Читать книгу Le Gastronome français, ou L'art de bien vivre - Charles-Louis Cadet de Gassicourt - Страница 10

De quelques usages gourmands; des repas et de la batterie de cuisine des anciens.

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LA sobriété des Perses fut, dit-on, mise en son jour lorsque sur le champ de bataille leurs corps desséchés et diaphanes résistèrent beaucoup plus long-temps à la corruption que ceux de leurs ennemis. Cette preuve sans doute est sans réplique, puisqu’elle est appuyée du témoignage des plus graves historiens, et c’est un bel effet de la tempérance que de pouvoir retarder de vingt-quatre heures l’évaporation de quelques reliques insensibles.

Toutefois les écrivains qui ont vanté l’austérité des anciens nous ont aussi conservé leurs usages les plus reculés; et dès le temps de la guerre de Troie il est constant qu’en Grèce on faisait régulièrement quatre repas par jour, ce qui annonçait un penchant bien invétéré pour la gourmandise.

Le premier repas se nommait acratisma ou dianestismos; c’était notre déjeûner.

L’ariston ou dorpiston se faisait à peu près à l’heure du dîner de nos provinces.

L’hesperisma, en latin merenda , était un repas intermédiaire que l’on nomme encore le goûter dans les pays ou il s’est conservé, mais que le dîner tardif de Paris a tout-à-fait proscrit parmi nous.

La cêne ou souper, dont le nom savant est dipnon ou epidorpis, a toujours été le repas de prédilection des bons convives de l’antiquité comme de ceux de notre âge. Les héros d’Homère faisaient ordinairement leurs festins à la chûte du jour: c’est le soir que mangeaient les Asiatiques, les Grecs, les Egyptiens et les Romains; et le choix de cette heure prouve que, pénétrés de l’importance des fonctions digestives, ils voulaient être libres de soucis, dégagés du poids des affaires, et tout entiers au plaisir de la table.

Ces différens repas avaient leurs mets distincts, leurs instrumens particuliers, leur appareil convenable.

C’est au dîner et au souper que se déployaient toute la pompe des banquets et tout le génie de la cuisine.

On a découvert à Herculanum des cuisines avec des potagers et des fourneaux en brique à peu près semblables aux nôtres. On y voit une grande cheminée pour les potages, une autre pour les rôtis, un four, des tables épaisses et solides, un billot, une pompe, une enceinte vaste et voûtée, afin de prévenir les ravages du feu. Cette distribution n’a rien laissé à perfectionner pour le facile exercice de l’art gastronomique.

Les ustensiles trouvés dans ces cuisines étaient aussi nombreux et non moins finis que ceux qu’on fabrique de nos jours; ils avaient de plus l’avantage d’être en bronze, épais, et étamés en argent fin: tels étaient les grils, les passoires, les tourtières, les coquilles à mouler la pâtisserie, etc.

On a trouvé jusqu’à un pâté aux trois quarts cuit, conservé entier dans un four, où il avait été étouffé par les cendres amoncelées du Vésuve. Que je plains ceux pour qui il cuisait!

Les assiettes, les tasses et les cuillères étaient le plus ordinairement de bronze. La faïence et la porcelaine sont, il est vrai, d’un usage beaucoup plus agréable; cependant les anciens avaient des vases d’argile, et la délicatesse des Etrusques peut donner la mesure de leur luxe en ce genre. Ils avaient aussi des caraffes de cristal, des aiguières et des seaux de terre pour rafraîchir le vin, et une foule d’instrumens ingénieux qui l’emportaient peut-être sur les raffinemens modernes.

Les ruines n’ont pas révélé de fourchettes; de sorte que les faiseurs de conjectures peuvent penser, si bon leur semble, que les anciens mangeaient la salade avec leurs doigts, ou bien qu’à la manière des Chinois ils escamotaient leurs morceaux avec deux petits bâtons d’ivoire ou de métal. Néanmoins il est présumable que cet ustensile ingénieux était compris, ainsi que le couteau, dans le couvert complet que le peuple avait en bronze ou même en bois, mais que les riches faisaient fabriquer en argent, en or, et en dents d’éléphant.

Les marmites trouvées à Herculanum étaient à trois pieds comme les marmites du dix-huitième siècle; mais elles étaient de bronze étamé, et avaient en dedans un gros cylindre creux qui rentrait dans la marmite, afin que le feu la pénétrât plus rapidement. Le couvercle pour se plier à cette forme était en dôme, et c’est peut-être cette marmite qui a donné l’idée première du Panthéon français. Beaucoup d’autres inventions, non moins glorieuses et plus utiles, sont sorties de la même source.

Quoi qu’il en soit, le plan de cette marmite se trouve dans les recherches de M. Fougeroux dé Bondaroy, publiées en 1770. Nous indiquons cet ouvrage aux artistes qui voudraient perfectionner la marmite, et nous leur recommandons d’y porter une attention féconde; ils y trouveront de nombreux sujets de méditation sur les monumens de toute sorte, manifestés par les fouilles de ces villes ensevelies, où la gourmandise industrieuse du plus grand peuple de la terre a déposé des reliques dignes de nous servir de modèles.

Le Gastronome français, ou L'art de bien vivre

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