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§ III. L’habitude perfectionne le jugement.

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Je viens de prouver que tout ce qui tient au sentiment, dans nos relations avec ce qui nous environne, est affoibli, émoussé, rendu nul par l’effet de l’habitude. Il est facile maintenant de démontrer qu’elle perfectionne et agrandit tout ce qui a rapport au jugement porté d’après ces relations.

Lorsque, pour la première fois, la vue se promène sur une vaste campagne, l’oreille est frappée par une harmonie, le goût ou l’odorat sont affectés d’une saveur ou d’une odeur très-composée, des idées confuses et inexactes naissent de ces sensations; nous nous représentons l’ensemble; les détails nous échappent. Mais que ces sensations se répètent, que l’habitude les ramène souvent, alors notre jugement devient précis, rigoureux; il embrasse tout; la connoissance de l’objet qui nous a frappés devient parfaite, d’irrégulière qu’elle étoit.

Voyez cet homme qui arrive à l’Opéra étranger à toute espèce de spectacle; il en rapporte des notions vagues. La danse, la musique, les décorations, le jeu des acteurs, l’éclat de l’assemblée, tout s’est confondu, pour lui, dans une espèce de chaos qui l’a charmé. Qu’il assiste successivement à plusieurs représentations, ce qui, dans ce bel ensemble, appartient à chaque art, commence à s’isoler dans son esprit, bientôt il saisit les détails: alors il peut juger, et il le fait d’autant plus sûrement, que l’habitude de voir lui en fournit des occasions plus fréquentes.

Cet exemple nous offre en abrégé le tableau de l’homme commençant à jouir du spectacle de la nature. L’enfant qui vient de naître, et pour qui tout est nouveau, ne sait encore percevoir dans ce qui frappe ses sens, que les impressions générales. En émoussant peu à peu ces impressions qui retiennent d’abord toute l’attention de l’enfant, l’habitude lui permet de saisir les attributs particuliers des corps; elle lui apprend ainsi insensiblement à voir, à entendre, à sentir, à goûter, à toucher, en le faisant successivement descendre dans chaque sensation, des notions confuses de l’ensemble, aux idées précises des détails. Tel est en effet un des grands caractères de la vie animale, qu’elle a besoin, comme nous le verrons, d’une véritable éducation.

L’habitude en émoussant le sentiment, ainsi que nous l’avons vu, perfectionne donc constamment le jugement, et même ce second effet est inévitablement lié au premier. Un exemple rendra ceci évident: je parcours une prairie émaillée de fleurs; une odeur générale, assemblage confus de toutes celles que fournissent isolément ces fleurs, vient d’abord me frapper: distraite par elle, l’ame ne peut percevoir autre chose; mais l’habitude affoiblit ce premier sentiment; bientôt il s’efface; alors l’odeur particulière de chaque plante se distingue, et je puis porter un jugement qui étoit primitivement impossible.

Ces deux modes opposés d’influence que l’habitude exerce sur le sentiment et le jugement, tendent donc, comme on le voit, à un but commun; et ce but est la perfection de chaque acte de la vie animale.

Recherches physiologiques sur la vie et la mort

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