Читать книгу Histoire naturelle racontée à la jeunesse - Aglaé de Bouconville - Страница 17
RACE NOIRE OU ÉTHIOPIQUE.
ОглавлениеLa race noire est confinée au midi de l’Atlas; elle renferme tous les peuples des côtes de l’Afrique australe, les Joloffes, les Poules ou Foulis, les peuplades du Sénégal, de Sierra-Leone, de Maniguette, de Loango, d’Andra, du Benin, du Congo, de Majombo, des Mandingues, d’Angola, de Nigritie, du Monomotapa, de Benguéla, de Macoco, du Manoëmugi, de la Cafrerie, de Mozambique, de Zanguebar, de Mélindre et de Tombouctou.
La race noire est trop connue pour qu’il soit bien nécessaire ici de faire le portrait de ces peuples à la peau huileuse et noir d’ébène, qui fait ressortir ses lèvres d’un rouge vif et ses dents d’albâtre.
La classification des populations africaines est du reste fort difficile; on a reconnu les tribus à cheveux lisses et les tribus à cheveux crépus. Dans la division à cheveux lisses on reconnaît le type berbère au teint olivâtre; il occupe les montagnes du nord du Sahara. Ces peuples se disent nobles et libres; probablement ils voient les choses du beau côté, car leur noblesse n’est pas plus prouvée que leur liberté n’est réelle. La plupart des divisions du type berbère indigène ou étranger sont reléguées en Afrique.
Sur les plages orientales de Madagascar, on trouve des colonies du rameau malais. Dans la grande division à cheveux crépus, il faut distinguer: 1° la race hottentote, à couleur de suie, à nez épaté, aux lèvres et pommettes saillantes; ces êtres sont laids et difformes; 2° la race cafre, au teint de plomb, habitant une portion de l’Afrique australe et la pointe sud de Madagascar; 3° la race nègre, à la peau noire et aux cheveux laineux, habitant les contrées depuis les limites des Hottentots et des Cafres jusqu’aux limites des nations à cheveux lisses.
Toutes les races se sont fondues ensemble sur les extrémités de leurs cantonnements géographiques. «Lorsqu’on aura mieux étudié les hommes bruns de l’Afrique, dit M. de Humboldt, les races nègres paraîtront, ainsi que les races caucasiennes, mongoles, américaines et malaises, une grande famille du genre humain...»
Les recherches des savants sur la coloration de la peau ont prouvé que cette coloration du blanc au noir, en passant par toutes les nuances, est l’effet de la matière colorante que nourrit le tissu cellulaire. Ainsi tout le monde sait que les blancs ont des variétés de nuances infinies. Chez les nègres, la substance colorante est plus abondante, et donne lieu, sans doute, à la couleur foncée de la peau. On appelle cette substance le pigmentum. Elle se développe par l’âge, car les enfants en naissant sont d’un blanc jaunâtre, et ne se colorent qu’en grandissant. Du reste, il n’est pas rare de voir des nègres dont la peau est blanche partiellement, parce que la matière colorante ne s’est pas répandue également sur le pigmentum. Ainsi ces nègres, si méprisés à cause de leur peau noire, soi-disant rejetés de Dieu et proscrits par des hommes qui se sont dits ses élus, n’ont d’autre tort que d’avoir sous leur épiderme une matière colorante plus abondante que celle de ceux qui les jugent.
Grâce aux progrès de la raison humaine dans les sociétés modernes, on n’en est plus de nos jours à contester aux nègres une origine commune à celle des autres hommes. La philosophie et la politique ont prononcé de concert l’affranchissement de toute une race éparse dans les colonies des deux Indes. Elles ont ainsi donné raison aux recherches de la science qui établissent l’unité organique de l’espèce humaine, et qui expliquent l’infériorité intellectuelle de certains peuples par l’influence exclusive mais continue du climat, de la manière de vivre, des rapports sociaux, et surtout par l’absence presque générale de civilisation, cette source si féconde de lumières et de perfectibilité.
Ces races noires, aux cheveux crépus, si longtemps victimes et plongées dans l’abjection par ceux qui les exploitaient à leur profit, se sont enfin révoltées contre l’injustice des hommes, et le désespoir des nègres a prouvé qu’ils étaient les frères de ceux qui voulaient les asservir. Mais, s’il est encore de malheureux esclaves, espérons que l’exemple des nègres qui se sont perfectionnés sera suivi par ceux qui sont encore dans l’abrutissement, et que ceux-là trouveront protection et appui chez tous les peuples.
