Читать книгу La Querelle d'Homère dans la presse des Lumières - David D. Reitsam - Страница 5
Introduction
ОглавлениеLe Caffé est très en usage à Paris […]. Mais ce qui me choque de ces beaux esprits ; c’est qu’ils ne se rendent pas utiles à leur Patrie, et qu’ils amusent leurs talents à des choses pueriles : par exemple, lorsque j’arrivai à Paris, je les trouvai échauffez sur une Dispute la plus mince, qui se puisse imaginer : il s’agissoit de la réputation d’un vieux Poëte Grec, dont, depuis deux mille ans on ignore la Patrie aussi bien que le temps de sa mort. Les deux partis avouoient que c’étoit un Poëte excellent : il n’étoit question que du plus ou du moins de mérite qu’il falloit lui attribuer. Chacun en vouloit donner le taux : mais, parmi ces distributeurs de réputation, les uns faisoient meilleur poids que les autres ; voilà la querelle : elle étoit bien vive ; car on se disoit cordialement de part & d’autre des injures si grossières ; on faisoit des plaisanteries si ameres, que je n’admirois pas moins la manière de disputer, que le sujet de la dispute1.
Ainsi Montesquieu, Charles Louis de Secondat deMontesquieu décrit-il la Querelle d’Homère dans Les Lettres persanes et la violence de la dispute le surprend. Selon le philosophe des Lumières, il s’agit d’une querelle sans grande importance, ce qui tranche avec l’intérêt que Simon-Augustin Irailh, Simon-AugustinIrailh porte à cette querelle dans le cadre des querelles en général. Dans la préface de ses Querelles littéraires, qui sont composées de quatre tomes, il écrit en 1761 :
Au milieu de toutes ces disputes, soutenues de part & d’autre avec tant de chaleur, à travers ce fatras d’injures & de libèles, parmi ces révolutions continuelles de la république des lettres, le lecteur pourra suivre le fil de nos connoissances, les progrès du goût ; la marche de l’esprit humain2.
Tel un ThéséeThésée qui parvient à sortir du labyrinthe et échappe au Minotaure grâce au fil d’ArianeAriane, Irailh, Simon-AugustinIrailh considère la suite des querelles à travers les siècles comme le fil conducteur à partir duquel il est possible de structurer une histoire littéraire. Aujourd’hui, on semble renouer avec cette passion pour les querelles. Dans son compte-rendu du livre The Shock of the Ancient de Larry F. Norman, Marie-Pierre Harder résume ce regain d’intérêt en énumérant les études récentes de Joan Dejean, de Marc Fumaroli, de Levent Yilmaz et de Francois Hartog qui proposent tous de nouvelles approches d’analyse. À la suite de ces cinq publications – de Dejean à Norman –, l’intérêt pour ces disputes, notamment pour la Querelle des Anciens et des Modernes, ne retombe pas. Trois colloques internationaux en confirment l’actualité : en 2012, Christelle Bahier-Porte et Claudine Poulouin organisent à l'ENS Lyon le colloque « Écrire et penser en Moderne (1687-1750) » qui est consacré à la « nouvelle culture – culture de méthode plus que de savoir3 » des Modernes. Puis, en 2016, les participants au colloque « The Long Quarrel : Ancients and Moderns in the Eighteenth Century », qui fut organisé par Wyger Velema, Eleá de la Porte et Jacques Bos de l’Université d’Amsterdam, discutent de la question de savoir de quelle manière les auteurs du XVIIIe siècle ont perçu la relation entre leur époque et l’Antiquité. Enfin, en 2019, Delphine Reguig et – de nouveau – Christelle Bahier-Porte ont proposé un colloque à Saint-Etienne. Cette fois-ci, l’accent fut mis sur le rapport des Anciens et des Modernes aux pouvoirs de l’époque, c’est-à-dire l’Église, le Roi et les Académies.