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LETTRES DE MMES. DE VILLARS, DE COULANGES, ET DE LA FAYETTE; DE NINON DE L'ENCLOS, ET DE MADEMOISELLE AÏSSÉ; Accompagnées de Notices biographiques, de Notes explicatives, et de la Coquette Vengée, par Ninon de l'Enclos.
SECONDE ÉDITION.
TOME PREMIER
LETTRES DE MADAME DE VILLARS, A MADAME DE COULANGES
LETTRE XXXII

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Madrid, 6 février 1681.

Vous n'avez donc point reçu par le marquis de Ligneville, le petit présent que je croyois qui vous seroit fidèlement rendu? Les messagers ordinaires, à ce que je vois, ont plus d'honneur et de probité que les gens de qualité portant de beaux noms. Vraiment, madame, ce n'est pas pour le vanter; mais ce que je vous envoyois, quoique peu précieux et peu magnifique, étoit pourtant joli et bien choisi; et j'aimois à imaginer que tout cela vous plairoit. Ce Ligneville est des amis du marquis de Grana, et ma confiance étoit parfaite. Ne vous fatiguez d'aucun compliment pour la reine Catholique, je les lui fis hier.

L'on attend, tous les jours ici, la connétable Colonne, pour prendre l'habit de religieuse. Son mari, qui est fort avare, dispute sur le prix avec le couvent où elle doit entrer. Elle écrivoit, l'autre jour, que sa sœur Mazarin feroit bien mieux de venir se faire religieuse avec elle.

Je songe à ce que je puis vous dire de cette cour. Je ne manquerois pas de matière; mais, de si loin, il n'est pas possible de traiter beaucoup de sujets. La vie du palais ne convient point à des personnes qui n'y sont point nées, ou du moins qui n'y sont pas venues dès l'enfance; il faut pourtant dire la vérité en faveur des Espagnols, qu'ils ne sont ni si terribles, ni si soupçonneux qu'on nous les figure. Les reines sont toujours bien ensemble. Depuis le moment que la jeune est entrée en Espagne, M. de Villars s'est appliqué à la bien persuader qu'il falloit pour son repos, qu'elle fût en bonne union avec la reine, sa belle-mère, et qu'elle se gardât bien d'écouter des avis contraires. Je ne fais autre chose aussi que de tâcher de lui mettre cela dans la tête. Elle ne se divertit pas trop à raisonner sur la politique. Jusqu'ici tout a assez bien été; et, entre vous et moi, tout auroit été encore mieux, si, dès la frontière, on lui eût ôté généralement toutes les Françoises. On ne peut avoir plus d'esprit qu'elle en a, joint à mille aimables qualités. J'y vais toujours souvent, quoique je la supplie quelquefois de trouver bon que mes visites ne soient pas si fréquentes. Ma fille y va peu, quoique la reine m'ordonne souvent de la lui mener.

Je vous ai mandé que le comte de Monterei avoit été exilé. Le duc de Veragas le fut hier aussi. Il est dans l'alliance et ami de ce premier.

Je ne vous parle point de la misère de ce royaume. La faim est jusque dans le palais. J'étois hier avec huit ou dix Camaristes et la Moline qui disoient qu'il y avoit fort long-temps qu'on ne leur donnoit plus ni pain ni viande. Aux écuries du roi et de la reine, de même. Je ne voudrois pas qu'on sût, au pays où vous êtes, que je me mêlasse seulement d'écrire cela. Mais je sais bien que vous ne me commettrez pas, et qu'il y a bien souvent des choses dans mes lettres, dont on pourroit se moquer.

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