Читать книгу Oeuvres complètes de André Gide: Romans - Андре Жид - Страница 45

VI

Оглавление

Table des matières

— Messieurs, je vous l’ai dit, je n’ai pas toujours vu mon aigle. Avant lui j’étais inconscient et beau, heureux et nu sans le savoir. Jours charmants! Sur les flancs ruisselants du Caucase,heureuse et nue aussi la lascive Asia m’embrassait. Ensemble nous roulions dans les vallées; nous sentions l’air chanter, l’eau rire, les plus simples fleurs embaumer. Souvent nous nous couchions sous les larges ramures, parmi des fleurs où les essaims murmurants se frôlaient. Asia m’épousait, pleine de rires; puis doucement les bruissements d’essaims, de feuillages où celui des ruisseaux nombreux se fondait, nous invitaient au plus doux des sommeils. Autour de nous tout permettait, tout protégeait notre inhumaine solitude, — soudain, un jour Asia me dit: Tu devrais t’occuper des hommes.

Il me fallut d’abord les chercher.

Je voulus bien m’occuper d’eux; mais c’était en avoir pitié.

Ils étaient très peu éclairés; j’inventai pour eux quelques feux; et dès lors commença mon aigle. C’est depuis ce jour que je m’aperçois que je suis nu.

A ces mots des applaudissements partirent de divers points de la salle. Brusquement Prométhée éclata en sanglots. L’aigle battit des ailes, roucoula. D’un geste atroce Prométhée ouvrit son gilet et tendit son foie douloureux à l'oiseau. Les applaudissements redoublèrent. Puis l’aigle fit en pirouettant trois fois le tour de Prométhée; celui-ci but une gorgée d’eau, se reprit et continua son discours en ces termes:

Oeuvres complètes de André Gide: Romans

Подняться наверх