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ARTICLE PREMIER.

Table des matières

Division générale de la Vie.

ON cherche dans des considérations abstraites la définition de la vie; on la trouvera, je crois, dans cet apperçu général: la vie est l’ensemble des fonctions qui résistent à la mort.

Tel est en effet le mode d’existence des corps vivans, que tout ce qui les entoure tend à les dé- truire. Les corps inorganiques agissent sans cesse sur eux; eux-mêmes exercent les uns sur les autres une action continuelle; bientôt ils succomberoient s’ils n’avoient en eux un principe permanent de réaction. Ce principe est celui de la vie; inconnu dans sa nature, il ne peut être apprécié que par ses phénomènes: or, le plus général de ces phénomènes est cette alternative habituelle d’action de la part des corps extérieurs, et de réaction de la part du corps vivant, alternative dont les proportions varient suivant l’âge.

Il y a surabondance de vie dans l’enfant, parce que la réaction surpasse l’action. L’adulte voit l’équilibre s’établir entr’elles, et par là même cette turgescence vitale disparoître. La réaction du principe interne diminue chez le vieillard, l’action des corps extérieurs restant la même; alors la vie languit et s’avance insensiblement vers son terme naturel, qui arrive lorsque toute proportion cesse.

La mesure de la vie est donc, en général, la différence qui existe entre l’effort des puissances extérieures, et celui de la résistance intérieure. L’excès des unes annonce sa foiblesse; la prédominance de l’autre est l’indice de sa force.

§ I. Division de la vie en animale et organique.

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Telle est la vie considérée dans sa totalité ; examinée plus en détail, elle nous offre deux modifications remarquables. L’une est commune au végétal et à l’animal, l’autre est le partage spécial de ce dernier. Jetez en effet les yeux sur deux individus de chacun de ces règnes vivans, vous verrez l’un n’exister qu’au dedans de lui, n’avoir avec ce qui l’environne que des rapports de nutrition, naître, croître et périr fixé au sol qui en reçut le germe; l’autre allier à cette vie intérieure dont il jouit au plus haut degré, une vie extérieure qui établit des relations nombreuses entre lui et les objets voisins, marie son existence à celle de tous les autres êtres, l’en éloigne ou l’en rapproche suivant ses craintes ou ses besoins, et semble ainsi, en lui appropriant tout dans la nature, rapporter tout à son existence isolée.

On diroit que le végétal est l’ébauche, le canevas de l’animal, et que, pour former ce dernier, il n’a fallu que revêtir ce canevas d’un appareil d’organes extérieurs, propre à établir des relations.

Il résulte de là que les fonctions de l’animal forment deux classes très-distinctes. Les unes se composent d’une succession habituelle d’assimilation et d’excrétion; par elles il transforme sans cesse en sa propre substance les molécules des corps voisins, et rejette ensuite ces molécules, lorsqu’elles lui sont devenues hétérogènes. Il ne vit qu’en lui, par cette classe de fonctions; par l’autre, il existe hors de lui: il est l’habitant du monde, et non, comme le végétal, du lieu qui le vit naître. Il sent et aperçoit ce qui l’entoure, réfléchit ses sensations, se meut volontairement d’après leur influence, et le plus souvent peut communiquer par la voix, ses désirs et ses craintes, ses plaisirs ou ses peines.

J’appelle vie organique l’ensemble des fonctions de la première classe, parce que tous les êtres organisés, végétaux ou animaux, en jouissent à un degré plus ou moins marqué, et que la texture organique est la seule condition nécessaire à son exercice. Les fonctions réunies de la seconde classe forment la vie animale, ainsi nommée, parce qu’elle est l’attribut exclusif du règne animal.

La génération n’entre point dans la série des phénomènes de ces deux vies, qui ont rapport à l’individu, tandis qu’elle ne regarde que l’espèce: aussi ne tient-elle que par des liens indirects à la plupart des autres fonctions. Elle ne commence à s’exercer que lorsque les autres sont depuis long-temps en exercice; elle s’éteint bien avant qu’elles ne finissent. Dans la plupart des animaux, ses périodes d’activité sont séparées par de longs intervalles de nullité ; dans l’homme, où ses rémittences sont moins durables, elle n’a pas des rapports plus nombreux avec les fonctions. La soustraction des organes qui en sont les agens, est marquée presque toujours par un accroissement général de nutrition. L’eunuque jouit de moins d’énergie vitale; mais les phénomènes de la vie se développent chez lui avec plus de plénitude. Faisons donc ici abstraction des lois qui nous donnent l’existence, pour ne considérer que celles qui l’entretiennent: nous reviendrons sur les premières.

§ II. Subdivision de chacune des vies, animale et organique, en deux ordres de fonctions.

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Chacune des deux vies, animale et organique, se compose de deux ordres de fonctions qui se succèdent et s’enchaînent dans un sens inverse.

