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CHAPITRE VII
ОглавлениеSuite de la théorie sur la nature de l’espace ; le haut et le bas absolus ; les corps légers et les corps graves ; le mouvement circulaire ; le ciel ; les choses sont dans l’espace soit en puissance soit en acte, selon qu’elles sont considérées isolément ou dans les parties homogènes qui les composent. - Fin de la théorie de l’espace.
Le centre du ciel et l’extrémité de la révolution circulaire, autant que nous pouvons la voir, passent aux yeux de tout le monde pour être, à proprement parler, l’un le haut et l’autre le bas ; et le motif de cette opinion c’est que le centre du ciel est éternellement en place, et que l’extrémité du cercle reste toujours telle qu’elle est. Par conséquent, comme le léger est ce qui est naturellement porté en haut, tandis que le lourd est ce qui est porté en bas, la limite qui enveloppe les corps vers le centre est le bas, et c’est le centre lui-même la limite qui est à l’extrémité est le haut, et c’est l’extrémité elle-même.
Voilà comment l’espace, le lieu, semble être une sorte de surface et de vase, et comment il semble contenir et envelopper les choses.
En outre, on peut dire en quelque façon que le lieu coexiste à la chose qu’il renferme ; car les limites coexistent au limité.
Ainsi donc, le corps qui a extérieurement un autre corps qui l’enveloppe, ce corps-là est dans un lieu, dans l’espace ; et celui qui n’en a pas n’y est point.
Aussi même en supposant que l’eau formât l’univers tout entier, ses parties seraient bien en mouvement ; car elles s’envelopperaient les unes les autres. Mais quant à l’ensemble universel des choses, en un sens il se meut, et en un autre sens il ne se meut pas. En tant que totalité, il ne peut changer de lieu en masse ; mais il peut avoir un mouvement circulaire, puisque c’est là aussi le lien de ses parties.
Car il y a des parties du ciel qui sont mues, non pas en haut et en bas, mais circulairement ; et il n’y a que celles qui peuvent devenir plus denses ou plus légères qui soient portées en bas ou en haut.
Ainsi que je l’ai déjà dit, certaines choses ne sont dans un lieu, dans l’espace, qu’en puissance ; d’autres, au contraire, y sont en acte. Ainsi, quand un corps formé de parties homogènes reste continu, les parties ne sont dans un lieu qu’en puissance ; mais quand elles sont séparées et qu’elles se touchent chacune, comme les grains d’une masse de blé, alors elles y sont en acte.
Parmi les choses, il y en a qui sont en soi dans l’espace, dans un lieu ; et, par exemple, tout corps qui se meut, soit par translation, soit par simple accroissement, est en soi dans un lieu, tandis que l’univers, comme je viens de le dire, n’est point tout entier quelque part. Il n’est pas dans un lieu précis, puisqu’aucun corps ne l’embrasse ; mais c’est seulement en tant qu’il se meut, qu’on peut dire que ses parties ont un lien ; car chacune de ses parties sont à la suite l’une de l’autre. Au contraire, il est d’autres choses qui sont dans un lieu, non en soi, mais par accident : l’âme, par exemple, et le ciel. Ainsi, les parties si nombreuses du ciel ne sont dans un lieu qu’à certains égards. En effet, dans le cercle, une partie en enveloppe une autre ; et voilà pourquoi le haut du ciel n’a qu’un mouvement circulaire. Mais l’univers, le tout ne peut être en un certain lien ; car, pour qu’un objet soit dans un lieu, il faut d’abord que cet objet soit lui-même quelque chose, et il faut qu’il y ait en outre quelque chose dans quoi il est, quelque chose qui l’enveloppe. Mais en dehors du tout et de l’univers, il ne peut rien y avoir qui soit indépendant de ce tout et de cet ensemble universel.
Aussi toutes les choses sont-elles dans le ciel sans la moindre exception ; car le ciel c’est l’univers, à ce qu’on peut supposer ; et le lieu n’est pas le ciel, mais une certaine extrémité du ciel, la limite immuable confinant et touchant au corps qui est en mouvement.
Ainsi la terre est dans l’eau ; l’eau est dans l’air ; l’air lui-même est dans l’éther ; et l’éther est dans le ciel. Mais le ciel, l’univers, n’est plus dans autre chose.
On doit voir d’après tout ceci qu’en comprenant l’espace comme nous le faisons, on résout toutes les questions qui offraient tant de difficulté. Ainsi, il n’y a plus nécessité, ni que le lieu s’étende avec le corps qu’il contient ; ni que le point ait un lieu ; ni que deux corps soient dans un seul et même lieu ; ni que l’espace soit un intervalle corporel ; car ce qui se trouve dans le lieu, dans l’espace est un corps, quel que soit ce corps ; mais ce n’est pas l’intervalle d’un corps. Le lieu lui-même est bien quelque part ; mais il n’y est pas comme dans un lieu ; il y est uniquement comme la limite est dans le limité ; car tout ce qui est n’est pas nécessairement dans un lieu, et il n’y a que le corps susceptible de mouvement qui y soit.
Chaque élément se porte dans le lieu qui lui est propre ; et cela se comprend bien ; car l’élément qui vient à sa suite et qui le touche, sans subir de violence, lui est homogène. Les choses qui ont une nature identique n’agissent pas l’une sur l’autre ; mais c’est seulement quand elles se touchent, qu’elles agissent les unes sur les autres et se modifient mutuellement.
C’est par des lois aussi naturelles et aussi sages que chaque élément en masse demeure dans le lieu qui lui est propre ; et telle partie est dans l’espace total comme une partie séparable est au tout duquel elle est détachée ; et ainsi, par exemple, quand on met en mouvement et qu’on déplace une partie d’eau ou d’air. Or, c’est là précisément le rapport de l’air à l’eau ; l’eau est, on peut dire, la matière, tandis que l’air est la forme ; l’eau est la matière de l’air ; et l’air est en quelque sorte l’acte de l’eau, puisqu’en puissance l’eau est de l’air, et que l’air lui-même à un autre point de vue est de l’eau en puissance. Mais nous reviendrons plus tard sur ces théories. Ici nous n’en disons absolument, par occasion, que ce qui est indispensable ; et nos explications qui maintenant restent peut-être obscures, deviendront plus claires dans la suite. Si donc la même chose est à la fois matière et acte, l’eau étant air et eau tout à la fois, mais l’un en puissance et l’autre en acte, le rapport serait alors en quelque sorte celui de la partie au tout. Aussi les deux éléments dans ce cas ne sont qu’en contact ; mais leur nature se confond lorsqu’en acte les deux n’en font plus qu’un.
Telle est notre théorie sur l’espace, sur son existence et sur sa nature.