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CHAPITRE VI
ОглавлениеDe l’unité et de la diversité de mouvement ; mouvement génétiquement un et spécifiquement un. - De l’unité absolue de mouvement ; différence de l’identité et de l’unité ; digression.- De la continuité de mouvement ; de l’égalité et de l’inégalité du mouvement ; conditions générales de l’égalité et de l’inégalité du mouvement.
Quand on dit que le mouvement est un, cette expression peut se prendre en plusieurs sens, parce que, selon nous, l’idée d’unité peut aussi en avoir plusieurs.
Le mouvement est génériquement un, suivant les formes de la catégorie où on le considère. Ainsi, la translation est un mouvement qui est un sous le rapport du genre, pour toute translation quelconque ; mais l’altération diffère de la translation par son genre qui est autre.
Spécifiquement, le mouvement est un, lorsque, d’abord étant un en genre, il est un en outre dans une espèce indivisible. Par exemple, la couleur a des différences, puisque la couleur noire et la couleur blanche différent en espèces. Ainsi donc, toute couleur blanche, considérée sous le rapport de l’espèce, est identique à toute autre couleur blanche, de même que la couleur noire est spécifiquement identique à toute couleur noire. Mais cette couleur noire n’est plus spécifiquement la même que la couleur blanche. Par conséquent, la couleur blanche est spécifiquement identique à toute couleur blanche.
S’il est par hasard des choses qui soient tout ensemble genres et espèces, il est clair que pour elles, le mouvement sera, à quelques égards, un sous le rapport de l’espèce ; mais, absolument parlant, il ne sera point spécifiquement identique. Tel est, par exemple, l’acte d’apprendre quelque chose et le mouvement de cet acte, si la science est une espèce de la conception, et le genre des sciences particulières.
On peut se demander si le mouvement est bien en effet spécifiquement un et identique, lorsqu’une même chose change et se meut du même au même. Soit, par exemple, un seul et même point qui se nient allant et revenant à plusieurs reprises de tel lien en tel lieu. Mais si l’on dit que dans ce cas le mouvement est identique, alors la translation circulaire se confondra avec la translation en ligne droite, et la rotation avec la marche, Ou bien notre définition n’a-t-elle pas établi que le mouvement est autre, quand la manière dont il se passe est spécifiquement autre ? Or, le mouvement circulaire est en espèce différent du mouvement en ligne droite.
Voilà donc comment le mouvement est un et identique, soit en genre, soit en espèce.
Mais absolument parlant, le mouvement est un, quand il est un en essence et en nombre. En analysant les choses, nous allons voir quel est le mouvement qui peut être ainsi considéré. Il y a trois termes à étudier, quand nous disons que le mouvement est un : l’objet, le lieu et le temps. Par l’objet, j’entends qu’il faut nécessairement qu’il y ait quelque chose qui soit en mouvement ; un homme, par exemple, ou un morceau d’or, etc. Il faut en outre que ce mouvement ait lieu dans quelque chose : par exemple dans l’espace ou dans la qualité ; et enfin qu’il ait lieu dans un certain moment ; car tout mouvement se passe dans le temps. Entre ces trois termes, l’unité de mouvement en genre et en espèce ne peut se trouver que dans le lieu où le mouvement se passe. La continuité de mouvement ne peut être, comme nous l’avons vu, que dans le temps. Mais l’unité absolue du mouvement ne peut se trouver que dans les trois termes réunis que nous venons d’indiquer. En effet, ce dans quoi le mouvement se passe doit être un et indivisible ; et par exemple c’est l’espèce. Le moment où il se passe doit être identique aussi ; et c’est, par exemple, le temps, un et sans aucune interruption. Enfin, l’objet qui est en mouvement doit également être un, sans l’être, ni par accident, ni d’une manière commune. Il ne doit pas l’être par accident et indirectement ; ainsi, le blanc devient essentiellement noir, ou Coriscus marche essentiellement. Mais si Coriscus et le blanc sont une seule et même chose, c’est seulement par accident. L’objet ne doit pas être commun ; car il se pourrait que deux hommes se guérissent à la fois par une seule et même guérison ; et, par exemple, qu’ils se guérissent d’une ophtalmie qui les affecterait tous les deux ; mais leur ophtalmie ne serait pas une seule et même ophtalmie, et elle serait une seulement en espèce.
Supposez que Socrate éprouve un changement qui soit le même par son espèce, mais qu’il l’éprouve dans un temps autre, et que chaque fois qu’il l’éprouve, ce soit dans des temps toujours différents. Si l’on admet qu’une chose détruite puisse redevenir numériquement une, le mouvement éprouvé par Socrate sera un et le même ; si non, ce mouvement pourra bien être le même, mais il ne sera pas un.
Une autre question fort analogue à celle-là, c’est de savoir si, par exemple, la santé est essentiellement une et identique dans les corps, et d’une manière générale, si les affections et les qualités y sont identiques et unes ; car les corps qui les possèdent changent et se meuvent évidemment, et sont dans un flux perpétuel. Mais si la santé que j’ai maintenant est bien la même identiquement que celle que j’avais ce matin, pourquoi la santé que l’on recouvre après une maladie, ne serait-elle pas numériquement cette même santé qu’on possédait avant d’être malade ? Car le raisonnement est identique de part et d’autre. La seule différence, entre ces termes, c’est que, si deux mouvements se confondent de telle manière en un seul qu’il soit numériquement un, il faut nécessairement que les affections soient unes aussi ; car pour ce qui est un numériquement, l’acte aussi est numériquement un. Mais il ne suffit pas que l’affection soit une pour que l’on puisse dire que l’acte le soit également. Ainsi du moment que l’on s’arrête de marcher, il n’y a plus de marche ; et si l’on se remet à marcher, il y a marche de nouveau. Si donc c’était là un seul et même acte, il s’ensuivrait qu’une seule et même chose, tout en restant une, pourrait tout ensemble périr et renaître plusieurs fois. Mais ces questions s’éloignent trop du sujet qui doit actuellement nous occuper ; revenons.
