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Des ouvrages relatifs à l’art culinaire.

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Hoc salsum est, hoc adustum est, hoc lautum est parum,

Illud rectè.......

TERENC. ADELPH.

PARMI les anciens les Grecs l’ont emporté sur les Perses, et les Romains sur les Grecs; parmi les modernes les Français ont vaincu tous leurs rivaux, Anglais, Italiens et Allemands, dans le grand art de la cuisine.

Les Français ne sont pourtant pas les plus gourmands, et leur supériorité en ce genre, comme en beaucoup d’autres, tient sans doute à des causes occultes que la science seule ne saurait découvrir. Nous pourrions, comme de profonds écrivains, donner ici des conjectures subtiles et des probabilités imposantes; mais nous avons résolu de nous en tenir à l’autorité des faits.

Quoi qu’il en soit, la gloire de la cuisine française remplit l’univers entier, et il n’est point dans les nations policées de gentilhomme tranchant du seigneur qui n’aspire à l’honneur d’avoir un cuisinier français; c’est une sorte de suzeraineté que toutes les puissances reconnaissent tacitement à la France . La mode et la cuisine frappent continuellement monnaie à son coin; les chiffons et les recettes qui sortent de ce double atelier ont cours dans les quatre parties du monde; de sorte qu’en tout ceci encore, comme dans tout le reste, les gourmands et les belles servent la patrie de concert.

Ce n’est pourtant pas la France qui hérita la première des élémens de la cuisine antique, de cet art qui, cultivé long-temps à Athènes et dans toute la Grèce par les Hégénon, les Théarion, les Mithœcus, les Philoxéne etc., fut porté à Rome à un si haut degré de perfection par les Lucullus, les Apicius et les Esope.

Les Italiens recueillirent les premiers les débris de la cuisine romaine, comme ceux des belles-lettres et de tous les arts; ce sont les Italiens qui nous ont fait connaître cette science, appelée par Montaigne (n’en déplaise à certain critique ) science de gueule; par Lamotte-le-Vayer, gastrologie, et par la chimie moderne science culinaire.

Elle éprouva d’abord des obstacles et des persécutions; plusieurs de nos rois tentèrent d’empêcher sa propagation par des édits: enfin elle triompha des lois sous Henri II, et sur les pas de Catherine de Médicis les cuisiniers de delà les monts vinrent s’établir en France. Ce n’est pas une des moindres obligations que nous ayions à cette illustre reine, qui était, selon le sieur de Brantôme, moult agréable, le cœur haut et grand, l’esprit des plus subtils, les manières engageantes, et en toute sa personne, si qu’on ne peut rien voir de plus délicat, gracieux imposant, et digne du rang de roine.

Le seizième siècle avait enfanté de nombreuses productions sur cette science intéressante.

Dès 1516 le livre de honestâ Voluptate, imprimé à Venise, avait rappelé les bons esprits, unis aux bons estomacs, à l’amour de la bonne chère: il fut dédié au cardinal Roverella par le célèbre écrivain de la vie des Papes, Platina.

En 1534 on publia à Francfort l’Ecole apicienne, et en 1536 Venise fut enrichie de l’Art des Festins, contenant la méthode d’accommoder les oiseaux, les poissons, toutes sortes de chairs, de fruits et de légumes, pour le plus grand plaisir de la bouche.

La même cité vit naître l’année suivante le Traité de Dominique Romoli, lequel fut réimprimé en 1560 avec augmentation sur tout ce qui concourt à la perfection des banquets dans toutes les saisons.

Enfin, en 1541 parut le livre fameux de Cœlius Apicius, de Re culinaria, réimprimé avec des notes de Gabriel Humelberg, savant allemand, en 1542, et régénéré en 1709 par le savant Lister à qui l’on doit la première ébauche du Cuisinier français. Les presse de Bâle, de Francfort et d’Amsterdam multiplièrent alternativement les éditions de cet ouvrage avec les honneurs de l’in-4°.

