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I

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Au commencement était Tityre.

Et Tityre étant seul s’ennuyait, complètement entouré de marais. — Or, Mé-nalque vint à passer, qui mit une idée dans le cerveau de Tityre, une graine dans le marais devant lui. Et cette idée était la graine, et cette graine était l'Idée. Et avec l’aide de Dieu la graine germa et devint une petite plante, et Tityre, soir et matin, s’agenouillant devant elle, remerciait Dieu de la lui avoir donùée. Et cette plante grandit, et comme elle était de racines puissantes, elle eut bientôt complètement asséché le sol autour d’elle, de sorte que Tityre eut un sol ferme où poser ses pieds, reposer sa tète et fortifier l’ouvrage de ses mains.

Quand cette plante eut atteint la hauteur de Tityre, Tityre put goûter quelque joie à dormir étendu dans son ombre. Or cet arbuste étant un chêne devait énormément grandir; tellement que bientôt l’ouvrage des mains de Tityre ne suffit plus pour sarcler et biner la terre autour du chêne, pour arroser le chêne, l’émon-der, l’astiquer, l’épiler, l'écheniller, et pour assurer en la bonne saison la récolte de ses fruits à la fois nombreux et divers. Il s’adjoignit donc un sarcleur, un bineur, un arroseur, un émondeur, un astiqueur, un épilcur, un échenilleur et quelques garçons fruitiers. Et comme chacun devait s'en tenir strictement à sa personnalité, il y avait quelque chance pour que la besogne de chacun fût bien faite.

Pour régler les paiements de chacun, Tityre eut besoin d’un comptable, qui partagea bientôt avec un caissier le souci de la fortune de Tityre; celle-ci croissait comme le chêne.

Quelques conflits s’étant élevés entre l’astiqueur et l’épileur au sujet des limites répartitives de leurs pouvoirs, Tityre comprit la nécessité d’un arbitre, qui se flanqua de deux avocats pour et contre; Tityre prit un secrétaire pour consigner leurs jugements, et comme on ne les consignait que pour qu’ils pussent documenter l’avenir, il y eut un garde des arrêts. Du sol cependant les maisons peu à peu s’élevèrent; et il fallut une police des rues, des gardes contre leur licence. Tityre, surchargé d’occupations,commença de tomber malade; il fit venir un médecin qui conseilla de prendre femme — et comme au milieu de tant de gens Tityre ne pouvait suffire, il fut forcé de se choisir un adjoint, ce qui fit qu’on le nomma maire. Dès lors il ne lui resta que trop peu d’heures de loisir où pouvoir pêcher à la ligne, des fenêtres de sa maison qui continuaient d’ouvrir continuellement sur les marais.

Alors Tityre institua des jours de fête pour que son peuple pût s’amuser; mais comme les amusements coûtaient cher et qu’aucun d’eux n’avait beaucoup d’argent, pour pouvoir leur en prêtera tous, Tityre commença par en prélever sur chacun.

Or le chêne, au milieu de la plaine (car malgré la ville, malgré l’effort de tant d’hommes, ce n’avait jamais pu cesser d’être la plaine), ce chêne, dis-je, au milieu de la plaine, n’avait aucune peine à être placé de sorte que l’un de ses côtés était à l’ombre, l’autre au soleil. Sous ce chêne donc, du côté de l’ombre, Tityre rendait la justice; du côté du soleil, il faisait ses besoins naturels.

Et Tityre était heureux, car il sentait sa vie utile aux autres, excessivement occupée.

Oeuvres complètes de André Gide: Romans

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