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CHAPITRE XI

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Le vide n’existe pas séparément des choses ; il n’est pas la cause du mouvement ; le vide empêcherait plutôt le mouvement ; exemple de la terre. Deux espèces du mouvement, naturel ou forcé ; le vide n’explique ni l’un ni l’autre ; théorie de la marche des projectiles ; théorie de la chute des corps plus ou moins rapide, selon le poids du corps ou selon la résistance du milieu ; dans le vide le mouvement serait infini ou indéterminé ; le vide ne peut avoir aucun rapport proportionnel avec le plein. - Démonstrations diverses.

Répétons encore qu’il n’y a pas de vide séparément des choses, ainsi qu’on l’a parfois soutenu.

En effet, si pour chacun des corps simples il y a une tendance naturelle qui les porte, par exemple, le feu en haut, et la terre en bas et vers le centre, il est clair que le vide ne peut pas être cause de cette tendance. De quoi le vide sera-t-il donc cause ? puisqu’on paraissait croire qu’il est la cause du mouvement dans l’espace, et que, en réalité cependant, il ne l’est pas.

De plus, si le vide, quand on en admet l’existence, est quelque chose comme l’espace privé de corps, on peut demander dans quelle direction sera porté le corps qu’on y suppose placé ? Certainement ce corps ne peut être emporté dans toutes les parties du vide. C’est la même objection que contre ceux qui supposent que l’espace où se meut l’objet qui se déplace, est quelque chose de séparé. Comment, en effet, le corps qu’on suppose dans le vide y serait-il mu ? Comment y restera-t-il en place. Le même raisonnement, qu’on appliquait au bas et au haut, pour l’espace, s’applique également au vide : et c’est avec toute raison, puisque ceux qui soutiennent l’existence du vide en font de l’espace.

Mais alors comment la chose pourra-t-elle être soit dans l’espace soit dans le vide ? Il est impossible qu’elle soit dans l’un ou l’autre, quand on suppose que cette chose tout entière est placée dans l’espace qui forme un corps séparé et permanent ; car la partie, à moins qu’elle ne soit isolée, sera non pas dans l’espace, triais dans le tout dont elle fait partie.

Ajoutez que, si en ce sens il n’y a pas d’espace, il ne peut pas y avoir davantage de vide.

C’est d’ailleurs se tromper si étrangement de croire que le vide est nécessaire, par cela même qu’on admet le mouvement, que ce serait bien plutôt le contraire ; et, en y regardant de près, on pourrait dire que le mouvement n’est plus possible du moment qu’il y a du vide. Car, de même qu’il y a des philosophes qui soutiennent que la terre est en repos à cause de l’égalité de la pression, de même il est nécessaire que tout soit en repos dans le vide ; car il n’y a pas, dans le vide, de lieu vers lequel le corps doive plus ou moins se mouvoir, puisque, en tant que vide, il ne présente plus aucune différence.

D’abord, on doit se rappeler que tout mouvement est ou forcé ou naturel ; et, nécessairement, s’il y a un mouvement forcé, il faut aussi qu’il y ait un mouvement naturel. Le mouvement forcé est contre nature, et le mouvement contre nature ne vient qu’après le mouvement naturel. Par conséquent, si pour chacun des corps qui sont dans la nature il n’y a pas de mouvement naturel, il ne peut pas y avoir non plus aucune autre espèce de mouvement. Mais comment pourra-t-il y avoir ici mouvement naturel, puisqu’il n’y a plus aucune différence dans le vide et dans l’infini ? Dans l’infini, il n’y a plus ni bas, ni haut, ni milieu ; et, dans le vide, le bas ne diffère plus en rien du haut ; car, de même que le rien, le néant, ne peut présenter de différence, de même il n’y en a point pour ce qui n’est point. Or, il semble que le vide est un non-être et qu’il est une privation plutôt que tout autre chose. Mais le mouvement naturel présente des différences ; et, par conséquent, les choses qui existent naturellement sont différentes entre elles. Ainsi donc, de deux choses l’une : ou aucun corps n’aura une tendance naturelle vers aucun lieu ; ou, si cela est, il n’y a pas de vide.

De plus, on peut observer que les projectiles continuent à se mouvoir, sans que le moteur qui les a jetés continue à les toucher, soit à cause de la réaction environnante, comme on le dit parfois, soit par l’action de l’air qui, chassé, chasse à son tour, en produisant un mouvement plus rapide que ne l’est la tendance naturelle du corps vers le lieu qui lui est propre. Mais, dans le vide, rien de tout cela ne peut se passer ; et nul corps ne peut y avoir un mouvement que si ce corps y est sans cesse soutenu et transporté, comme le fardeau que porte un char.

Il serait encore bien impossible de dire pourquoi, dans le vide, un corps mis une fois en mouvement pourrait jamais s’arrêter quelque part. Pourquoi, en effet, s’arrêterait-il ici plutôt que là ? Par conséquent, ou il restera nécessairement en repos, ou nécessairement s’il est en mouvement, ce mouvement sera infini, si quelqu’obstacle plus fort ne vient à l’empêcher.

Dans l’opinion de ces philosophes, il semble que le corps se meut vers le vide, parce que l’air cède devant lui ; mais, dans le vide, le même phénomène se produit dans tous les sens, de sorte que c’est aussi dans tous les sens indifféremment que le corps pourra s’y mouvoir.

