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PRÉFACE

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Le surintendant des finances Nicolas Fouquet a joué un grand rôle pendant la première partie du règne de Louis XIV. Auxiliaire zélé de Mazarin à l'époque de la Fronde, habile plus tard à fournir de l'argent à un ministre avide, qui avait plusieurs armées à entretenir et qui voulait pour lui-même amasser des trésors, il suffit pendant plus de dix ans à cette lourde tâche. Cependant les Mémoires du temps et les historiens modernes ne parlent guère que de la catastrophe de Nicolas Fouquet. Les causes de l'élévation de ce personnage, ses relations avec Mazarin, les services qu'il lui rendit pendant la Fronde, n'ont jamais été complètement exposés. Le travail remarquable que M. P. Clément a placé en tête de son Histoire de Colbert n'embrasse que la disgrâce de Fouquet et les causes qui l'ont amenée. Il en est de même des Mémoires sur madame de Sévigné, par M. Walckenaer; on n'y trouve que le procès du surintendant[1]. Je me propose de remonter plus haut et d'exposer toute la vie de Nicolas Fouquet, en m'appuyant sur des documents d'une authenticité incontestable.

L'abbé Fouquet, frère du surintendant, est encore moins connu. On le voit, à la vérité, dans les Mémoires du dix-septième siècle, jouer les personnages les plus divers: serviteur dévoué de Mazarin, il lutte contre le prince de Condé et le cardinal de Retz; il brave tous les dangers pour assurer le triomphe de la royauté sur la Fronde; plus tard, il dispose de la police et de la Bastille; mais sa puissance est occulte; il se plaît dans les menées souterraines, et les Mémoires du temps signalent surtout son insolence et le scandale de ses mœurs, qui finirent par le compromettre gravement, sans que le cardinal Mazarin, auquel il avait rendu de grands services, ait jamais consenti à le disgracier. Toutefois son importance fut amoindrie, tandis que celle du surintendant grandissait chaque jour et arrivait à l'effacer entièrement.

Je me hâte de déclarer qu'aucun des deux frères n'a laissé de Mémoires historiques. On ne saurait, en effet, désigner sous ce titre les Défenses, que Nicolas Fouquet composa à l'occasion du procès qui lui fut intenté en 1661, et qui ne forment pas moins de quatorze volumes. Mais il reste du surintendant et de son frère l'abbé un grand nombre de lettres, qui ont été écrites au moment même où les événements s'accomplissaient, et qui ont plus d'autorité historique que n'en pourraient avoir des œuvres composées à loisir et destinées trop souvent à tromper la postérité. Je me suis surtout servi de ces documents[2] pour faire connaître le rôle politique des deux Fouquet.

J'ai adopté le titre de Mémoires, parce que cet ouvrage, qui embrasse la vie privée aussi bien que la vie publique de Nicolas Fouquet et de son frère l'abbé, ne saurait avoir la gravité de l'histoire. Il descend dans des détails domestiques qui sont nécessaires lorsque l'on veut étudier à fond le caractère et les passions d'un homme, mais que l'on doit négliger dans les tableaux et les récits d'un intérêt plus général. Enfin le titre de Mémoires me permet de laisser le plus souvent la parole aux contemporains. Mazarin, qui a joué dans ces temps le principal rôle, révèle dans ses lettres aux Fouquet bien des détails secrets et des causes cachées. N'est-il pas juste, d'ailleurs, d'entendre la défense de ce ministre que les frondeurs ont si obstinément poursuivi? Les Mémoires de cette époque ne sont souvent qu'une continuation des Mazarinades, une suite spirituelle et piquante des pamphlets destinés à verser l'odieux et le ridicule sur le cardinal et sur la reine Anne d'Autriche. Les lettres de Mazarin, écrites sous l'impression même des événements, ont bien plus d'autorité que ces souvenirs rétrospectifs, destinés à satisfaire avant tout la vanité de l'auteur et à exagérer les proportions de son rôle.

Je suis loin cependant de contester l'utilité des Mémoires pour retracer les événements de cette époque, et j'en ai fait un usage continuel. Aucune période de notre histoire n'a été plus féconde en écrits de cette nature. Plusieurs de ces ouvrages réunissent le mérite du style à l'intérêt historique, le charme de la narration à l'authenticité des faits, l'attrait romanesque et dramatique de la vie privée à la grandeur des événements publics. Avant et pendant la Fronde, chaque parti, chaque nuance même de parti, a son historien. La Châtre écrit pour glorifier la cabale des Importants; la cour et Anne d'Autriche trouvent leur apologiste dans madame de Motteville; la Rochefoucauld et Pierre Lenet soutiennent de leur plume le parti des Princes, qu'ils avaient défendu de leur épée et éclairé de leurs conseils; le parlement a pour lui, quoique avec des nuances distinctes, Omer Talon, Olivier d'Ormesson, l'Histoire du temps et le Journal de la Fronde. Priolo, d'abord attaché au duc de Longueville, se laisse gagner par Mazarin, et écrit, dans l'intérêt du ministre, son histoire latine des premières années de Louis XIV, histoire qui ressemble souvent à des Mémoires par le rôle qu'y joue l'auteur et le soin avec lequel il se met en scène[3]. Gui Patin exprime les sentiments de la bourgeoisie frondeuse. Le cardinal de Retz et mademoiselle de Montpensier ne représentent guère qu'eux-mêmes, leur esprit, leur vanité, leurs intrigues, leur héroïsme romanesque et théâtral. Parmi ces Mémoires, dont il serait facile d'augmenter la liste, quelques-uns sont considérés comme des œuvres éminentes pour l'éclat pittoresque du style, la vivacité des tableaux et la peinture des caractères.

Mémoires sur la vie publique et privée de Fouquet

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