Читать книгу Le Gastronome français, ou L'art de bien vivre - Charles-Louis Cadet de Gassicourt - Страница 13

Article quatrième.

Оглавление

Table des matières

C’EST aux fêtes de Cérès que les anciens redoublaient de zèle et de dévotion pour Cornus. Le temps où la déesse déployait toutes ses richesses était celui où le dieu déployait tout son art, et ce temps, dans nos climats, devait répondre au mois de septembre.

Dans les grands repas on avait coutume de servir une pyramide de cent mets différens: on la nommait le plat centenaire. Ésope parle de cet usage, et le premier des Apicius s’y conforma, dit-on, scrupuleusement; mais le magnifique Lucullus proscrivit cette profusion perpendiculaire et gothique, pour y substituer une abondance variée, commode, répandue par un goût plus pur dans cent plats horizontaux placés à la portée de chaque convive. Cette simplicité, qui n’excluait pas la richesse, prévalut dans les tables des Apicius II et III du nom, et la forme pyramidale n’est adoptée de nos jours que pour les surtouts de desserts.

On sait que l’augure Hortensius sacrifia les premiers paons dont s’honore la gourmandise romaine.

L’automne, qui était le temps des repas les plus somptueux, se signalait par beaucoup de mets que nous négligeons, et qui, si nous en jugeons par ce qu’en ont dit les historiens, avaient de quoi flatter le palais des plus délicats.

L’ours et le loir, grâce à l’art du cuisinier, étaient des pièces de gibier aussi estimées que le sanglier et le daim. Dans le banquet de Trimalcion, Habinnas en mangea plusieurs livres, et ce fut un des souvenirs les plus succulens qu’il en conservât.

Le francolin de Phrygie, les tourds galliques, le galbula, qu’on croit être le loriot, étaient des oiseaux distingués auxquels on donnait la préférence sur les faisans, les tourterelles, les pigeons ramiers, et même les perdrix mouchetées (Guttatæ).

Il est de la gloire des artistes distingués, tels que MM. Balaine, Véry, Lointier, Grignon , Vefour,. Léther, Prevot, Lemardelai, Gueite, etc., de rechercher les sauces auxquelles on mettait ces oiseaux, comme il est de notre devoir de les inviter à faire cette recherche utile.

Nous leur indiquons encore les œufs de paon comme une chose digne de leur attention. Comment se pourrait-il, lorsque leur art a conservé de la vénérable antiquité la méthode des pieds à la Sainte-Menehould, des tourtes aux raisins et des andouilles; comment se pourrait-il, dis-je, qu’ils ne retrouvassent pas le moyen d’accommoder tout ce qui est susceptible de se cuire et d’être mangé...

Je recommande à mes lecteurs de puiser aux sources, et je les renvoie à mes autorités. Qu’ils consultent Athénée, Théophraste, Aristophane, Casaubon, Eudoxe, Platon, Phérécide, Archestrate, etc. La liste seule des auteurs qui ont traité de la cuisine ferait honneur à un érudit.

Je ne sais si cette recette est connue de M. Appert, laquelle consistait à confire, avec du vinaigre et de la moutarde, des raves coupées par morceaux: cela vaut mieux, au goût de quelques amateurs, que le cornichon même, qui pourtant est d’une ressource si heureuse dans l’art alimentaire.

Les raves ainsi conservées se servaient ordinairement au goûter, et se mangeaient sans apprêt. On avait aussi pour ce repas intermédiaire des pois chiches rôtis, également agréables, avec ou sans sauce, des olives conservées dans la saumure, enfin des cercopes et des cigales, dont le goût avait quelque chose de plus agréable que la chevrette et l’écrevisse.

Je ne blâme pas l’usage qu’avaient les anciens de faire quatre repas; mais pour jouir avec une égale volupté de palais et d’estomac, il est peut-être plus sage de ne faire, comme la plupart des gourmands modernes, que deux repas par jour. Le friand déjeûner à la fourchette commence dignement la journée gourmande. Quelques rognons à la brochette, un pied farci aux truffes et deux tranches de galantine mettent suffisamment en appétit le matin; les fibres, aiguisées légèrement, gardent tout leur ressort pour l’heure du dîner qui se prolonge, de service en service, au moins jusqu’à neuf heures.

Je ne prétends pas cependant condamner les friandises du goûter et la liberté du souper nocturne; je sais combien de jolies choses se disent, se font et se mangent à ces repas de prédilection. Je voudrais pouvoir rester en ce point fidèle aux règles antiques; mais, hélas! pour qui déjeûne et dîne avec franchise, il reste peu de place au souper.

La puissance de l’homme est bornée, et le plus gourmand n’a qu’un estomac.

Cette réflexion mélancolique est tirée d’un traité très-ancien sur les lois de la table, et que je croirais grec si l’on n’y donnait beaucoup d’éloges à la philosophie d’Esope, lequel n’est pas le Phrygien qui fit des fables, mais le comédien célèbre par son art, et plus encore par ses profusions gourmandes, dont Rome s’honora dans les jours de sa gloire.

Il n’est sauce que de cherté était une de ses maximes favorites. Voici d’autres pensées que notre auteur lui attribue, et qui sont dignes de terminer cet article:

Les bonnes tables sont celles où il y a plus de mets que de convives.

Les jours se divisent par avant et après le dîner: nous tournons autour de ce principal pivot de notre vie.

On n’a point d’ami avec qui l’on n’ait dîné.

Il n’est personne qui n’ait involontairement médité sur un bon plat.

Toute la vaine science des hommes n’aurait pas découvert les truffes.

Dis-moi qui tu hantes, je te dirai ce que tu manges.

Le Gastronome français, ou L'art de bien vivre

Подняться наверх