Dans la vie animale, le premier ordre s’établit de l’extérieur du corps vers le cerveau, et le second, de cet organe vers ceux de la locomotion et de la voix. L’impression des objets affecte successivement les sens, les nerfs et le cerveau. Les premiers reçoivent, les seconds transmettent, le dernier perçoit cette impression qui, étant ainsi reçue, transmise et perçue, constitue nos sensations.

L’animal est presque passif dans ce premier ordre de fonctions; il devient actif dans le second, qui résulte des actions successives du cerveau où naît la volition à la suite des sensations, des nerfs qui transmettent cette volition, des organes locomoteurs et vocaux, agens de son exécution. Les corps extérieure agissent sur l’animal par le premier ordre de fonctions; il réagit sur eux par le second.

Une proportion rigoureuse existe en général entre ces deux ordres: où l’un est très-marqué, l’autre se développe avec énergie. Dans la série des animaux, celui qui sent le plus, se meut aussi davantage. L’âge des sensations vives est celui de la vivacité des mouvemens; dans le sommeil ou le premier ordre est suspendu, le second cesse, ou ne s’exerce que par secousses irrégulières. L’aveugle qui ne vit qu’à moitié pour ce qui l’entoure, enchaîne ses mouvemens avec une lenteur qu’il perdroit bientôt si ses communications extérieures s’agrandissoient.

Un double mouvement s’exerce aussi dans la vie organique; l’un compose sans cesse, l’autre décompose l’animal. Telle est en effet, comme l’ont observé les anciens, et d’après eux plusieurs modernes, sa manière d’exister, que ce qu’il étoit à une époque, il cesse de l’être à une autre; son organisation reste toujours la même, mais ses élémens varient à chaque instant. Les molécules nutritives, tour à tour absorbées et rejetées, passent de l’animal à la plante, de celle-ci au corps brut, reviennent à l’animal, et en ressortent ensuite.

La vie organique est accommodée à cette circulation continuelle de la matière. Un ordre de fonctions assimile à l’animal les substances qui doivent le nourrir; un autre lui enlève ces substances devenues hétérogènes à son organisation, après en avoir fait quelque temps partie.

Le premier, qui est l’ordre d’assimilation, résulte de la digestion, de la circulation, de la respiration et de la nutrition. Toute molécule étrangère au corps reçoit, avant d’en devenir l’élément, l’influence de ces quatre fonctions.

Quand elle à ensuite concouru quelque temps à former nos organes, l’absorption la leur enlève, et la transmet dans le torrent circulatoire, où elle est charriée de nouveau, et d’où elle sort par l’exhalation pulmonaire ou cutanée, et par les diverses secrétions dont les fluides sont tous rejetés au dehors.

L’absorption, la circulation, l’exhalation, la secrétion forment donc le second ordre des fonctions de la vie organique, ou l’ordre de désassimilation.

Il suit de là que le système sanguin est un système moyen, centre de la vie organique, comme le cerveau est celui de la vie animale, où circulent confondues les molécules qui doivent être assimilées, et celles qui, ayant déjà servi à l’assimilation, sont destinées à être rejetées; en sorte que le sang est composé de deux parties, l’une récrémentitielle qui vient surtout des alimens, et où la nutrition puise ses matériaux, l’autre excrémentilielle, qui est comm le débris, le résidu de tous les organes, et qui fournit aux sécrétions et aux exhalations extérieures. Cependant ces dernières, fonctions servent aussi quelquefois à transmettre au dehors les produits digestifs, sans que ces produits aient concouru à nourrir les parties. C’est ce qu’on voit dans l’urine et la sueur, à la suite des boissons copieuses. La peau et le rein sont alors organes excréteurs, non de la nutrition, mais bien de la digestion. C’est ce qu’on observe encore dans la production du lait, fluide provenant manifestement de la portion du sang qui n’a point encore été assimilée par le travail nutritif.

Il n’y a point entre les deux ordres des fonctions de la vie organique le même rapport qu’entre ceux de la vie animale; l’affoiblissement du premier n’entraîne pas la diminution du second: de là la maigreur, le marasme, états dans lesquels l’assimilation cesse en partie, la désassimilation s’exerçant au même degré.

Ces grandes différences placées entre les deux vies de l’animal, ces limites non moins marquées qui séparent les deux ordres des phénomènes dont chacune est l’assemblage, me paroissent offrir au physiologiste la seule division réelle qu’il puisse établir entre les fonctions.

Abandonnons aux autres sciences les méthodes artificielles; suivons l’enchaînement des phénomènes pour enchaîner les idées que nous nous en formons, et alors nous verrons la plupart des divisions physiologiques n’offrir que des bases incertaines à celui qui voudroit y élever l’édifice de la science.

Je ne rappellerai point ici ces divisions; la meilleure manière d’en démontrer le vide, c’est, je crois, de prouver la solidité de celle que j’adopte. Parcourons donc en détail les grandes différences qui isolent l’animal vivant au dehors, de l’animal existant au dedans, et se consumant dans une alternative d’assimilation et d’excrétion.

Recherches physiologiques sur la vie et la mort

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