Читать книгу Lettres de Mmes. de Villars, de Coulanges et de La Fayette, de Ninon de L'Enclos et de Mademoiselle Aïssé - de Lenclos Ninon - Страница 26
LETTRES DE MMES. DE VILLARS, DE COULANGES, ET DE LA FAYETTE; DE NINON DE L'ENCLOS, ET DE MADEMOISELLE AÏSSÉ; Accompagnées de Notices biographiques, de Notes explicatives, et de la Coquette Vengée, par Ninon de l'Enclos.
SECONDE ÉDITION.
TOME PREMIER
LETTRES DE MADAME DE VILLARS, A MADAME DE COULANGES
LETTRE XXIII
ОглавлениеMadrid, 26 septembre 1680.
Je reçois présentement vos lettres. Je dirai aujourd'hui à la reine tout ce que vous m'écrivez d'honnête et d'obligeant pour elle. Que dix-huit ans et une heureuse disposition à croire tout ce qu'on souhaite, sont choses agréables, et conservent bien la santé et la beauté! Pour moi, je lui dis tous les jours que, par malheur, j'ai toute ma vie été opposée à cette heureuse situation.
Celle de la pauvre connétable Colonne est à présent bien détestable. Il y a plus de deux mois que je lui ai prédit ce qui arriveroit. Mais, sans nulle réflexion, elle vivoit au jour la journée, comptant qu'on la laisseroit jouir de la liberté de sortir de sa maison, de faire des visites, et qu'on ne parleroit de rien qu'après les noces de son fils aîné. Il y a douze ou quinze jours qu'on lui vint signifier, de la part du roi, qu'il ne se mêloit plus de ses affaires, et qu'elle songeât à obéir à son mari, qui vouloit la mener ou l'envoyer en Italie. Le lendemain, elle eut une défense de ne plus sortir de chez elle; le jour d'après, de ne plus voir personne; et, à tout moment, elle est dans les horreurs qu'on ne l'entraîne avec violence, et qu'on ne la mette dans une litière pour la mener où il plaira à son mari. Je ne veux pas justifier sa conduite passée, mais il faut convenir, en s'en souvenant, qu'elle a bien sujet de ne vouloir pas se confier à un mari italien. Elle fait ce qu'elle peut pour obtenir qu'on l'enferme ici dans le plus austère couvent qu'il y ait. Je ne sais pas ce qu'on lui accordera: elle n'a contre elle que le roi, le premier ministre, son mari, toute la famille Balbasès. Elle me fait beaucoup de pitié.
Si j'en juge par les amples relations de Madame21 à la reine d'Espagne, jamais les plaisirs n'ont été pareils à ceux dont on jouit à Versailles.
M. de Villars dit toujours qu'il veut me renvoyer, à cause que la misère augmente à Madrid, et que, sans moi, il fera beaucoup moins de dépense. Je ferai tout ce qu'il voudra, quoiqu'avec peine, si je le laisse dans un lieu aussi triste, et dans un état aussi chagrinant que le sien. Jusqu'ici, on ne nous a point encore ôté le bien de la santé; mais ce bien est fragile et très-sujet à ne point durer, sur-tout quand on n'est plus jeune22. Adieu, madame; tels que nous sommes, c'est entièrement à vous.
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Charlotte-Elisabeth de Bavière, princesse palatine, seconde femme de Monsieur.
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M. et madame de Villars avoient tous deux 55 ans. Il mourut en 1698; elle en 1706.