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ARTICLE SECOND.

Table des matières

Différences générales des deux vies par rapport aux formes extérieures de leurs organes respectifs.

LA plus essentielle des différences qui distinguent les organes de la vie animale de ceux de la vie organique, c’est la symétrie des uns et l’irrégularité des autres. Quelques animaux offrent des exceptions à ce caractère, surtout pour la vie animale: tels sont, parmi les poissons, les soles, les turbots, etc. diverses espèces, parmi les animaux non vertébrés, etc., etc. mais il est exactement tracé dans l’homme, ainsi que dans les genres voisins du sien par la perfection. Ce n’est que là où je vais l’examiner; pour le saisir, l’inspection seule suffit.

§ I. Symétries des formes extérieures dans la vie animale.

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Deux globes parfaitement semblables reçoivent l’impression de la lumière. Le son et les odeurs ont chacun aussi leur organe double analogue. Une membrane unique est affectée aux saveurs, mais la ligne médiane y est manifeste; chaque segment indiqué par elle est semblable à celui du côté opposé. La peau ne nous présenteras toujours des traces visibles de cette ligne, mais par-tout elle y est supposée. La nature, en oubliant pour ainsi dire de la tirer, plaça d’espace en espace des points saillans qui indiquent son trajet. Les rainures de l’extrémité du nez, du menton, du milieu des lèvres, l’ombilic, le raphé du périnée, la saillie des apophyses épineuses, l’enfoncement moyen de la partie postérieure du cou, forment principalement ces points d’indication.

Les nerfs qui transmettent l’impression reçue par les sons, tels que l’optique, l’acoustique, le lingual, l’olfactif, sont évidemment assemblés par paires symétriques.

Le cerveau, organe ou l’impression est reçue, est remarquable par sa forme régulière; ses parties paires se ressemblent de chaque côté, tels que la couche des nerfs optiques, les corps cannelés, les hippocampes, les corps frangés, etc. Les parties impaires sont toutes symétriquement divisées par la ligne médiane, dont plusieurs offrent des traces visibles, comme le corps calleux, la voûte à trois piliers, la protubérance annulaire, etc., etc.

Les nerfs qui transmettent aux agens de la locomotion et de la voix, les volitions du cerveau, les organes locomoteurs formés d’une grande partie du système musculaire, du système osseux et de ses dépendances, le larynx et ses accessoires, doubles agens de l’exécution de ces volitions, ont une régularité, une symétrie qui ne se trahissent jamais.

Telle est même la vérité du caractère que j’indique, que les muscles et les nerfs cessent de devenir réguliers, dès qu’ils n’appartiennent plus à la vie animale. Le cœur, les fibres musculaires des intestins, etc., en sont une preuve pour les muscles; pour les nerfs, le grand sympathique, par-tout destiné à la vie intérieure, présente dans la plupart de ses branches une distribution irrégulière: les plexus soléaire, mésentérique, hypogastrique, splénique, stomachique, etc., en sont un exemple.

Nous pouvons donc, je crois, conclure, d’après la plus évidente inspection, que la symétrie est le caractère essentiel des organes de la vie animale de l’homme.

§ II. Irrégularité des formes extérieures dans la vie organique.

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Si nous passons maintenant aux viscères de la vie organique, nous verrons qu’un caractère exactement opposé leur est applicable. Dans le système digestif, l’estomac, les intestins, la rate, le foie., etc., sont tous irrégulièrement disposés.

Dans le système circulatoire, lé cœur, les gros vaisseaux, tels que la crosse de l’aorte, les veines caves, l’azygos, la veine porte, l’artère innominée, n’offrent aucune trace de symétrie. Dans les vaisseaux des membres, des variétés continuelles s’observent, et, ce qu’il y a de remarquable, c’est que dans ces variétés la disposition d’un côté n’entraîne point celle du côté opposé.

L’appareil respiratoire paroît au premier coup d’œil exactement régulier; cependant si l’on remarque que la bronche droite est différente de la gauche par sa longueur, son diamètre et-sa direction; que trois lobes composent l’un des poumons, que deux seulement forment l’autre; qu’il y a entre ces organes une inégalité manifeste de volume; que les deux divisions de l’artère pulmonaire ne se ressemblent ni par leur trajet, ni par leur diamètre; que le médiastin sur lequel tombe la ligne médiane, s’en dévie sensiblement à gauche, nous verrons que la symétrie n’étoit ici qu’apparente, et que la loi commune ne souffre point d’exception.

Les organes de l’exhalation, de l’absorption, les membranes séreuses, le canal thorachique, le grand vaisseau lymphatique droit, les absorbans secondaires de toutes les parties ont une distribution par-tout inégale et irrégulière.

Dans le système glanduleux, nous voyons les cryptes ou follicules muqueux partout disséminés sans ordre sous leurs membranes respectives. Le pancréas, le foie, les glandes salivaires même, quoiqu’au premier coup d’œil plus symétriques, ne se trouvent point exactement soumise à la ligne médiane. Les reins diffèrent l’un de l’autre par leur position, le nombre de leurs lobes dans l’enfant, la longueur et la grosseur de leur artère et de leur veine, et surtout par leurs fréquentes variétés.

Ces nombreuses considérations nous mènent évidemment à un résultat inverse du précédent; savoir, que l’attribut spécial des organes de la vie intérieure, c’est l’irrégularité de leurs formes extérieures.

§ III. Conséquences qui résultent de la différence des formes extérieures dans les organes des deux vies.