L’Espagne disputait en même temps à l’Allemagne et à l’Italie la gloire d’écrire sur la cuisine; et en 1544 le seigneur Ruberto de Tolède composa un livre de cuisine intitulé Libro de guisados mangares y potages.

L’ouvrage de Messisburgo, en neuf livres, sur la manière d’ordonner les banquets et d’apprêter les mets, eut beaucoup de réputation; publié en 1549 à Ferrare, il fut réimprimé en 1581, puis en 1617.

L’Ars magirica, hoc est coquinaria, de Jodochio Villichio, le fit oublier.

La Cuisine secrète du pape Pie V avec figures, par Barth. Scappo, fut très-recherchée, et on la réimprima en 1605 avec le Traité du Maître-d’hôtel et de l’Ecuyer tranchant.

Il existe dix ou douze ouvrages différens sous ces deux derniers titres, dont plusieurs ont paru en même temps dans le seizième siècle à Rome, à Venise, à Turin et en Allemagne.

Je ne cite pas la dixième partie des livres publiés à cette époque sur la cuisine; un grand nombre fut traduit en plusieurs langues, et même en français. Le Grand Cuisinier, de B. Platina, y fut translaté en 1588 par Desdier Christol.

On se doute bien que le dix-septième siècle ne fut pas moins fécond que le précédent; c’est en effet le beau siècle de la littérature et de la gourmandise; et la plupart des traités, déjà connus, furent revus, perfectionnés, embellis, sans préjudice des créations nouvelles: ce temps était près de celui de la régence, où l’on n’eut rien de mieux à faire que de manger.

L’Appareil des Banquets, de Venantio Matheo; la Cæna, de Bapt. Fiera; le Festin, d’Ottavio Rubertho; le Cuisinier-pratique, de Vittorio Lancelloto; les Conférences sur la Cuisine, de Marcius Cognatus; l’Ictiophagia, de Nonius; Mensa philosophica, de Michel Scot, ou Euchiridion in quo de rebus mensalibus, etc.: enfin mille volumes honorables pour l’appétit humain, purent dès-lors orner la bibliothèque des curieux.

Citerai-je les incomparables productions composées seulement sur le vin? Les sept livres d’André Baccius sur les vins d’Italie, du Rhin, de France, d’Espagne, et de toute l’Europe; l’Histoire du Vin, de Maurice Tirellus; la Nature des Vins différens, par Jacques Præfectus; de l’Usage du Vin chaud pour exciter les désirs, de Vincent Butius, etc., etc.

Le sel, le poivre, le lait, ont occupé des légions d’amateurs, et même de graves médecins, qui, croyant donner des leçons d’hygiène, n’ont en effet ouvert qu’un cours de gourmandise; tels sont de Re cibariâ, de Nonius; de Naturâ Vini, de Confalonerius; dell’ Insalata, de Sauveur Massonio; de Alimentorum facultate, de Siméon Séthus, professeur; de Cibi et del Bere, de Baldassare; de Prandiiac Cœnæ modo Libellus, de Math. Curtius; del Convito, d’Ottavio Magnanino, et mille autres que nous pourrions nommer au lecteur curieux de consulter ces docteurs dignes de nos hommages; mais nous nous en référons aux leçons de notre docte et aimable convive M. D. S. U., le successeur et l’interprète de nos professeurs les plus illustres.

Quoique nous n’ayons pas l’intention de faire ici l’immense catalogue des livres composés sur la cuisine, nous ne pouvons nous refuser à citer encore la Manière d’amollir les Os et de faire cuire les Viandes à peu de frais, par Papin, le précurseur des gélatines de notre estimable collègue M. Cadet-Devaux, tant il est vrai qu’on n’invente plus rien sous le soleil!

Il faut enfin parler du dix-huitième siècle, où les connaissances humaines, perfectionnées en tous sens, donnèrent à l’art de la cuisine un nouvel essor.

Dès l’aurore du siècle parut le Nouveau Cuisinier royal et bourgeois, de Massialot, en deux volumes; le Cuisinier français, du docte Lister; l’Ecole parfaite des Officiers de bouche, publiée en 1708; le Cuisinier moderne, les Festins antiques, de Conviviis, du jésuite Jules Cacsar-Bullengeri, etc.

