larmes.

Smoke était mort.

Les chasseurs de girafes

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