Читать книгу Toutes les Oeuvres Majeures d'Aristote - Aristote - Страница 72
CHAPITRE II
ОглавлениеL’Instant, limite du passé et de l’avenir, est indivisible et identique ; conséquences absurdes si l’on soutient que l’instant est divisible. — Il n’y a ni mouvement ni repos dans la durée d’un instant ; démonstration de ces deux propositions.
Il faut également que l’instant considéré non d’une manière relative, mais en soi et dans le sens absolu, soit indivisible, et qu’il demeure indivisible dans un temps quelconque. C’est une extrémité du passé au delà de laquelle il n’y a aucune portion de l’avenir, et une extrémité de l’avenir en deçà de laquelle il n’y a aucune portion du passé. C’est donc, comme nous l’avons dit, la Limite des deux.
Et si l’on démontre qu’une telle limite existe en soi et qu’elle reste identique, il sera démontré du même coup qu’elle est indivisible.
Or, il y a nécessité que l’instant soit identique, puisqu’il est l’extrémité des deux temps ; car s’il était différent, l’un des instants ne serait pas à la suite de l’autre, parce qu’il n’y a pas de continu qui soit composé d’indivisibles sans parties ; et si l’un et l’autre sont séparés, il y a du temps entre les deux, puisque tout continu doit être tel qu’il y ait quelque chose de synonyme et d’homogène entre les limites. Mais si c’est le temps qui est intermédiaire, ce temps sera divisible, puisqu’il est démontré que le temps peut toujours se diviser. Par conséquent, l’instant est divisible. Mais si l’instant est divisible, il y aura quelque chose du passé dans le futur, et quelque chose du futur dans le passé ; et alors, cela même qui divisera l’instant, délimitera le temps présent et le temps futur.
Par la même raison, l’instant ne serait pas en soi ; mais il serait relatif et par un autre ; car la division ne peut pas atteindre ce qui est en soi.
De plus, l’instant se partagera ; une certaine partie sera du passé et une autre partie de l’avenir ; et ce ne sera pas toujours le même passé ni le même futur. L’instant évidemment ne sera pas davantage le même ; car le temps est divisible de bien des manières. Par conséquent, si l’instant ne peut avoir ces caractères, il faut nécessairement que l’instant qui est dans l’un et dans l’autre temps soit le même.
Mais si c’est le même, il est clair aussi qu’il est indivisible ; car s’il était divisible, il en résulterait les mêmes conséquences qu’on vient d’énumérer plus haut.
Ainsi il est démontré qu’il y a dans le temps quelque chose que nous appelons l’instant, et qui est indivisible comme ou vient de le voir.
Voici maintenant ce qui prouvera qu’il n’y a pas de mouvement possible dans la durée de l’instant. S’il y a mouvement en effet, le mouvement peut alors y être on plus rapide ou plus lent. Soit l’instant N ; et que le mouvement plus rapide en lui soit AB. Le mouvement moins rapide qui a lieu dans le même instant, parcourra une distance moindre que AB : soit la distance AC. Comme le mouvement le plus lent ne parcourt dans tout l’instant que la distance AC, le mouvement plus rapide la parcourra en un temps moindre. Doncl’instant sera divisé. Or, on le supposait indivisible. Donc le mouvement est impossible dans la durée de l’instant.
Mais il ne se peut pas davantage que dans cette durée, il y ait du repos. Quand on dit repos, cela s’entend d’un corps qui, par nature, doit se mouvoir, et qui ne se meut pas quand naturellement il le doit, là où il doit et de la façon qu’il doit. Mais comme rien ne peut naturellement se mouvoir dans la durée de l’instant, rien ne peut non plus s’y reposer.
Que si l’on prétend que l’instant étant le même dans les deux temps, il se peut alors que dans l’un tout entier il y ait mouvement, et que dans l’autre il y ait repos, et que ce qui se meut dans le temps tout entier, sera mu aussi dans l’un quelconque de ses éléments où naturellement il doit se mouvoir, ce qui est en repos y étant aussi dans la même condition, il en résultera que la même chose sera tout à la fois en mouvement et en repos, puisque l’instant est la même extrémité de l’un et l’autre temps.
Enfin, on dit d’une chose qu’elle est en repos quand elle-même et ses parties sont dans l’instant actuel ce qu’elles étaient auparavant. Mais dans un instant il n’y a pas d’auparavant ; et par conséquent, il n’y a pas de repos.
Donc nécessairement, c’est dans un certain temps que doit se mouvoir ce qui se meut ; et se reposer, ce qui se repose.