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Lorsqu'ils ne furent qu'eux deux, Galeotto s'approcha de lui:

—Maître, comment vous a plu l'essai?

—L'or était dans les baguettes, répondit tranquillement Léonard.

—Dans quelles baguettes? Que voulez-vous dire, messer?

—Dans les baguettes qui ont servi à remuer l'étain. J'ai tout vu.

—Vous les avez examinées vous-même.

—C'en étaient d'autres.

—Comment? Permettez!

—Je vous dis que j'ai tout vu, répéta Léonard souriant. N'essayez pas de nier, Galeotto. L'or caché à l'intérieur de ces baguettes évidées, quand les extrémités en furent brûlées, est tombé dans le creuset.

Le vieillard sentit ses jambes fléchir. Son visage avait l'expression piteuse d'un voleur pris sur le fait.

Léonard lui mit la main sur l'épaule.

—Ne craignez rien. Je ne le dirai à personne.

Galeotto saisit sa main et, avec effort:

—C'est vrai? Vous ne le direz pas?...

—Non. Je ne vous veux pas de mal. Seulement, pourquoi avez-vous fait cela?

—Oh! messer Leonardo! s'écria Galeotto; et subitement, après une infinie détresse, un infini espoir brilla dans ses yeux. Je vous jure devant Dieu que si j'ai eu l'air de tromper, ce n'est que momentanément et pour le bien du duc, pour le triomphe de la science—parce que je l'ai véritablement trouvée, la pierre philosophale! Pour l'instant je ne l'ai pas, mais je puis presque dire que je l'ai ou à peu de chose près, vu que j'ai trouvé la voie à suivre—et là est l'important. Encore trois ou quatre essais et ce sera chose faite! Comment fallait-il agir, maître? La découverte de la plus haute vérité ne peut-elle pas souffrir un petit mensonge?

—Nous avons l'air de jouer à Colin-Maillard, messer Galeotto, dit Léonard, haussant les épaules. Vous savez aussi bien que moi que la transmutation des métaux est un mythe, que la pierre philosophale n'existe pas et ne peut exister. L'alchimie, la nécromancie, la magie noire—comme toutes les sciences qui ne sont pas fondées sur la preuve exacte et mathématique—sont des mensonges ou des folies—l'étendard enflé de vent des charlatans, derrière lequel court la populace bête, annonçant leur puissance par ses aboiements...

L'alchimiste fixait sur Léonard ses yeux dilatés et consternés. Tout à coup, il inclina la tête, cligna malicieusement un œil et rit:

—Ah! cela c'est mal, maître, très mal! Ne suis-je pas un initié? Je sais que vous êtes le plus grand des alchimistes, le possesseur des précieux secrets de la nature, le nouvel Hermès Trismégiste, le nouveau Prométhée!

—Moi?

—Mais oui, vous, certainement.

—Vous plaisantez, messer Galeotto!

—Pas le moins du monde, messer Leonardo! Ah! que vous êtes cachottier et malin! J'ai connu bien des alchimistes jaloux des secrets de la science, mais jamais autant que vous!

Léonard le regarda attentivement, voulut se fâcher et ne put.

—Alors, réellement, vous avez la croyance? interrogea-t-il avec un involontaire sourire.

—Si je l'ai! s'écria Galeotto. Mais savez-vous, messer, que si Dieu lui-même descendait devant moi à la minute et me disait: «Galeotto, la pierre philosophale n'existe pas», je lui répondrais: «Seigneur, aussi vrai que tu m'as créé, la pierre existe et je la trouverai!»

Léonard ne répliqua plus, ne s'étonna plus: il écoutait curieusement. Quand la conversation s'engagea sur l'aide diabolique dans les sciences occultes, l'alchimiste remarqua avec un sourire méprisant que le diable était l'être le plus misérable de la création, qu'il n'existait personne de plus faible que lui. Le vieillard ne croyait qu'à la toute-puissance de la science humaine, assurant que pour elle rien n'était impossible.

Puis, subitement, sans transition, il demanda à Léonard s'il voyait souvent les esprits des éléments. Lorsque son interlocuteur avoua ne jamais les avoir aperçus, Galeotto, de nouveau, n'ajouta pas foi à ces paroles et expliqua avec satisfaction que la salamandre avait un corps allongé, tacheté, fin et dur, et que la sylphide était bleu de ciel, transparente et aérienne. Il parla des nymphes, des ondines, des gnomes, des pygmées et des extraordinaires habitants des pierres précieuses.

—Je ne puis même vous dire, ajouta-t-il, combien ceux-là sont tous bons et charmants...

—Pourquoi donc les esprits n'apparaissent-ils qu'à des élus, et non à tout le monde? interrogea Léonard.

—Ils ont peur des gens grossiers, des débauchés, des savants, des ivrognes et des gourmands. Ils aiment la naïveté et la simplicité de l'enfance. Ils ne vont que là où il n'y a ni méchanceté ni ruse. Autrement, ils deviennent sauvages ainsi que des fauves et se cachent aux regards des hommes.

Le visage du vieillard s'éclaira d'un tendre sourire méditatif.

«Quel étrange, pauvre et charmant homme!» pensa Léonard, ne ressentant plus de dédain pour les utopies alchimistes et cherchant à causer avec lui comme avec un enfant, prêt à se déclarer possesseur de tous les secrets pour lui être agréable.

Ils se séparèrent amis.

Léonard parti, l'alchimiste recommença un nouvel essai de l'huile de Vénus.

Le Roman de Léonard de Vinci: La résurrection des Dieux

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