Ce que nous disons ici peut s’éclaircir encore par las considérations suivantes. Évidemment il y a deux causes possibles pour qu’un même poids, un même corps reçoive un mouvement plus rapide : ou c’est parce que le milieu qu’il traverse est différent, selon que ce corps se meut dans l’eau, dans la terre ou dans l’air ; ou c’est parce que le corps qui est en mouvement est différent lui-même, et que toutes choses d’ailleurs restant égales, il a plus de pesanteur ou de légèreté.

Le milieu que le corps traverse est une cause d’empêchement la plus forte possible, quand ce milieu a un mouvement en sens contraire, et ensuite quand ce milieu est immobile. Cette résistance est d’autant plus puissante que le milieu est moins facile à diviser ; et il résiste d’autant plus qu’il est plus dense.

Soit un corps A, par exemple, traversant le milieu B dans le temps C ; et traversant le milieu D, qui est plus ténu, dans le temps E. Si la longueur de B est égale à la longueur de D, le mouvement sera en proportion de la résistance du milieu. Supposons donc que B soit de l’eau, par exemple, et D de l’air. Autant l’air sera plus léger et plus incorporel que l’eau comparativement, autant A traversera D plus vite que B. Évidemment la première vitesse sera à la seconde vitesse dans le même rapport que l’air est à l’eau ; et si l’on suppose, par exemple, que l’air est deux fois plus léger, le corps traversera B en deux fois plus de temps que D ; et le temps C sera double du temps E. Donc, toujours le mouvement du corps sera d’autant plus rapide que le milieu qu’il aura à traverser sera plus incorporel, moins résistant et plus aisé à diviser.

Mais il n’y a pas de proportion qui puisse servir à comparer le vide avec le corps, et à savoir de combien le corps le surpasse, de même que le rien (zéro) n’a point de proportion possible avec le nombre. En effet, si quatre surpasse trois de un ; s’il surpasse deux davantage, et s’il surpasse un et deux davantage encore, il n’y a plus de proportion dans laquelle on puisse dire qu’il surpasse le rien ; car, nécessairement, la quantité qui surpasse une autre quantité se compose, d’abord de la quantité dont elle surpasse l’autre, et ensuite de la quantité même qu’elle surpasse ; et, par conséquent, quatre sera et la quantité dont il surpasse, et le rien. C’est là ce qui fait que la ligne ne peut pas surpasser le point, puisqu’elle n’est pas elle-même composée de points. Par la même raison aussi, le vide ne peut avoir aucun rapport proportionnel avec le plein. Par conséquent, le mouvement dans le vide n’en a pas davantage ; et si, dans le milieu le plus léger possible, le corps franchit tel espace en tant de temps, dans le vide ce même mouvement dépassera toute proportion possible. Soit donc F le vide, et d’une dimension égale à celles de B et de D. Si donc le corps A traverse le vide et le franchit dans un certain temps G, supposé plus court que le temps E, ce sera là le rapport du vide au plein.

Mais, dans ce même temps G, le corps A ne franchira de D que la portion H.

Le corps traversera le milieu F qui est beaucoup plus léger que l’air, avec une vitesse proportionnellement égale au rapport du temps E an temps G ; car si le vide F surpasse l’air en légèreté dans la proportion où le temps E surpasse le temps G, à l’inverse le corps A, quand il est en mouvement, traversera le vide F avec une vitesse qui correspond précisément à G. Si donc il n’y a pas de corps dans F, A devra s’y mouvoir d’autant plus vite. Mais tout à l’heure il traversait aussi H dans le temps G. Donc le corps franchit la distance dans le même temps, soit dans le plein, soit dans le vide. Or, comme cela est de toute impossibilité, il est clair par suite que, si l’on suppose un certain temps dans lequel un corps quelconque traverse le vide, on arrive à cette absurdité, qu’un corps traverse indifféremment dans un même temps le plein ou le vide ; car il y aura toujours un certain corps qu’on pourra supposer, relativement à un autre corps, dans le même rapport que le temps est au temps.

Afin de résumer cette discussion en peu de mots, nous dirons que la cause du résultat auquel nous aboutissons, c’est qu’il y a toujours un certain rapport d’un mouvement à un autre mouvement ; car le mouvement se passe dans le temps, et il y a toujours un rapport possible d’un temps à un autre temps, l’un et l’autre étant également finis, tandis qu’il n’y a aucun rapport possible du vide au plein. Telles sont les conséquences qu’amène la diversité des milieux traversés.

Voici celles qui résultent de la supériorité relative des corps qui se meuvent dans ces milieux. On peut remarquer d’abord que les corps animés d’une force plus grande, ou de pesanteur ou de légèreté, les conditions de forme restant d’ailleurs égales, parcourent plus rapidement une même étendue, et la parcourent dans le rapport même où ces grandeurs sont entr’elles. Par conséquent, ils la parcourraient aussi dans le vide ; mais c’est là ce qui est impossible. Dans le vide, en effet, quelle cause pourrait accélérer le mouvement ? Dans le plein, c’est une nécessité que le mouvement s’accélère, puisque le plus fort des deux mobiles divise plus rapidement aussi le milieu par sa force même ; car le corps qui tombe ou qui est lancé, divise ce milieu soit par sa forme, soit par l’impulsion qu’il possède. Donc, tous les corps auraient dans le vide la môme vitesse, et ce n’est pas admissible.

Ce que nous venons de dire doit montrer que l’existence du vide, en admettant qu’il existe, entraîne des conséquences tout à fait contraires à ce qu’attendaient ceux qui bâtissent ce système. Ils s’imaginent, parce qu’il y a du mouvement dans l’espace, que le vide doit exister séparé et en soi. Mais cela revient à dire que l’espace doit être aussi quelque chose de séparé des corps ; et nous avons démontré antérieurement que cela n’est pas possible.

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