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A jeunesse s’est en partie écoulée en province.–Jusqu’à l’âge de vingt ans, j’y ai vécu de cette vie grise toute de demi-jour, si rassérénante pour ceux que la fièvre de Paris a brûlés, desséchante au contraire pour ceux auxquels un certain gaspillage de forces est nécessaire pour arriver à la santé. Comme tant d’autres, j’ai vécu cette vie, sans trop d’impatience, au milieu d’amitiés froides et blafardes qui n’ont jamais creusé de profonds sillons dans mon cœur. C’est peut-être à cause de cela même que je suis entré de plain-pied dans la vie réelle sans regarder dans le passé où je n’avais pas trouvé par trop d’épines; mais par contre, point de fleurs dont le relent vous revient sous la forme de souvenir en vous faisant à votre insu bâtir l’avenir avec les pierres de ce qui n’est plus. Je n’avais pas de ruines pour m’abriter comme quelques autres! Ceux-ci sont-ils les déshérités ou les bénis? Les souvenances de la jeunesse ne sont-elles pas des tentes où l’on aime à se reposer quand le soleil brûlant vous frappe au cerveau et vous fait las avant d’arriver au but! Toujours est-il que j’entrais en pleine vie humaine, fort naïf en espérances, et rempli de toutes ces forces qui n’attendent qu’une occasion pour se dépenser.

Alors, j’ignorais toute ma puissance, chère et aimable puissance qui, comme la boîte de Pandore, laisse échapper tous les maux et tous les bonheurs. On ne nombre jamais les millions que l’on a dans le cœur, que lorsque, inconscient, on les a semés sur la grande route! Las! il n’y a plus de retour! Mais, bien heureux sont ceux qui se souviennent des beaux jours où çà et là ils ont semé ce précieux capital qui ne porte intérêt que lorsque, plus tard, on descend la colline. Je n’avais donc pas à me souvenir et, semblable aux peuples heureux, mes vingt ans n’avaient point d’histoire!

Toutefois, ce qui est vrai pour la fourmilière humaine, n’est pas applicable à l’individu. Et s’il n’est pas bon de lire trop tôt dans le livre du cœur, il est quelquefois fatal de n’y lire que trop tard. Ni jamais ni toujours, dit le proverbe.


Moi et l'autre

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