Les voyageurs qui ont exploré récemment l’Afrique centrale ont rencontré des villes et des villages peuplés de nègres laborieux, hospitaliers et parfaitement policés. La puissante nation des Achanties (dans la Nigritie maritime) a pris depuis quelques années un rapide et brillant essor, et les Anglais, vaincus par elle, ont été sur le point d’abandonner tous leurs établissements sur la côte d’Or.
L’intelligence de la race noire éclate assez vivement quelquefois chez les individus qui lui appartiennent pour qu’on ne lui refuse pas de participer à la spiritualité humaine. Toussaint-Louverture, Dessalines, Christophe, nés dans les chaînes, s’élançant d’un bond au premier rang et sans autre guide que les inspirations d’un génie inculte, ne se montrèrent-ils pas à la fois hommes de guerre, politiques habiles et législateurs profonds?...
En faut-il plus pour croire que les nègres sont des hommes? Du reste, la législation française a fait disparaître de nos possessions d’outre-mer l’esclavage, dernier vestige de la barbarie, et bientôt, espérons-le, on pourra s’occuper du perfectionnement moral des noirs. En les élevant au rang d’hommes, on leur fera comprendre leur dignité, on fera descendre dans leur cœur, avec la foi catholique, les sentiments de père et d’époux. Rendre les peuples heureux, c’est les rendre meilleurs.
La division de la race noire a été établie en rameaux, d’après la distribution géographique des nations qui la composent. Ces rameaux sont l’occidental et l’oriental.
RAMEAU OCCIDENTAL.
Le rameau occidental comprend 47,000,000 d’individus. — Il habite la partie de l’Afrique située au sud du grand désert de Sahara; ce sont ses populations qui sont transportées en Amérique.
On partage ce rameau en quatre familles:
La famille fellane, comprenant 9,000,000 d’individus. — Habite la Sénégambie; teint basané, cheveux assez longs. Propres à la civilisation.
La famille cafre, comprenant 15,000,000 d’individus. — Les cheveux sont laineux et le teint noir, mais les formes se rapprochent de la race blanche.
La famille hottentote comprend 8,000,000 d’individus. — Teint jaunâtre, au lieu d’être noir.
Naturel du Congo (rameau occidental).
La famille nègre comprend 15,000,000 d’individus. — Forts, robustes, dociles, indolents; tête étroite, crâne rétréci.
Naturel de Mozambique ( rameau occidental ).
La famille fellane est très nombreuse, et répandue dans la Nigritie occidentale (Sénégambie),
La tribu des Fallatahs occupe en Afrique un vaste quadrilatère de vingt-huit degrés de longueur, sur sept degrés de largeur.
Éthiopien (rameau occidental).
La famille cafre habite le Sud-Est de l’Afrique; ils forment plusieurs peuplades.
La famille hottentote est peu nombreuse; elle habite l’extrémité méridionale de l’Afrique. Ses peuples sont indolents, malpropres et laids.
La famille nègre forme la plus grande partie de la population de l’Afrique; elle s’étend dans le Soudan, la Sénégambie, la Guinée, le Congo et la majeure partie du centre de la péninsule méridionale. Ce sont les nègres qui composent en général les populations noires transportées dans d’autres contrées.
Les nègres sont généralement dociles et indolents; mais ils sont forts et robustes, et deviennent laborieux lorsqu’ils sont forcés de travailler.
La plupart sont encore soumis aux superstitions du fétichisme le plus grossier; d’autres, surtout dans le Nord, ont embrassé l’islamisme. Quelques-uns, dans le Congo, ainsi que ceux d’Amérique, sont censés avoir embrassé le christianisme; mais cette conversion ne consiste souvent qu’en une adoration de la croix comme fétiche, sans rattachera ce glorieux symbole les souvenirs mystérieux et les idées consolantes qui en sont inséparables pour les véritables croyants.
Les mulâtres sont des individus nés d’une négresse et d’un blanc, ou d’une blanche et d’un nègre; ils ne diffèrent des nègres en général que par une coloration noire beaucoup moins foncée.
RAMEAU ORIENTAL.
Le rameau oriental comprend 1,000,000 d’individus. Il habite la partie occidentale de l’Océanie, au sud-est de l’Asie; ils vivent en tribus sauvages qui ont chacune un langage différent.
