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LETTRES DE MMES. DE VILLARS, DE COULANGES, ET DE LA FAYETTE; DE NINON DE L'ENCLOS, ET DE MADEMOISELLE AÏSSÉ; Accompagnées de Notices biographiques, de Notes explicatives, et de la Coquette Vengée, par Ninon de l'Enclos.
SECONDE ÉDITION.
TOME PREMIER
LETTRES DE MADAME DE VILLARS, A MADAME DE COULANGES
LETTRE XXXV

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Madrid, 17 avril 1681.

Je vous rends grâces de l'impatience que vous me marquez de savoir le temps de mon retour; je ne puis vous le dire. On a mille choses à faire avant que de partir. C'est M. de Villars qui règle tout cela. J'ai pris congé de la reine ayant son départ pour Aranjuez. Elle m'a fort commandé de l'y aller voir; mais je ne sais si j'irai. Vous me demandez des raisons pour alléguer contre les torts qu'on me donne au pays où vous êtes; mais il me les faudroit apprendre auparavant. Tout ce que je sais de Paris, est qu'on publie que j'ai eu un grand démêlé avec un maître-d'hôtel de la jeune reine; mais, comme j'ai déjà répondu que je n'en connois pas un, et que jamais je n'ai eu le moindre mot avec homme ni femme, dedans ou dehors le palais, je ne saurois plus en rien dire. Toutes ces choses seront des nouveautés pour moi, quand j'arriverai à Paris. Il me semble qu'on dit encore que je vois trop souvent la reine. Si elle ne l'avoit pas voulu, cela n'eût pas été; et si, de France, on avoit ordonné à M. de Villars que mes visites fussent moins fréquentes, on ne se le seroit pas laissé dire deux fois. Je vous conterai un jour plus au long comme je m'y divertissois. Je vous supplie instamment encore une fois, ma chère madame, de laisser dire, sur mon sujet, tout ce qu'on voudra, pourvu que ces mensonges ne fassent point d'impression sur votre esprit: c'est tout ce que je désire de vous.

Ce que l'on vous mande de Rome de la connétable Colonne seroit meilleur pour elle que ce qui se passe ici. La pauvre femme est peut-être bien près d'éprouver de pires aventures que toutes celles qu'elle a eues par le passé. Il ne faut rien imputer à toutes ces sortes de têtes-là; mais on ne peut s'empêcher de la plaindre. C'est la meilleure femme du monde, à cela près qu'il n'est pas au pouvoir humain de lui faire prendre les meilleurs partis, ni de résister à tout ce qui lui passe dans la fantaisie. Son mari part samedi ou lundi avec ses enfans. Il a marié l'aîné, comme vous savez, avec une fille de Medina Celi, premier ministre, qu'il emmène aussi à Rome. La connétable demeure dans son couvent, où apparemment elle va manquer de tout. Elle y est déjà misérablement. Si je n'avois pas autant compati à son malheur, je n'aurois pu m'empêcher de me divertir à l'entendre parler comme elle fait. Elle a de l'esprit. Elle écrit que cela est surprenant, avec ses hauts et bas. Il étoit, en quelque sorte, facile à M. de Nevers, son frère, de la tirer du malheureux état où elle est, s'il étoit venu ici pour soutenir ses intérêts. Elle n'auroit pas été réduite à jouer la religieuse. Je pensai tomber de mon haut, quand le confesseur de la reine me dit qu'il lui alloit écrire la proposition de se faire religieuse pour sortir du château de Ségovie. Elle n'hésita pas un moment, comme je vous l'ai mandé, à trouver qu'elle en avoit la vocation. Je crus, au moins, qu'étant entrée dans le couvent, elle déclareroit qu'elle se moquoit, et que tout ce qu'elle avoit promis étoit pour sortir de prison; mais, au lieu de cela, elle prend l'habit dès l'instant qu'elle a mis le pied dans l'église. Il falloit que son frère vînt alors l'enlever de là, et tâcher de la faire aller demeurer avec la duchesse de Modène, comme on l'avoit proposé.

J'ai fort bien commencé et fini le carême; je n'en suis pas malade, Dieu merci. Le chocolat est une chose merveilleuse. N'en voudrez-vous point prendre?

On parle beaucoup de guerre avec le Portugal. Les deux princes veulent absolument qu'une certaine île soit à eux. Ils assurent qu'ils vont faire la guerre, si l'on ne la leur cède. On est pourtant tout-à-fait tranquille dans cette cour. Adieu, madame; je vous aime de tout mon cœur.

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