C’est alors que la cuisine devient réellement une science, et que les grammaires, les dissertations, les dictionnaires de cette science prennent une place remarquable dans l’histoire bibliographique.

En 1759 le Nouveau Cuisinier français reparut sous le nom de Meleon, avec une préface curieuse des pères Brumoy et Bougeant, jésuites, tous deux célèbres par leurs écrits et par leur gourmandise. M. Desalleux, fils aîné de l’ambassadeur de France à Constantinople, publia contre cette préface la lettre d’un pâtissier anglais, avec un extrait du Crafstman.

On écrivit, en 1741, un savant mémoire sur l’usage du Digesteur, de Papin.

Pour ceux qui n’avaient pas de cuisinier on composa, en 1746, la Cuisinière française, suivie de l’Office, par Menon; le Cuisinier gascon avait déjà paru à l’usage des gens qui n’avaient pas un bon dîner chez eux.

Enfin, en 1749, on vit paraître l’un des ouvrages qui honorent le plus ce genre; c’est l’art de la cuisine réduit en pratique, connu sous le titre des Dons de Comus, par Marin. Un homme de goût, Querlon, l’orna d’une préface: c’est pour la science gourmande la préface de l’Encyclopédie; aussi les Dons de Cornus eurent-ils, comme la science encyclopédique, les honneurs de l’ordre alphabétique. En 1750, M. Briaud publia le Dictionnaire des Alimens, Vins et Liqueurs; et quelques années après le sieur Vincent donna une nouvelle extension à ce répertoire précieux, sous le nom de Dictionnaire portatif de Cuisine, d’Office et de Distillation.

Une foule de traités, indispensables à ceux qui se livrent au négoce du comestible, parurent presqu’en même temps. Le Traité de la Distillation, de Dejean, dont on vient de donner une nouvelle édition, le Cannaméliste français, en forme de dictionnaire, par Gilfiers; la Chimie du Goût, par Pissot; la Science du Maître-d’Hôtel cuisinier, et celle du Maître-d’Hôtel confiseur, dont la première édition est de 1768, et la seconde de 1776. Le Maître-d’Hôtel cuisinier était précédé d’une dissertation préliminaire sur la cuisine moderne, attribuée à M. de Foncemagne, de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.

L’auteur de la Cuisinière française, vétéran dans le service, et célèbre depuis 1746, voulut mettre le sceau à sa gloire, et, après trente-deux ans d’étude, publia les Soupers de la Cour, ou l’Art de travailler toutes sortes d’alimens pour les meilleures tables, selon les saisons. Cet ouvrage de Menon eut et mérita beaucoup de succès; il est devenu fort rare, et depuis long-temps les vrais amateurs soupirent après sa réimpression.

Mais ce qui étonnera peut-être les admirateurs de notre collègue M. G. D. L. R., c’est qu’il a été devancé dans la noble entreprise qu’il poursuit d’une manière si supérieure. Sans parler de l’Almanach du Goût, par Lafaye, qui subsista depuis 1751 jusqu’à l’année 1773, il parut en 1779 un Almanach du Comestible, qui eut tant de succès, qu’on le fit suivre de deux ou trois supplémens. Comme l’Almanach des Gourmands, il mettait à contribution les magasins innombrables de la capitale; comme notre journal il renfermait des vers bachiques et gourmands, et de la littérature galante et gourmande; comme nous il citait les anciens et les modernes, et déployait une érudition qui aurait effrayé la nôtre si un gourmand ne digérait pas facilement tout ce qui passe. Mais, comme nous espérons surpasser nos devanciers et nos modèles (notre grand expert, M. G. D. L. R., excepté) , nous n’éprouvons qu’une ardeur plus vive à la vue de l’immense carrière qui s’ouvre devant nous, et que nous allons parcourir mensuellement de compagnie avec nos illustres collègues, après avoir terminé ce qu’il nous reste à dire sur l’Histoire de la gourmandise.

Le Gastronome français, ou L'art de bien vivre

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