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CHAPITRE XVI

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De la nature du temps ; nous ne percevons réellement la durée que par les modifications successives de notre âme ; il n’y a de temps pour nous qu’à la condition du mouvement ; le temps ne se confond pas avec le mouvement ; mais il est un des éléments du mouvement ; antériorité et postériorité dans le mouvement et dans le temps. - Définition du temps ; le temps est une sorte de nombre.

Nous convenons cependant que le temps ne peut exister sans changement ; car nous-mêmes, lorsque nous n’éprouvons aucun changement dans notre pensée, ou que le changement qui s’y passe nous échappe, nous croyons qu’il n’y a point eu de temps d’écoulé. Pas plus qu’il n’y en a pour ces hommes dont on dit fabuleusement qu’ils dorment à Sardos auprès des Héros, et qu’ils n’ont à leur réveil aucun sentiment du temps, parce qu’ils réunissent l’instant qui a précédé à. l’instant qui suit, et n’en font qu’un par la suppression de tous les instants intermédiaires, qu’ils n’ont pas perçus. Ainsi donc, de même qu’il n’y aurait pas de temps, si l’instant n’était pas autre, et qu’il fût un seul et même instant, de même aussi quand on ne s’aperçoit pas qu’il est autre, il semble que tout l’intervalle n’est plus du temps. Mais si nous supprimons ainsi le temps, lorsque nous ne discernons aucun changement et que notre âme semble demeurer dans un instant un et indivisible, et si, au contraire, lorsque nous sentons et discernons le changement, nous affirmons qu’il y a du temps d’écoulé, il est évident que le temps n’existe pour nous qu’à la condition du mouvement et du changement. Ainsi, il est incontestable également, et que le temps n’est pas le mouvement, et que sans le mouvement le temps n’est pas possible.

C’est en partant de ce principe que nous saurons, puisque nous recherchons la nature du temps, ce qu’il est par rapport au mouvement. D’abord nous percevons tout ensemble et le mouvement et le temps ; ainsi l’on a beau être dans les ténèbres et le corps a beau être dans une impassibilité complète, il suffit qu’il y ait quelque mouvement dans notre âme, pour qu’aussitôt nous ayons la perception d’un certain temps écoulé. Réciproquement, dès l’instant qu’il semble qu’il y a du temps, il semble aussi du même coup qu’il y a eu mouvement. Par conséquent, de deux choses l’une : ou le temps est le mouvement, ou il est quelque chose du mouvement. Mais comme il n’est pas le mouvement, il faut nécessairement qu’il en soit quelque chose.

Comme tout corps en mouvement se meut toujours d’un point vers un autre point, et que toute grandeur est continue, le mouvement accompagne la grandeur. Or, c’est parce que la grandeur est continue que le mouvement est continu comme elle, et le temps aussi n’est continu que par le mouvement ; car, selon que le mouvement est grand, autant de son côté le temps semble toujours avoir de grandeur.

Sans doute l’antériorité et la postériorité se rapportent primitivement au lieu ; et, dans le lieu, elles se distinguent par la situation. Mais comme dans la grandeur, il y a également antériorité et postériorité, il faut qu’il y ait aussi l’une et l’autre dans le mouvement, d’une manière analogue à ce qu’elles sont dans la grandeur. Or, dans le temps aussi, il y a antérieur et postérieur, parce que le temps et le mouvement se suivent toujours et sont corrélatifs entr’eux.

Ainsi, l’antériorité et la postériorité du temps sont dans le mouvement, ce qui est bien aussi être du mouvement en quelque sorte ; mais leur manière d’être est différente, et ce n’est pas du mouvement à proprement parler.

C’est qu’en effet nous ne connaissons réellement la durée qu’en déterminant le mouvement et en y distinguant l’antérieur et le postérieur ; et nous n’affirmons qu’il y a eu du temps d’écoulé, que quand nous avons la perception de l’antériorité et de la postériorité dans le mouvement. Or, cette détermination du mouvement n’est possible que si nous reconnaissons que ces deux choses diffèrent l’une de l’autre, et qu’il y a entr’elles un intervalle différent d’elles. Quand nous pensons que les extrêmes sont autres que le milieu, et quand l’âme affirme deux instants, l’un antérieur et l’autre postérieur, alors aussi nous disons que c’est là du temps ; car ce qui est limité par l’instant semble être du temps, et c’est là la définition que nous en proposons. Lors donc que nous sentons l’instant actuel comme une unité, et qu’il ne peut nous apparaître ni comme antérieur ou postérieur dans le mouvement, ni, tout en restant identique, comme appartenant à quelque chose d’antérieur et de postérieur, il nous semble qu’il n’y a point eu de temps d’écoulé, parce qu’il n’y a pas eu non plus de mouvement. Mais, du moment qu’il y a antériorité et postériorité, nous affirmons qu’il y a du temps.

En effet, voici bien ce qu’est le temps : le nombre du mouvement par rapport à l’antérieur et au postérieur.

Ainsi donc, le temps n’est le mouvement qu’en tant que le mouvement est susceptible d’être évalué numériquement. Et la preuve, c’est que c’est par le nombre que nous jugeons du plus et du moins, et que c’est par le temps que nous jugeons que le mouvement est plus grand ou plus petit. Donc, le temps est une sorte de nombre.

Mais comme le mot Nombre peut se prendre en deux sens, puisque tout à la fois on appelle nombre et ce qui est nombre et numérable, et ce par quoi l’on nombre, le temps est ce qui est nombré, et non ce par quoi nous nombrons ; car il y a une différence entre ce qui nous sert à nombrer et ce qui est nombré.

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