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CHAPITRE XV
ОглавлениеL’indivisible ne peut avoir de mouvement, dans le sens absolu de ce mot, bien que l’indivisible puisse indirectement se mouvoir avec la chose dans laquelle il est. Démonstration de ce principe. Le temps ne se compose pas d’instants, non plus que la ligne ne se compose pas de points. L’indivisible ne se meut pas, parce qu’il n’y a pas de mouvement proprement dit dans la durée d’un instant.
Ceci démontré, nous prétendons que ce qui est sans parties ne peut avoir de mouvement, si ce n’est indirectement ; et, par exemple, l’indivisible ne se meut que par le mouvement du corps ou de la grandeur quelconque dans laquelle il est, comme une chose qui est dans un bateau et qui n’est mise en mouvement que par le mouvement du bateau même ; ou bien encore, comme la partie est mue par le mouvement du tout.
Quand je dis « Sans parties, » j’entends ce qui est indivisible sous le rapport de la quantité.
Car les mouvements des parties sont différents, selon que ces parties elles-mêmes se meuvent, ou que c’est le tout lui-même qui est en mouvement. Où l’on peut bien observer cette différence, c’est dans la sphère ; car la rapidité des parties qui sont au centre, ou des parties qui sont à la surface, ou de la sphère elle-même n’est pas identique ; et c’est bien la preuve qu’il n’y a pas un seul mouvement.
Ainsi donc, nous le répétons, ce qui est sans parties peut se mouvoir comme se meut la personne assise dans un bateau, par cela seul que le bateau est en marche. Mais en soi, ce qui est sans parties ne peut pas se mouvoir. Supposons, en effet, que le corps change de AB en BC, soit d’ailleurs qu’il change en passant d’une grandeur à une autre grandeur, soit en passant d’une forme à une autre forme, soit que ce soit par simple contradiction. Soit D le temps primitif durant lequel le corps change. Il y a nécessité que l’objet dans le temps où il change soit tout entier ou en AB ou en BC, ou qu’une de ses parties soit dans l’un, et qu’une de ses parties soit dans l’autre, puisque tout ce qui change est soumis à cette condition, ainsi que nous l’avons vu. Mais d’abord une partie de l’objet ne pourra être dans l’un et dans l’autre ; car alors l’objet serait divisible. De plus, il ne peut pas davantage être dans BC ; car alors il aura changé, et nous supposons qu’il change. Reste donc que l’objet soit dans AB, durant le temps où il change. Donc il y sera en repos ; car être en repos signifie, ainsi que nous l’avons dit, se trouver dans le même état durant quelque temps. Donc par conséquent, ce qui est sans parties ne peut ni se mouvoir, ni éprouver un changement quelconque.
Il n’y aurait qu’un seul sens où l’on pourrait dire que le corps se meut : c’est le cas où le temps se composerait d’instants ; car le corps aurait été mu, et il aurait changé toujours dans un instant, de telle sorte qu’on pourrait dire que l’objet n’est jamais actuellement en mouvement et qu’il y a toujours été. Mais nous avons antérieurement démontré que c’est là une chose impossible ; car le temps ne se compose pas plus d’instants que la ligne ne se compose de points, ni que le mouvement ne se compose de motions successives ; et, si l’on soutenait cette théorie, cela reviendrait absolument à dire que le mouvement se compose d’éléments sans parties ; par exemple, comme le temps qui se composerait d’instants, et que la grandeur se compose de points.
Une autre conséquence évidente de ceci, c’est que le point, ni aucun indivisible, ne peut avoir de mouvement. En effet, aucun corps en mouvement ne peut, dans son mouvement, parcourir un espace plus grand que lui, sans avoir préalablement parcouru un espace égal à lui-même, ou un espace plus petit. Cela posé, il est évident que le point parcourra un espace, ou plus petit que lui, ou égal à lui, avant de parcourir tout autre espace. Mais le point étant indivisible, il est bien impossible qu’il parcoure préalablement un espace plus petit que lui-même. Il parcourra donc un espace égal ; et par conséquent, la ligne sera composée de points ; car ayant un mouvement égal à lui-même, le point finira par mesurer toute la ligne. Mais si cela ne se peut pas, il ne se peut pas non plus davantage que l’indivisible soit jamais en mouvement.
Ajoutez que si tout ce qui se meut doit se mouvoir dans le temps, et que dans un instant il n’y ait aucun mouvement possible ; et si le temps est toujours divisible, il s’ensuit qu’il y aura, pour tout mobile quelconque, un temps moindre que le temps dans lequel il parcourt, en se mouvant, un espace égal à lui-même. Or, ce sera précisément le temps durant lequel il se meut, parce que le mouvement ne peut jamais avoir lieu que dans le temps. Mais il a été démontré plus haut que le temps est toujours divisible. Si donc le point se meut, il y aura un temps plus petit dans lequel son mouvement aura eu lien. Mais cela est de toute impossibilité, puisque dans un temps moindre il faut nécessairement que le mouvement soit moindre aussi ; et par conséquent, l’indivisible serait divisé en parties moindres, comme le temps lui-même serait divisé en temps.
Ainsi donc, ce qui est sans parties et est indivisible ne pourrait se mouvoir qu’a une seule condition, c’est qu’il fût possible qu’il y eût mouvement dans un instant indivisible ; car cela revient tout à fait au même, et qu’il puisse y avoir mouvement dans l’instant, et que l’indivisible puisse se mouvoir.