Ce rameau est partagé en deux familles:
La famille papouenne, comprenant 350,000 individus. Ces peuplades sont en rapports nombreux avec les Malais et les Tabouens; toutefois elles sont féroces et cannibales. Ses peuples sont les Fidjiens, les Néocalédoniens, les Néohébridiens, les Salomoniens et les Papous.
La famille andamène comprend 650,000 individus. Peuplades refoulées dans des montagnes d’accès difficile; elles sont en hostilités continuelles avec les peuples voisins. Ses peuples sont les Andamènes des Adamans, de l’Indo-Chine, de Luzon, de la Nouvelle-Guinée, de la Nouvelle-Hollande et de Van-Diémen.
Les familles du rameau oriental sont peu intéressantes; c’est à peine si l’on trouve, chez les peuples de ces familles, les premiers germes d’industrie. Ils se limitent à la confection de quelques instruments de guerre, et ils sont complétement étrangers à l’agriculculture. C’est à peine s’ils savent aussi se construire des huttes pour y dormir. Laids et faibles, ils sont cuivrés, et portent des cheveux longs et lisses, sans aucun soin. Les Papous se distinguent un peu des Andamènes; dans quelques contrées, ils entretiennent un petit commerce avec les Chinois. Ils ornent leurs pirogues de sculptures qui prouvent qu’il ne sont pas sans intelligence; mais ordinairement ils végètent dans l’état de nature brute où l’être le mieux organisé ne peut pas rester sans danger.
Ils font leurs armes eux-mêmes, qui consistent en lances, casse-tête et roumeraux (espèces de sabres), haches et couteaux. Ces instruments, qui sont pour eux les moyens de vivre, sont ornés de ciselures ou de peintures, grossières sans doute, mais qui n’en sont pas moins la preuve d’une sorte de goût pour les objets d’art. Ces peuples sont voués à des cultes idolâtres; ils croient à des esprits et à des monstres dont ils portent les images. Cela prouve encore qu’ils sont disposés à croire à un être au-dessus d’eux, et, s’ils étaient plus instruits, il leur serait plus facile de croire au vrai Dieu qu’aux Ilusions folles auxquelles ils donnent leur foi. Pour justifier chez ces nègres les dispositions si peu ordinaires aux hommes raisonnables, disons qu’ils vivent dans des contrées, la Mélanaisie par exemple, où les hommes sont forcés de se nourrir de reptiles, d’insectes, de poissons morts: à la Nouvelle-Hollande il en est ainsi. A la baie du Chien-Marin, on est forcé de boire l’eau de la mer pour se désaltérer. N’est-il pas plus naturel de croire que, le hasard ayant fixé tel peuple sur une terre ingrate, il y aura perdu son énergie morale et que sa nature physique s’y sera appauvrie; que les générations successives, toujours affaiblies par la misère et la souffrance, se seront dégradées davantage et tombées dans un état désespérant pour l’espèce humaine?... Pour cela faut-il nier que l’homme ne soit partout intelligent et capable d’instruction? La raison se refuse à adopter cette cruelle pensée. Un seul exemple, chez les peuples les moins privilégiés, suffirait pour justifier le principe de l’unité de l’homme, et les exemples sont en grand nombre.
Naturel de Dorey ( rameau oriental).
Naturel de Jervis ( rameau oriental ).
«Tout concourt à prouver, dit Buffon, que le genre humain n’est pas composé d’espèces essentiellement disparates entre elles, et qu’au contraire il n’y a eu originairement qu’une seule espèce d’hommes, qui, s’étant multipliée et répandue sur toute la surface de la terre, a subi différents changements par l’influence du climat, par la différence de la nourriture, par celle de la manière de vivre.
«Unité, unité absolue de l’espèce humaine, et variété de ses races: telle est, en dernier résultat, la conclusion générale et certaine de tous les faits acquis sur l’histoire naturelle de l’homme,»
Nous ne pouvons mieux terminer ces réflexions sur la dignité et la grandeur de l’homme qu’en reproduisant les paroles de Pascal:
«L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature; mais c’est un roseau pensant. Une vapeur, une goutte d’eau suffit pour le tuer; mais, quand l’univers l’écraserait, l’homme serait encore plus noble que ce qui le tue, parce qu’il sait qu’il meurt, et l’univers n’en sait rien.»