Читать книгу Toutes les Oeuvres Majeures d'Aristote - Aristote - Страница 44

CHAPITRE V

Оглавление

L’espace est en soi et non dans autre chose. Quand on dit qu’une chose est dans une autre, cette expression peut présenter plusieurs acceptions diverses. Être en soi, être dans une autre chose ; exemple de l’amphore et du vin. - Doute de Zénon sur la nécessité de placer l’espace dans un autre espace. Si on le fait un être réel ; solution de cette objection ; nature véritable de l’espace. - Résumé de ces considérations préliminaires.

Ceci posé, il faut expliquer en combien de sens on peut dire qu’une chose est dans une autre chose. Selon une première acception, c’est comme on dit que le doigt est dans la main, et d’une manière générale que la partie est dans le tout. Une acception inverse, c’est quand on dit que le tout est dans les parties ; car, en dehors des parties, le tout n’existe pas. Dans un troisième sens, on dit que l’homme est dans l’animal ; et, d’une manière générale, que l’espèce est dans le genre. En un autre sens encore, c’est comme le genre dans l’espèce, et, d’une manière générale, le genre de l’espèce dans la définition de l’espèce. Etre dans une chose peut avoir aussi le sens où l’on dit que la santé est dans les influences du chaud et du froid, c’est-à-dire d’une manière générale comme la forme dans la matière. De plus, c’est comme quand on dit que les affaires de la Grèce sont dans les mains du Roi, c’est-à-dire à considérer la chose d’une manière générale, dans le premier moteur. Une autre acception où l’on dit qu’une chose est dans une autre, c’est quand on la considère comme étant dans le bien, et généralement dans la fin, c’est-à-dire le pourquoi, le but où elle tend. Enfin, l’acception la plus propre de toutes, c’est celle où l’on dit que la chose est dans une autre, comme dans un vase, et, d’une manière générale, dans un lieu, dans l’espace.

Maintenant on peut se demander s’il est possible qu’une chose, restant telle qu’elle est, soit elle-même dans elle-même, ou si rien ne peut être de la sorte, et si toutes les choses doivent ou ne point être du tout ou être dans une autre.

Mais quand on dit qu’une chose est dans quelque chose, cette expression a un double sens, et c’est ou en soi ou relativement à un autre.

Ainsi, comme les parties d’un tout sont à la fois et la partie qui est dans le tout et ce qui est dans cette partie, on pourra dire en ce sens que le tout est dans lui-même ; car le tout est aussi dénommé d’après les parties. Par exemple, on dit d’un homme qu’il est blanc, parce que sa surface est blanche ; et l’on dit qu’il est savant, parce que sa partie raisonnable est savante. Mais on ne peut pas dire que l’amphore soit dans elle-même, non plus que le vin ; seulement on peut dire que l’amphore de vin est dans elle-même ; car le vin qui est dans le vase et le vase dans lequel il est sont tous les deux les parties d’un même tout. En ce sens donc, une chose peut être elle-même dans elle-même.

Mais ces expressions ne peuvent jamais signifier que la chose est primitivement dans elle-même ; par exemple, la blancheur est bien dans le corps, puisque la surface qui est blanche est dans le corps ; la science est bien aussi dans l’âme ; et les appellations sont formées d’après ces choses qui sont de simples parties, en ce sens qu’elles sont dans l’homme. Mais l’amphore et le vin, considérés isolément l’un de l’autre, ne sont pas des parties d’un tout ; ce ne sont des parties que quand on les réunit tous les deux. Lors donc qu’il s’agit des parties, on pourra dire que la chose même est dans elle-même. Ainsi, la blancheur est dans l’homme, parce qu’elle est dans le corps ; et elle est dans le corps, parce qu’elle est dans la surface ; car la blancheur n’est plus dans la surface médiatement et par une autre chose ; mais c’est que la blancheur et la surface sont d’espèce différente, et qu’elles ont chacune une nature et une propriété diverses.

En recourant à l’induction, nous voyons que rien n’est dans soi-même suivant aucune des définitions ci-dessus données.

Et la raison aussi suffit à démontrer que c’est impossible ; car il faudra que chacune des deux choses soient à la fois l’une et l’autre ; par exemple, l’amphore devra être à la fois le vase et le vin ; et, à son tour, le vin devra être le vin et l’amphore, du moment qu’on admet qu’une chose peut être elle-même dans elle-même.

Par conséquent, les deux objets auraient beau être le plus complètement possible l’un dans l’autre, l’amphore contiendra toujours le vin, non pas en tant qu’elle est elle-même le vin, mais en tant que le vin est ce qu’il est ; et réciproquement, le vin sera dans l’amphore, non pas en tant qu’il est lui-même l’amphore, mais en tant que l’amphore est ce qu’elle est. Donc il est évident qu’essentiellement le vin et l’amphore sont autres ; car la définition du contenant est différente de la définition du contenu.

Même sous le simple point de vue de l’accident, ce n’est pas plus possible ; car il faudrait en ce cas que deux corps fussent à la fois dans un seul et même corps. Ainsi, d’une part, l’amphore même serait dans elle-même, si une chose dont la nature est d’en recevoir une autre, peut être dans elle-même ; et d’autre part, il y aurait de plus dans l’amphore ce qu’elle peut recevoir, c’est-à-dire du vin, si c’est du vin qu’elle reçoit. Donc évidemment il ne se peut jamais qu’une chose soit primitivement dans elle-même.

Quant au doute de Zénon, qui demandait dans quoi on placera l’espace si l’on fait de l’espace quelque chose de réel, il n’est pas difficile d’y répondre. Rien en effet n’empêche que le lieu primitif, l’espace primitif ne soit dans une autre chose sans y être cependant comme dans un lieu, mais en y étant comme la santé est dans la chaleur, en tant que disposition et habitude, et comme la chaleur est dans le corps en tant qu’affection corporelle. Par conséquent, il n’est pas besoin de remonter à l’infini.

Évidemment, comme le vase n’est rien de ce qui est en lui, puisque le contenant primitif et le contenu sont choses fort distinctes, il s’ensuit que l’espace n’est ni la matière, ni la forme, et qu’il est tout autre chose ; car la matière et la forme sont l’une et l’autre les éléments de ce qui est dans l’espace.

Telles sont donc en résumé les discussions qui ont été soulevées relativement à la nature de l’espace.

Toutes les Oeuvres Majeures d'Aristote

Подняться наверх