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Il résulte de l’aperçu qui vient d’être présenté, que la vie animale est pour ainsi dire double, que ses phénomènes, exécutés en même temps des deux côtés, forment dans chacun de ces côtés un système indépendant du système opposé, qu’il y a, si je puis m’exprimer ainsi, une vie droite et une vie gauche, que l’une peut exister, l’autre cessant son action, et que sans doute même elles sont destinées à se suppléer réciproquement.

C’est ce qui arrive dans ces affections maladives si communes, où la sensibilité et la motilité animale, affoiblies ou même entièrement anéanties dans une des moitiés symétriques du corps, ne se prêtent à aucune relation avec ce qui nous entoure; où l’homme n’est d’un côte guère plus que ce qu’est le végétal, tandis que de l’autre côté il conserve tous ses droits à l’animalité, par le sentiment et le mouvement qui lui restent. Certainement ces paralysies partielles, dans lesquelles la ligne médiane est le terme où finit, et l’origine où commence la faculté de sentir et de se mouvoir, ne doivent point s’observer avec autant de régularité dans les animaux qui, comme l’huître, ont un extérieur irrégulier.

La vie organique, au contraire, fait un système unique où tout se lie et se coordonne, où les fonctions d’un côté ne peuvent s’interrompre sans que, par une suite nécessaire, celles de l’autre ne s’éteignent. Le foie malade à gauche influe à droite sur l’état de l’estomac; si le colon d’un côté cesse d’agir, celui du côté opposé ne peut continuer son action; le même coup qui arrête la circulation dans les gros troncs veineux et la portion droite du cœur, l’anéantit aussi dans la portion gauche et les gros troncs artériels spécialement placés de ce côté , etc., d’où il suit qu’en supposant que tous les organes de la vie interne, placés d’un côté, cessent leurs fonctions, ceux du côté opposé restent nécessairement dans l’inaction, et la mort arrive alors.

Au reste, cette assertion est générale; elle ne porte que sur l’ensemble de la vie organique, et non point sur tous ses phénomènes isolés; quelques-uns, en effet, sont doubles et peuvent se suppléer, comme le rein et le poumon en offrent un exemple.

Je ne rechercherai point la cause de cette remarquable différence qui, dans l’homme et les animaux voisins de lui, distingue les organes des deux vies; j’observerai seulement qu’elle entre essentiellement dans l’ordre de leurs phénomènes, que la perfection des fonctions animales doit être liée à la symétrie généralement observée dans leurs organes respectifs, en sorte que tout ce qui troublera cette symétrie, altérera plus ou moins ces fonctions.

C’est de là sans doute que naît cette autre différence entre les organes des deux vies, savoir, que la nature se livre bien plus rarement à des écarts de conformation dans la vie animale que dans la vie organique. Grimaud s’est servi de cette observation, sans indiquer le principe auquel tient le fait qu’elle nous présente.

C’est une remarque qui n’a pu échapper à celui dont les dissections ont été un peu multipliées, que les fréquentes variations de forme, de grandeur, de position, de direction des organes internes, comme la rate, le foie, l’estomac, les reins, les organes salivaires, etc. Telles sont ces variétés dans le système vasculaire, qu’à peine deux sujets offrent-ils exactement la même disposition au scalpel de l’anatomiste. Qui ne sait que les organes de l’absorption, les glandes lymphatiques en particulier, se trouvent rarement assujettis, dans deux individus, aux mêmes proportions de nombre, de volume, etc.? Les glandes muqueuses affectent-elles jamais une position fixe et analogue?

Non-seulement chaque système, isolément examiné, est assujetti ainsi à de fréquentes aberrations, mais l’ensemble même des organes de la vie interne se trouve quelquefois dans un ordre inverse de celui qui lui est naturel. On apporta, l’an passé, dans mon amphithéâtre, un enfant qui avoit vécu plusieurs années avec un bouleversement général des viscères digestifs, circulatoires, respiratoires et secrétoires. A droite se trouvoient l’estomac, la rate, l’S du colon, la pointe du cœur, l’aorte, le poumon à deux lobes, etc. On voyoit à gauche le foie, le cœcum, la base du cœur, les veines caves, l’azygos, le poumon à trois lobes, etc.

Tous les organes placés sous la ligne médiane, tels que le médiastin, le mésentère, le duodénum, le pancréas, la division des bronches, affectoient aussi un ordre renversé. Plusieurs auteurs ont parlé de ces déplacemens de viscères, dont je ne connois pas cependant d’exemple aussi complet.

Jetons maintenant les yeux sur lés organes de la vie animale, sur les sens, les nerfs, le cerveau, les muscles volontaires, le larynx; tout y est exact, précis, rigoureusement déterminé dans la forme, la grandeur et la position. On n’y voit presque jamais de variétés de conformation; s’il en existe, les fonctions sont troublées, anéanties; tandis qu’elles restent les mêmes dans la vie organique, au milieu des altérations diverses des parties.

Cette différence entre les organes de deux vies tient évidemment à la symétrie des uns, que le moindre changement de conformation eût troublée, et à l’irrégularité des autres, avec laquelle s’allient très-bien ces divers changemens.

Le jeu de chaque organe est immédiatement lié, dans la vie animale, à sa ressemblance avec celui du côté opposé, s’il est double, ou à l’uniformité de conformation de ses deux moitiés symétriques, s’il est simple. D’après cela on conçoit l’influencé des changemens organiques sur le dérangement des fonctions.

Mais ceci deviendra plus sensible, quand j’aurai indiqué les rapports qui existent entre la symétrie ou l’irrégularité des organes, et l’harmonie ou la discordance des fonctions.

Recherches physiologiques sur la vie et la mort

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