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§ 1. Temple d’Éléphanta.

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Table des matières

L’île d’Éléphanta ou de l’Eléphant (Gharipour des Indiens) est une île de l’Inde anglaise, située sur la côte occidentale du Dekan, dans le golfe de Bombay ou mer d’Oman, et à neuf kilomètres Est de la ville de Bombay. Son nom lui vient, dit-on, d’un grand éléphant de pierre qu’on voyait autrefois sur la plage.

Le temple souterrain se trouve dans l’intérieur d’une grotte creusée au haut d’une montagne à double cime, qui s’élève rapidement de la côte.

Il faut, pour arriver au temple, monter un escalier de trois cents ou quatre cents marches, taillé presque à pic dans les flancs de la montagne; cet escalier conduit à une terrasse de peu d’étendue d’où l’on jouit d’une vue magnifique sur la mer. C’est là que se trouve l’entrée principale de la grotte; deux piliers massifs supportent cette entrée et la divisent en trois portes principales, par où l’on pénètre dans une vaste et mystérieuse enceinte, qui mesure trente-neuf mètres soixante-deux centimètres de longueur sur trente-sept mètres quarante centimètres de largeur.

Comme le temple ne reçoit la lumière que de côté, par deux cours qui le flanquent à l’Est et à l’Ouest, il faut quelque temps au visiteur pour que ses yeux s’habituent au demi-jour. Quand l’ombre est à peu près dissipée, on est frappé tout d’abord par l’aspect régulier et symétrique des seize colonnes cannelées qui soutiennent le plafond plat de cette vaste salle et la divisent en trois nefs. Ces colonnes, qui étaient primitivement au nombre de vingt-six, ont cinq mètres environ de haut; elles sont surmontées de chapiteaux hémisphériques.

L’effet général de cette sombre enceinte avec son architecture étrange et cette population de colonnes, est très-beau et très-saisissant, malgré quelques irrégularités de détail.

Toutes les parois, ainsi que les colonnes, sont couvertes de sculptures ayant trait à la vie de Siva, le dieu auquel est consacré ce temple: on y voit, à côté de Siva, Parvati son épouse, Ganessa et Cartik ses deux fils, puis le Kailasa ou la réunion des dieux, le Dhagob, l’ornement du Lotus, etc. Les figures s’enlèvent vigoureusement en ronde bosse de la paroi et frappent l’esprit par leurs dimensions gigantesques et la variété de leurs attitudes.

Dans le fond de la salle, et au centre, se trouve la fameuse idole de la Trinité indienne (Brahma, Siva et Vishnou), groupe colossal taillé dans le roc et entouré d’énormes gardiens sous les formes les plus variées. Il y avait autrefois auprès de cette espèce de trône deux lions que l’on a transportés à l’entrée de l’une des nombreuses autres salles avec lesquelles communique la salle principale; cette pièce en a pris le nom de Cour des Lions.

Les autres salles du temple ne manquent pas non plus d’intérêt: leurs parois sont également couvertes de remarquables sculptures.

Après la surprise et l’admiration, un autre sentiment domine le voyageur dans ce merveilleux temple, c’est le regret de voir se dégrader rapidement de jour en jour ce célèbre monument de l’antiquité indienne. Un correspondant du Times, qui visita les grottes d’Éléphanta en 1864, écrivait à son journal, dans une lettre datée de Seconderabad, pour lui signaler l’irrévérencieuse et dévastatrice curiosité des touristes, et principalement des touristes anglais: «Les sculptures les plus délicates ont sans aucun doute souffert pendant de longues années des violences des Portugais, comme dans notre pays quelques-uns des plus admirables monuments de l’architecture gothique ont été détériorés par le zèle sincère, mais mal entendu, des premiers réformateurs. Malheureusement, ce que le fanatisme portugais avait commencé a été rapidement achevé par des spoliateurs de musées et d’ignorants amateurs. Sur le front de la plus grande des statues, qui se trouve en face du visiteur à son entrée dans le temple, et qu’on regarde comme représentant la trinité indienne (Brahma, le créateur; Vishnou, le sauveur, et Siva, le destructeur), on voit maintenant des noms de visiteurs tracés au crayon, écrits à l’encre ou grossièrement gravés, soit avec le sabre du soldat, soit avec le couteau du matelot. Casser un nez, pourvu qu’on ne le fasse pas méchamment, pour le plaisir de détruire, est chose regardée comme un acte presque honorable de sentiment national. Manger et boire sur des tables grossières dans ce temple désert des divinités du vieux temps ne suffit pas à l’ardeur du vif penchant nouvellement développé dans la jeune Angleterre, dont les représentants, à demi américanisés, ne seraient pas satisfaits de leurs joyeux pique-niques s’ils ne les épiçaient de l’atmosphère des merveilleux monuments. Mais ce n’est pas là tout: il y a à l’œuvre, en ce moment, une compagnie territoriale qui emploie plusieurs milliers de coolies; elle est déjà en activité sur l’île, sous les auspices des entrepreneurs de la maison Nicolas et Cie; il y en a une autre qui propose d’unir par des ponts et un chemin de fer les îles d’Éléphanta et de Bombay, ce qui pourra avoir lieu quand la panique actuelle sera passée. Alors peut-être fera-t-on la proposition de transporter les sculptures du temple au musée Victoria, à Bombay, ou à South Kensington Museum. C’est aux lieux où sont maintenant ces précieux objets, aux lieux où l’art ancien, les sciences antiques et la vieille superstition les ont sculptés, aux lieux où ils se mirent dans les flots bleus, où l’ombre des palmiers les caresse, qu’est leur véritable place. Ce sont les images tangibles des antiques et solennelles rêveries des vieux sages de l’Orient; ils sont à la fois pour nous une énigme et une leçon, abandonnés aujourd’hui comme temples de l’idolâtrie et désertés comme ses autels.»

Cour des Lions, à Éléphanta.


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