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Il est inutile de revenir, après tant d’autres, sur sa biographie, d’ailleurs sans aventure; il suffira d’en retenir deux faits: la date de. sa naissance, 1796 — et l’impérieuse vocation qui, en dépit de la résistance de parents respectés et obéis, fit d’un commis en draperie un des maîtres de la peinture. Quand, à force de doux entêtement, il obtint la permission de quitter le comptoir pour l’atelier, il avait passé le temps de l’apprentissage; il avait vingt-six ans; on était en 1822.

A cette date, l’école moderne de paysage n’existait pas encore, mais «le genre du paysage», ses lois et ses variétés, avaient été, depuis la fin du siècle précédent, chez les esthéticiens, les amateurs et les artistes, l’objet de discussions et de recherches dont il n’est pas indifférent d’essayer de marquer nettement le «moment» et les tendances, d’ailleurs contradictoires.

Il peut paraître étrange que la «découverte» de la nature, célébrée comme une des grandes conquêtes littéraires et sentimentales du XVIIIe. siècle, ait été si lente à faire sentir ses effets sur la peinture. Jean-Jacques Rousseau, depuis longtemps, avait ouvert les yeux de ses contemporains sur «l’or des genêts et la pourpre des bruyères, la majesté des arbres, l’étonnante variété des herbes et des fleurs» que dans ses promenades solitaires il foulait sous ses pas. Bernardin de Saint-Pierre, après lui, s’étonnant de la pauvreté pittoresque de la langue, avait demandé qu’on inventât des termes et comme des tours nouveaux, pour «l’art nouveau de rendre la nature» ; il avait en quelque sorte frayé la voie aux peintres en analysant curieusement les variétés et combinaisons de formes que peuvent affecter les sommets ou les flancs des montagnes, la gamme infiniment nuancée de subtiles couleurs et de changeants reflets qu’un souffle d’air déplace et fait jouer à la surface des nuages ou des eaux... Les peintres, absorbés par d’autres contemplations, semblaient n’avoir pas compris. L’étude des plâtres antiques, le culte de la ligne sévère, étaient, pour eux, depuis David, la grande affaire et l’unique pédagogie. «Je ne vous dis rien du paysage — écrivait dédaigneusement, l’an III de la République, un esthéticien de la nouvelle école, l’auteur des Lettres critiques et philosophiques sur le Salon; — c’est un genre qu’on ne devrait pas traiter.»

Pourtant, à y regarder de près, on pourrait suivre, dès le dernier tiers du XVIIIe siècle, chez quelques peintres, du second ou du troisième ordre il est vrai, tous plus ou moins élèves de Joseph Vernet, les premiers effets du sentiment nouveau. Pour établir la part exacte de chacun, il faudrait retrouver, grouper et comparer leurs œuvres aujourd’hui éparses, et se donner beaucoup de mal sans pouvoir espérer d’être payé de ses peines. Que valaient ces Vues de la forêt de Fontainebleau ou de Montmorency, ces Intérieurs de ferme, ces Granges ruinées que le soleil éclaire à travers plusieurs solives, ces Effets de soleil couchant, tous ces paysages «agrestes» que l’on voit se multiplier aux Salons de 1789, 1791, 1793, signés des noms de Didier-Boguet, Gillion, Cazin, Bruandet, etc.? Avant eux, quelle place faudrait-il décidément accorder à ce mauvais sujet de Lantara, mort à l’hôpital en 1778, quelques semaines après Jean-Jacques Rousseau? Les Couchers de soleil, les Effets du soir et du matin qu’il allait paresseusement contempler dans la banlieue de Paris et dont il rapportait d’inégales études, témoignent, par la limpidité et l’harmonie de leurs perspectives aériennes, d’une finesse d’œil dont on retrouverait encore, sous la maigreur de la facture, la vertu efficace. Les Vues, un peu trop panoramiques, mais d’impression très juste, d’exécution attentive et souvent spirituelle que Louis Moreau aimait à peindre à Meudon, à Saint-Germain et à Saint-Cloud, les Grandes routes de Louis de Marne avec leur jolie lumière blonde, et ses cours de ferme ou d’auberge, avec leurs bandes d’oies aussi majestueuses que si elles venaient de sauver le Capitole, les Moulins de Montmartre de Georges Michel, qui à force de nettoyer des Ruysdaël, des Cuyp, des Van Goyen (déjà recherchés par quelques collectionneurs originaux) s’était «grisé de demi-teintes, de beaux tons, de lumière et d’harmonie», et, à leur école, avait appris à peindre, — un grand nombre d’études enfin de cette même époque qu’on s’étonne de voir passer dans des ventes obscures ou de découvrir dans les cabinets de quelques vieux amateurs, pourraient témoigner que par un mouvement discret, silencieux mais ininterrompu, la peinture tendait à se rapprocher de la nature et que plus d’une tentative, modeste assurément, mais significative, avait devancé la venue et préparé peut-être le triomphe des grands lyriques du paysage... Quand, en 1826, Boutard, critique de goût très classique, mais de très libre esprit, imaginait dans son Dictionnaire des Beaux-Arts cette définition: «Le paysage a pour objet l’imitation des effets de la lumière dans les espaces de l’air et sur la face de la terre et des eaux», ne donnait-il pas innocemment la «formule» même de la future école du «plein air» et de l’impressionnisme?

Notes sur l'art moderne

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