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LETTRES DE MMES. DE VILLARS, DE COULANGES, ET DE LA FAYETTE; DE NINON DE L'ENCLOS, ET DE MADEMOISELLE AÏSSÉ; Accompagnées de Notices biographiques, de Notes explicatives, et de la Coquette Vengée, par Ninon de l'Enclos.
SECONDE ÉDITION.
TOME PREMIER
LETTRES DE MADAME DE VILLARS, A MADAME DE COULANGES
LETTRE XXXIV

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Madrid, 3 avril 1681.

Vous, madame, plusieurs de mes amies, et même mes enfans, vous paroissez étonnés et comme fâchés de n'être point informés par mes lettres de tout ce qui se passe ici touchant le rappel de M. de Villars, et ce qui me regarde en mon particulier, jugeant qu'il faut bien que ce ne soit pas un secret en cette cour. Vous m'en croirez bien, ma chère madame, puisqu'assurément, dans le nombre de mes défauts, je n'ai point celui de mentir. Rien au monde n'est donc venu à notre connoissance de ce qu'on a pu inventer sur la conduite que j'ai tenue ici. Vous et mes enfans me dites seulement que j'ai fait des intrigues dans le palais. Si l'on savoit ce que c'est que l'intérieur de ce palais, et qu'aucune dame ni moi, ne nous disons jamais que bonjour et bonsoir, parce que je n'ai pu apprendre la langue du pays, on ne diroit pas que ça été avec les femmes, non plus qu'avec les hommes, dont aucun ne met le pied dans tout l'appartement de la reine. A l'égard du jeune roi, et de sa haine pour les François, qui est grande, je puis dire qu'elle est moins violente pour moi que pour les femmes françoises de la reine, par la raison qu'elles sont plus souvent auprès d'elle que je n'ai cet honneur. Si le premier ministre a fait négocier notre retour en France par l'ambassadeur d'Espagne, qui est à Paris, le roi, leur maître, n'en a rien su; car, le jour qu'on en eut ici la nouvelle, il parut fort étonné quand on la lui apprit, et demanda aussitôt si ce n'étoit point une marque qu'on allât rentrer en guerre avec la France. Jugez, sur cela, de beaucoup d'autres circonstances que je ne vous dis pas. Le roi et la reine sont dans une grande union, et meilleure, depuis deux ou trois mois, qu'elle n'a jamais été. Je ne me vanterai pas de m'être mêlée de donner des conseils à la reine; elle a un assez bon esprit pour n'en avoir pas besoin. Je ne sais si le roi lui communique les secrets de l'état; c'est ce qui n'est jamais entré dans les conversations que j'ai eu l'honneur d'avoir avec elle. Je ne sais plus que vous dire; car, en vérité, je ne trouve pas la moindre chose digne de remarque en tout ce qui s'est passé depuis que je suis en ce pays. Avec toute la tranquillité que doit inspirer le repos d'une bonne conscience, je suis pourtant affligée du malheur que j'ai de ne pouvoir quasi douter que mon nom n'a jamais été proféré que bien sinistrement devant tout ce qu'il y a de plus grand et de plus respectable dans le monde; et ce que je souffre à cet égard, me fait porter une véritable envie aux gens dont on n'a jamais entendu parler ni en bien ni en mal. Le jour que M. de Villars reçut son ordre pour son retour, je tremblois qu'il ne portât aussi de me faire partir incontinent. Mais, quand je sus qu'il n'y en avoit pas un mot, je pris patience. J'ai plus de reconnoissance de cette bonté du roi, malgré mon innocence, que n'en ont mille gens pour les solides bienfaits qu'ils reçoivent tous les jours de sa majesté. Je ne laisserai point de partir la première, parce que M. de Villars s'en ira plus vîte, quand il sera tout seul, dès le moment qu'il aura reçu les derniers ordres du roi. Adieu, madame; laissez dire de moi tout ce qu'on voudra. Je vous verrai bientôt; ce me sera une véritable joie. Quel voyage ai-je à faire, et quelle fatigue à essuyer!

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