Puisque tout mouvement est continu, il faut, quand le mouvement est absolument un, qu’il soit continu aussi ; car tout mouvement est divisible ; et quand il est continu, il est un.
Mais tout mouvement ne peut pas être continu à toute espèce de mouvement, pas plus que, dans tout autre cas, une chose quelconque ne peut être continue à la première chose venue. Il n’y a continuité qu’autant que les extrémités peuvent s’unir et se confondre. Or, il y a des choses qui n’ont pas d’extrémités ; et il en est d’autres dont les extrémités sont spécifiquement différentes et simplement homonymes. Et par exemple, comment les extrémités de la ligne et de la marche pourraient-elles se toucher et s’unir ?
D’ailleurs, des mouvements qui ne sont identiques, ni en espèce ni en genre, peuvent se suivre. Par exemple, un homme qui court peut, après avoir couru, gagner sur le champ un accès de lièvre ; et, comme un flambeau qu’on se passe de main en main, le mouvement de translation peut suivre. Mais pour cela il n’est pas continu ; car on ne reconnaît de continuité que là où les extrémités peuvent se confondre et s’unir.
Ainsi, les choses se tiennent et se suivent, parce que le temps est continu ; le temps est continu à son tour, parce que les mouvements le sont aussi ; enfin les mouvements ne sont continus que quand les extrémités des deux se confondent en une seule.
Par conséquent, il faut nécessairement, pour que le mouvement soit continu et identique, qu’il soit le même en espèce, qu’il soit le mouvement d’une seule chose et qu’il se passe dans un seul temps. Je dis dans un seul temps, pour qu’il n’y ait pas d’immobilité ni d’arrêt dans l’intervalle ; car, durant le temps où le mouvement viendrait à défaillir, il y aurait nécessairement un repos. Il y a plusieurs mouvements et non un mouvement unique, là où il se trouve un intervalle de repos ; et si un mouvement se trouve interrompu par un temps d’arrêt, ce mouvement n’est plus unique ni continu. Or, il est interrompu, du moment qu’il y a un temps intermédiaire. Mais pour un mouvement qui spécifiquement n’est point un et le même, il n’y a rien de pareil, lors bien même que le temps ne présente pas de lacune. Le temps alors est bien un ; mais spécifiquement le mouvement est autre ; car lorsque le mouvement est un et le même, il est aussi un et le même en espèce nécessairement ; mais il n’y a pas nécessité que ce mouvement soit un d’une manière absolue.
On voit maintenant ce qu’il faut entendre par un mouvement absolument un et le même. On dit encore d’un mouvement qui est complet qu’il est un, soit en genre, soit en espèce, soit en substance. Ici, comme dans tout le reste, l’idée de complet et d’entier n’appartient qu’à ce qui est un. Mais quelquefois le mouvement a beau être incomplet, on n’en dit pas moins qu’il est un, pourvu qu’il soit seulement continu.
Indépendamment de tous les mouvements uns et identiques dont nous venons de parler, on dit encore d’un mouvement qui est égal et uniforme qu’il est un ; car le mouvement inégal ne peut point en quelque sorte paraître un ; mais un mouvement égal le paraît davantage comme le paraît la ligne droite. L’inégal est divisé ; mais les mouvements ne diffèrent que comme le plus et le moins.
Du reste, dans tout mouvement quelconque, on peut distinguer l’égalité ou l’inégalité. Ainsi, une chose peut subir un mouvement d’altération avec égalité, de même qu’elle peut subir un mouvement égal de déplacement dans l’espace, soit en cercle, soit en ligne droite ; et l’on peut faire la même remarque pour l’accroissement et pour la destruction.
Par fois la différence d’inégalité tient au lieu dans lequel le mouvement se passe ; car il n’y a pas moyen que le mouvement soit égal sur une grandeur qui n’est pas égale. Prenons, par exemple, le mouvement selon une ligne brisée, ou selon une spirale, ou selon telle autre grandeur ou une partie quelconque ne correspond pas à la partie quelconque qu’on a prise. Parfois aussi la différence d’inégalité du mouvement ne consiste ni dans le lieu parcouru, ni dans le temps, ni dans le but où tend le mouvement, mais dans la manière dont il se fait ; car, quelquefois, on distingue le mouvement par la vitesse ou la lenteur. Quand la vitesse est la même, le mouvement est égal ; quand elle ne l’est pas, il est inégal.
D’ailleurs ce qui fait qu’on ne doit considérer la lenteur ou la vitesse, ni comme des espèces ni comme des différences du mouvement, c’est qu’elles peuvent accompagner tous les mouvements, quelque différents qu’ils soient en espèce. La pesanteur et la légèreté ne sont pas davantage des espèces ou des différences, quand elles se rapportent à un même objet ; ainsi pour la terre, par rapport à elle-même ; et pour le feu, par rapport à lui-même.
Cependant, le mouvement inégal est un et identique parce qu’il est continu ; mais il l’est moins, comme cela se voit dans la translation en ligne brisée ; et le moins suppose toujours un certain mélange du contraire.
Si d’ailleurs tout mouvement un peut être égal ou inégal, les mouvements qui ne se suivent pas spécifiquement ne peuvent pas non plus être uns et continus. En effet, comment un mouvement composé d’altération et de translation pourrait-il être égal ? Car il faudrait d’abord que ces cieux espèces de mouvements s’accordassent entr’elles.